lundi 27 juillet 2015

Camouflage d'usines

La Seconde Guerre Mondiale débute entre les Etats-Unis et le Japon le 7 décembre 1941 avec l'attaque de Pearl Harbor. Dans les semaines qui suivent, la machine de Guerre japonaise va balayer de nombreux points forts américains à travers tout le Pacifique, et il semble que rien ne puisse les arrêter.

Vue des usines Boeing de Seattle pendant la Guerre....


Lorsque la Navy repère en février 1942 des sous-marins japonais au large de San-Francisco et de Santa Barbara, le doute n'est plus permis : l'ennemi est aux portes des Etats-Unis, et toutes les installations industrielles de la côte Ouest sont potentiellement en danger : des bombardiers japonais peuvent surgir à tout moment au dessus de Seattle ou de Burbank, respectivement siège de Boeing et de Lockheed. Cette crainte, nous le savons aujourd'hui, était largement injustifiée : les Japonais n'avaient ni les moyens ni la volonté de venir jusque là, mais Pearl Harbor avait été un tel choc que la psychose avait gagné tous les esprits.

Vue aérienne des usines Lockheed avant la Guerre...


Le président ordonne alors au responsable de la défense pour le secteur Ouest, le Lt General John L DeWitt d'organiser la protection et la défense civile de la côte Ouest. Un des officiers chargé de mettre tout ce camouflage en place était le colonel John Ohmer, un des experts de l'Army en terme de camouflage, qui avait déjà voyagé en Angleterre pour s'inspirer des techniques anglaises durant le Blitz. Cette fois Ohmer va devoir appliquer ses connaissances à grande échelle. Son idée est simple : il faut construire de faux villages au dessus des principaux sites industriels  de la côte Ouest, les plus importants pour l'effort de Guerre : on retiendra l'usine Lockheed de Burbank, l'usine Douglas à Long Beach et l'usine Boeing de Seattle. Si jamais une de ces usines était endommagée, ce serait une catastrophe pour l'approvisionnement des troupes.

Vue des mêmes usines pendant la Guerre, avec camouflage...


Ohmer va donc dresser des plans pour fabriquer des décors entiers au dessus de ces usines, et pour mener ce plan à bien, il va recevoir une aide inattendue : les studios d'Hollywood. En effet, tous les grands studios : MGM, Disney, Paramount et la 20th Century Fox vont mettre à disposition de l'armée leurs équipes de décorateurs, de peintres, de charpentiers et accessoiristes. Ces équipes ont l'habitude de créer du toc pour tous les films hollywoodiens…cette fois ce sera du toc pour dérouter les Japonais. Les connaissances de Ohmer, couplées aux talents des équipes d'Hollywood vaont permettre de camoufler les bases aériennes et les usines, grâce à de faux arbres et des filets de camouflages stratégiquement placés. Mieux encore : de faux villages font leur apparition sur les usines.

Vue du sol des usines Lockheed...


Ces villages étaient complets : il y avait des maisons, des écoles, des bâtiments administratifs, des routes et de faux arbres et buissons de partout. Pour compléter le tout, il y avait même des fausses voitures en caoutchouc !

Pour parfaire l'illusion, des équipes restaient sur place pour monter périodiquement sur le toit de l'usine et déplacer les voitures, ouvrir ou fermer les volets, étendre du linge devant les maisons etc… L'illusion était parfaite, les pilotes américains envoyés en reconnaissance ne parvenaient pas à identifier le contour exact des usines. Après l'usine de Burbank, ce sera au tour de celle de Long Beach de recevoir son village, et devant le succès de ces deux réalisations, Ohmer va s'attaquer au plus grand défi : l'usine Boeing de Seattle et ses 100 000 mètres carrés d'usine ! Ce ne sera qu'un semi-succès : il existait une rivière et un pont à proximité immédiate de l'usine, ce qui la rendait repérable plus facilement…mais c'était mieux que rien !

Les immenses parkings seront également camouflés sous d'immenses toiles de jutes...


Au fur et à mesure que le temps passe, la possibilité d'une invasion japonaise devient de plus en plus faible, l'US Navy ayant infligé de lourdes défaites à la flotte japonaise, et progressivement, ces villages en carton seront laissés à l'abandon avant d'être démolis. On ne saura donc jamais si ce camouflage se serait révélé efficace en cas de bombardement japonais...

