jeudi 5 juin 2014

Un géant nommé B-36 (1/2)

Le "Peacemaker" est l'un des appareils les plus impressionnants jamais construit : un monstre hexamoteur capable de franchir des continents entier mais à une vitesse d'escargot, conçu comme bombardier lourd avant d'être transformé en bombardier nucléaire, le tout pour un appareil qui a été en service à peine 10 ans…la période d'après Guerre ayant rendu les appareils à pistons obsolètes. Malgré son retrait du service rapide, il a laissé une forte impression sur ses équipages et ceux qui l'ont côtoyé : il s'agit du Convair B-36.

Le B-36 : 6 moteurs et 4 réacteurs !

L'histoire de cet appareil remonte à 1941 : les Etats-Unis sont conscients que dans le conflit à venir, si jamais l'Angleterre venait à tomber, il faudrait aller bombarder l'Allemagne depuis les Açores, voire directement depuis les Etats-Unis : il n'existait à cet époque aucun bombardier intercontinental, et l'US Army Air Corps va donc émettre une fiche pour un bombardier intercontinental géant, capable d'aller bombarder l'Europe en partant des Etats-Unis et de revenir.

écorché du "Model 36" de la Convair, avec sa double dérive


Le 11 avril 1941, l'Air Corps demande officiellement un bombardier capable de transporter 4,5 tonnes de bombes sur une distance de 16 000 kilomètres aller-retour. A cette époque, le plus gros bombardier en service est le B-17C : il peut à peine transporter 2 tonnes sur 3000 kilomètres. Conscient de la difficulté de tenir ces specs, l'Air corps passe également commande d'un appareil intermédiaire, qui doit entrer en service pour 1943 : il deviendra le B-29

La Consolidated Aircraft Corporation de San Diego (qui deviendra CONVAIR après la Guerre) va soumettre une étude pour l'avion intermédiaire, ce sera le XB-32, qui ne sera jamais produit en série, évincé par le B-29 de Boeing. Convair va alors élargir sa proposition en la faisant passer de 4 à 6 moteurs, et dépose son dossier pour le bombardier intercontinental le 6 octobre 1941.

le XB-36 évolue vers sa forme définitive, avec l'ajout de la simple dérive


Sur les recommandations du général George Kenney, l'Air Corps va passer deux contrats : le principal avec Northrop pour un concept radical : l'aile volante XB-35, et un contrat "de secours" avec Convair pour deux XB-36, beaucoup plus conventionnel. Convair reçoit donc 15 millions de dollars pour délivrer deux prototypes, le premier en 30 mois, soit vers juin 1944.

L'attaque de Pearl harbor et l'entrée en Guerre des Etats-unis va bousculer le planning  l'accent est mis sur la production du matériel disponible, et le XB-36 va se retrouver reléguer au second plan. Malgré cela le travail continue chez Convair, et en Août 1942, le gouvernement découvre une maquette au 1/26 ainsi qu'une maquette grandeur nature du fuselage. L'appareil doit être propulsé par six moteurs Pratt et Whitney R4360 Wasp majors à 28 cylindres entrainant des hélices Curtiss tripales de presque 6 mètres de diamètre. Chose rare, les hélices sont en arrière des ailes, ce qui permet de garder un écoulement d'air plus net le long des ailes, les moteurs poussant l'avion par l'arrière.

Le XB-36 est d'une dimension encore jamais vu à l'époque


Avec une envergure de 69 mètres, et une longueur de 50 mètres, l'appareil est le plus grand jamais conçu à l'époque. L'appareil doit également être pressurisé, une grande nouveauté à l'époque. Pour connecter la partie avant et arrière qui sont pressurisées, un immense tunnel court à travers la soute à bombe qui mesure 25 mètres de long et 60cm de diamètre seulement ! Pour que les membres d'équipage puissent passer d'un côté à l'autre facilement, Convair installe un petit chariot montés sur des rails, permettant aux membres d'équipage de se "propulser" de l'autre côté !

Un long tunnel relie les parties pressurisées avant et arrière
Le fuselage est de construction circulaire et le cockpit monté de manière classique avec une large surface vitrée, et une double dérive très large pour fournir une meilleure manœuvrabilité. La configuration de l'appareil ainsi définie ne va  pas varier beaucoup tout au long de la Guerre, à un détail près : vers fin 1943, la double dérive va disparaitre au profit d'une énorme dérive unique. Cela permet de gagner du poids, important car avec la portée demandée de 15 000 kilomètres, chaque kilogramme de poids sec demande deux kilogrammes de carburant pour faire le voyage : il n'y a donc pas de petite économie de poids ! Pour réduire le poids de la structure, Convair prend la décision de construire le fuselage non pas en aluminium mais en magnésium, une première mondiale !

Le B-29 fait figure de nain à côté du nouveau XB-36 !