Pause déjeuner des ouvriers sur le toit des bâtiments...mais à l'ombre !



lundi 20 juillet 2015

L'histoire des C-135 français

En 1962, le général de Gaulle décide de doter la France d'une force de frappe indépendante, organisée autour de la "triade", c'est-à-dire bombardier, sous-marins et silos de missiles. Le bombardier qui devra assurer le rôle de vecteur stratégique sera le Mirage IV, mais rapidement sa taille se révèle insuffisante : il peut transporter l'arme nucléaire, mais sur une trop courte distance pour être d'une quelconque utilité stratégique. Il lui faut donc un ravitailleur pour lui permettre d'aller frapper au cœur de l'empire soviétique. Aujourd'hui, nous allons voir comment ce besoin va déboucher sur l'achat de 12 avions ravitailleurs Boeing Model 717-165, plus connu sous le nom de C-135F.


L'histoire des C-135 français... (crédit Armée de l'air)

Bien que la décision de mettre sur pied une force de frappe remonte à 1962, les premières études visant au ravitaillement en vol d'un bombardier stratégique français remontent à 1959. En l'absence d'avion spécifique, on imagine équiper une partie des Mirage IV en ravitailleurs grâce à un pod de ravitaillement constitué d'une nacelle et d'un treuil. Pourtant il apparait rapidement que le nombre de Mirage IV sera réduit, et il faut trouver un autre appareil pour le ravitaillement en vol : c'est le SNCASO "Vautour" qui est retenu : en l'équipant d'une nacelle ventrale de marque Douglas, il est possible de le transformer facilement en ravitailleur.

Contre toute attente, des représentants de Boeing vont faire une offre à l'armée de l'air en septembre 1961 pour l'achat de plusieurs C-135A de transport. L'armée de l'air et la DMA (ancêtre de la DGA) vont étudier cette offre, mais la solution Vautour semble plus simple à mettre en œuvre…c'est sans compter sur l'administration, car les crédits de transformation du Vautour sont refusés en novembre 1961 : le contrat de 45 millions de Francs pour 35 "Vautour"  n'est pas signé. Dans le même temps, l'état-major de l'armée de l'air estime qu'il faudrait 200 millions de francs pour acquérir 12 ravitailleurs KC-135. Sud Aviation de son côté essaye de fournir un avion ravitailleur pour un coût inférieur, grâce au projet "Caravelle Tanker" basé sur une transformation de la Caravelle en citerne volante…mais ce programme ne quittera jamais la planche à dessins !

Malgré des essais concluants, aucun Vautour ne sera transformé en ravitailleur...


Courant 1962, les choses vont commencer à s'accélérer : alors que l'état-major des Armées essaye de savoir si le gouvernement américain risque de s'opposer à la vente de ravitailleurs, l'ingénieur en chef Ravaud, accompagné du commandant Glavany, se déplace chez Boeing pour commencer à préparer le terrain et vérifier que l'avion correspond bien aux attentes. Cette première mission, commandée par le général Guernon, permet à la fois d'affiner la configuration de l'avion, les pièces de rechanges indispensables à commander et les différentes procédures de ravitaillement en vol. La mission dure du 23 juin au 14 juillet, et on note au sein de la délégation française la présence du colonel de Villetorte, responsable du programme Mirage IV. Cette mission permet de confirmer que le C-135 de Boeing répond à un vrai besoin de l'Armée de l'Air, à la fois en terme de ravitaillement en vol et en terme de transport stratégique.

La commande française est arrêtée à 12 appareils, minimum pour assurer l'alerte permanente avec les Mirage IV. Les informations de la mission du général Guernon permet, après concertation entre les différents services officiels, d'arrêter définitivement la configuration des appareils. C'est ainsi que dès le 23 juillet, Pierre Messmer adresse à son homologue américain, Robert McNamara, une lettre d'intention pour l'achat de 6 C-135A, commande qui sera suivie d'une deuxième tranche de 6 appareils quelques mois plus tard.

La raison d'être du C-135 : le ravitaillement en vol

Pourtant avant d’accepter cette seconde tranche, les services officiels français veulent pouvoir faire un essai, et vont pour cela demander le prêt d'un "tanker" de l'USAF, qui devra être équipé d'un tuyau souple et d'un entonnoir pour réaliser des essais avec un Mirage IV ou un Vautour. L'état-major de l'USAF refuse dans un premier temps,  mais après bien des négociations (et interventions auprès de personnalités influentes comme le général leMay, commandant du SAC), les américains acceptent de réaliser quatre vols d'essais (2 pour Vautour et 2 pour Mirage IV) début décembre : l'opération est baptisée "BB" pour "Biberon Boeing". Elle a finalement lieu du 26 au 29 novembre 1962 à Istres, où l'USAF dépêche un KC-135. Les capitaine Iribarne du CEV et commandant Jeanjean du CEAM pilotent les prototypes n°2 et 3 du Mirage IV pour les essais de ravitaillement, qui se déroulent avec succès.

Entre temps, une deuxième mission française va partir aux États-Unis sous la direction de l'ingénieur en chef Lissonnet pour finaliser la définition du C-135F. Ils iront à la fois chez Boeing et à Dayton, siège du commandement du matériel de l'USAF. Cette mission permet également de commencer la mise au point des procédures de ravitaillement en vol qui seront ensuite utilisées par les forces aériennes stratégiques.

L'Armée de l'AIr utilisera l'entonnoir plutôt que la perche rigide


Pourtant, avant de pouvoir mettre la main sur des ravitailleurs,  il faut pouvoir disposer d'équipages entraînés pour les mettre en œuvre. A l'époque ou l'armée de l'air possède principalement du Noratlas comme avion de transport, le Boeing C-135, dérivé de l'ancêtre du 707, le "Dash 80" est un avion d'une autre échelle. C'est ainsi que début mars 1963, neuf équipages français sont envoyés aux Etats-Unis, à Castle AFB pour y recevoir une formation complète sur KC-135, incluant les procédures de vol et de ravitaillement. Les équipages vont recevoir le même entrainement que n'importe quel équipage du Strategic Air Command américain, à l'exception de la formation relative aux plans de Guerre qui sont bien évidemment tenus secrets des français !

Caractéristiques du C-135FR


Une troisième mission française est envoyée aux États-Unis au mois de mai 1963, toujours sous la responsabilité de l'IC Lissonnet. Le but de cette mission est de contrôler l'avancement de l'assemblage des 6 premiers avions, et de faire le point financier sur le programme, tout en commençant à étudier les contraintes logistiques pour le convoyage des appareils en France.

Revenons un peu sur ce que la France à commandé : des C-135F, étrange car les américains désigne les avions ravitailleurs par le préfixe "K"…et le "C" désignant les avions cargo. La France a pourtant commandé des ravitailleurs…alors le C-135F est-il bien un KC-135A francisé ? La réponse va vous surprendre : non…le C-135F est un C-135A francisé, c'est-à-dire un dérivé de la version  cargo et non du ravitailleur !

Comparaison entre les différentes versions de C/KC-135

Le C-135F possède en effet des caractéristiques que l'on ne retrouve pas sur le KC-135A, mais bien sur le C-135A, comme la présence d'un plancher renforcé en métal, contrairement au plancher en bois des KC-135A de l'Air Force. Le C-135A possède deux pack de climatisation, comme le C-135F, à la différence du KC-135A qui n'en possède qu'un, ou encore le réservoir supplémentaire de carburant situé à l'arrière que possèdent les KC-135A mais que ne possèdent ni les C-135A ou C-135F. Bref, l'avion commandé par l'Armée de l'Air est donc bien un avion de transport qui possède une perche de ravitaillement en vol…et non un ravitailleur équipé d'un plancher en métal ! C'est ainsi que s'explique la disparition du "K" dans la nomenclature de ces appareils ! On peut aussi penser que politiquement parlant, le C-135F à été présenté comme un avion de transport, et non comme un pilier des forces aériennes stratégiques !

Autre détails technique, on notera que les appareils français sont dépourvus d'APU, contrairement au KC-135 de l'USAF, mais les C-135F ont gardé les trappes d'échappement du système bien qu'il n'y ait rien derrière ! Ce n'est que avec leur remotorisation bien des années plus tard que les C-135F gagneront un APU qui leur permettra de s'affranchir d'un groupe de parc ou des démarreurs à cartouche utilisés en alerte sur les J-57.

Détail sur la perche de ravitaillement Boeing...


Les appareils sont équipés des moteurs J57-P-59W de 5 tonnes de poussée ou 6,2 tonnes avec injection d'eau. Comme beaucoup d'appareils de cette époque, l'appareil souffre de sous-motorisation : pour un poids de 137 tonnes, ses moteurs ne fournissent que 24 tonnes au total au décollage…c'est suffisant, mais ne permet pas une grande marge au décollage, particulièrement par temps chaud où l'avion est très gourmand en longueur de piste. L'appareil peut emporter un total de 81 tonnes de carburant (contre 86 tonnes pour les KC-135 équipés du réservoir supplémentaire), ce qui lui donne une autonomie de près de 15 heures de vol et la possibilité de franchir d'une traite 12 000km : aucun appareil n'approchait ces capacités de près ou de loin à l'époque ! Le carburant destiné au ravitaillement et à l'avion étant transporté dans les mêmes réservoirs, le fait de ravitailler des appareils va également réduire cette capacité, ce qui permet de choisir entre mission de transport à long rayon d'action ou mission de ravitaillement à plus courte portée...

Au niveau cargo, le C-135F peut transporter pas moins de 9 palettes de 3,6 tonnes chacune, ou encore 126 passagers ou 40 blessés sur des civières. Il y avait à l'origine une configuration "VIP" composée d'un salon et de deux chambres avec toilettes.