L'armement défensif de l'appareil promettait d'être impressionnant : 15 canons montés dans quatre tourelles et la queue, avec des canons de 37mm et de 20mm, ce qui allait demander un équipage de 11 à 15 personnes à bord de ce mastodonte. Convair équipe le bombardier de couchettes, d'une cuisine complète, et de table de repos. Ce luxe est nécessaire par la durée des missions : pour franchir 15000 kilomètres avec la vitesse envisagée de 300km/h…il faudra presque 48 heures de vol pour faire l'aller-retour…

L'équipage est pléthorique !


Si la conception de l'appareil se passe bien au bureau d'étude, il en va autrement au niveau de la production : en 1942, le B-36 n'est pas prioritaire : il faut produire le B-24 en série d'urgence, ce qui mobilise la plupart des ressources de Convair…puis devant l'avance japonaise, le chef d'état major de l'Air Corps demande de mettre l'accent sur le B-36 pour aller bombarder le japon, mais les sous-traitants de Convair préfèrent passer des contrats de production immédiats donnant lieu à de plus gros contrats.

Le XB-36 lors de ses premiers essais


Progressivement, la reconquête des îles autour du Japon va rendre le besoin du B-36 moins criant…et le projet n'est plus prioritaire… 1945 arrive ensuite, et c'est la fin de la Guerre. L'Air Corps se retrouve avec des milliers d'appareils sur les bras dont il ne sait que faire, et toutes les commandes sont annulées ou fortement réduites…sauf pour le contrat B-36 ! Le prix à payer pour la reconquête du Pacifique ainsi que le fait que les bombes atomiques sont lourdes et encombrantes rend le B-36 nécessaire pour crédibiliser la nouvelle dissuasion nucléaire américaine.

Le travail reprend, et va aller vite ! Dès la reddition de l'Allemagne, tout change, et Convair peut faire sortir le premier XB-36 de son hangar seulement six jours après la fin de la Guerre, le 8 septembre 1945. Il faudra cependant attendre le 12 juin 1946 pour que le XB-36 puisse recevoir ses moteurs et ses hélices pour commencer ses essais moteurs. L'essai est un échec : les moteurs tournent bien, mais les volets sont littéralement désintégrés sous l'effet des vibrations des six moteurs ! Il faut les remplacer, en substituant de l'aluminium six fois plus lourd que les originaux en magnésium !

Dessin présentant le XB-36 en vol avec son cockpit d'origine


Après ces retards, ce n'est que le 8 Août 1946 que le XB-36 est prêt à effectuer son premier vol, cinq années après avoir été commandé, ce qui était assez inhabituel pour l'époque. L'appareil effectue un vol prudent de 37 minutes avec le train sorti et un équipage réduit de neuf personnes, dont le pilote Beryl Erickson. Représentant la pointe de la technologie, la mise au point d'un appareil de cette taille ne va pas sans mal : le refroidissement des moteurs est insuffisant, beaucoup d'éléments ne sont pas redondés, ce qui entraine des pannes à répétitions : le XB-36 perd 3 de ses 6 moteurs au cours d'un vol d'essai à cause des vibrations qui ont endommagé le système électrique de l'aile.

Le train à bogies des appareils de série semble bien conservateur...pourtant c'est une nouveauté...

Le design de l'appareil va également être modifié : les pilotes se plaignent du manque de visibilité, et Convair va rajouter un cockpit en "bulle", surélevé par rapport au fuselage, ce qui permet également de placer une tourelle de mitrailleuses dans le nez. Le train d'atterrissage est également modifié : le XB-36 possédait un train principal à roue unique, d'un diamètre de 2,80, les plus grandes jamais montées sur un avion ! Mais la pression sur le sol est telle que le B-36 ne peut se poser que sur trois pistes dans tout le pays : Fort Worth, Eglin et Fairfield (Travis).

Les roues d'origine sont trop grandes pour les pistes...


Les ingénieurs de Convair vont créer un train à Bogies, avec quatre roues de 1,42 mètres de diamètre, plus simple à fabriquer et changer, mais avec un système de freinage beaucoup plus complexe. De cette manière, le B-36 peut à présent se poser sur pas moins de 44 pistes aux Etats-Unis ! Convair concevra un autre train d'atterrissage encore, mais à chenilles, conçu pour mieux supporter les contraintes d'un atterrissage sur piste non préparé, le système marchait bien, mais ne sera jamais mis en service.

L'autre essai : le train à chenille, un succès sans suite...


Après toutes ces tribulations, il restait encore à produire et mettre en service cet énorme bombardier...

La production en série du B-36 va enfin pouvoir débuter...

1 commentaire:

  1. J'ai toujours été impressionné par cet avion. Surtout et encore aujourd'hui attendu que la conception est presque octogénaire, conduite sans computer (ou presque) et surtout sans simulation 3D ! Uniquement du pur jus de cervelle ! Bon, en contrepartie les performances de vitesse sont assez ternes car à l'époque les progrès dans le domaine étaient fulgurants. Mais quand-même ! Fallait oser le sortir, ce Peacemaker !..

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