La soute des KC-135 est en bois...mais celle des appareils français est en métal !


Pour gérer ces ravitailleurs, il faut une unité indépendante et autonome : c'est ainsi qu le 1er Août 1963 est crée la 90ème escadre de ravitaillement en vol sur la base d'Istres, dont le rôle sera spécifiquement la mise en œuvre des avions ravitailleurs au profit des forces aériennes stratégiques (FAS). En septembre 1963, un détachement de l'Air Force est stationné sur la base. Composé d'officiers et de mécaniciens, leur rôle est d'aider l'armée de l'air à accueillir ses nouveaux appareils, alors même que les équipages français sont formés par Boeing à Seattle avant la livraison des premiers appareils.

Le 5 février 1964, le premier C-135F français se pose sur la base d'Istres. Il s'agit du serial 63-8471, codé "CB". L'équipage était commandé par le Cdt Guillou. A son bord se trouvait un équipage français, accompagné du général Marie, commandant du CAS et d'un équipage américain.

Livraison du deuxième appareil français, le 472, avec devant le général marie et d'autres officiers français...


Fin mars 1964, les derniers militaires américains quittent Istres : la formation du personnel sol sur le C-135 est terminée, et l'Armée de l'Air peut désormais gérer ses ravitailleurs de manière autonome, avec des équipages français. En Parallèle, Air France est choisie pour assurer l'entretien lourd des appareils plutôt que l'UTA. Ce choix est somme toute assez logique, Air France possédant une flotte de Boeing 707, cousin du C-135F ! Le premier ravitaillement en vol avec transfert de carburant a lieu en mai 1964, avec un avion du CEV, et dans l'ensemble, tout se passe bien, hormis une perche de Mirage IV tordue au 37ème vol. Le dernier C-135F sera livré le 28 septembre 1964, avec l'arrivée à Istres du 63-12740 codé "CL". Cet appareil a été convoyé via le pacifique, avec un passage à Pointe à Pitre. Le général Maurin, commandant les FAS, était à bord pour ce vol.

Dans un premier temps, les ravitailleurs sont laissé en aluminium naturel poli, comme les ravitailleurs américains, le tout sans aucun marquage visible hormis les cocardes françaises, de même que les Mirage IV. L'absence de marquage était fait pour ne pas faciliter la tâche des espions soviétiques qui surveillaient de près l'établissement de la force de dissuasion. Plus tard, les appareils seront recouverts avec de l'ECPA, une peinture à base d'aluminium et de vinyl modifié, résistante aux fluides hydrauliques.

Grandes cocardes et aluminium poli : la première livrée des ravitailleurs

Après une période d'entrainement, le 90ème ERV prend l'alerte pour la première fois avec les mirage IV le 1er octobre 1964. Pour disperser au maximum les moyens nucléaires, le 90ème ERV est dissous en 1965, et les appareils répartis au sein de trois escadrilles de quatre avions chacune : l'E.R.V 4/91 "LANDES".4/93 "AUNIS" et 4/94 "SOLOGNE". A partir de 1965, l'ERV 4/93 devient également division d'instruction pour la formation des pilotes et ORV (Opérateurs de Ravitaillement en Vol" ou "Boomer"). L'unité est habilité à délivrer les certifications Boeing équivalentes aux licences civiles. La maintenance standard des appareils est assurée par le GERMaS 15/90 à Istres. La maintenance quotidienne est confiée au personnel de piste, alors que la maintenance lourde est assurée par les services d'Air France à Orly.

Au cours de toute cette période, l'alerte est assurée de manière permanente, 24h sur 24, et les appareils sont tous fortement sollicités. En 1965, les C-135F avait déjà réalisés 158 exercices de ravitaillement de Mirage IV, et 165 exercices de ravitaillement Vautour. C'est également en 1965 qu'auront lieu les premiers essais de ravitaillement de nuit. L'indissociabilité du Mirage IV avec le C-135F rend le ravitailleur très précieux, ce qui ne l'empêche pas de participer à d'autres missions de  manière ponctuelle en tant qu'avions cargo ou pour des exercices avec les pays de l'OTAN. Les C-135 participeront également à l'opération "Tamouré" premier test grandeur nature de la force de dissuasion française !

Première priorité des FAS : le ravitaillement des Mirage IV


On distinguait trois types d'alerte, les mêmes que pour les Mirage IV, à savoir :
  • L'alerte "A-15" ou 15 minutes : décollage au plus 15 minutes après le klaxon d'alerte
  • L'alerte "A-5" ou 5 minutes : décollage en moins de 5 minutes, les équipages devant rester en tenue de vol et en alerte
  • L'alerte "AB" ou A Bord, équipage en tenue, déjà à bord de l'appareil qui était prêt à démarrer
Dans la réalité, il y avait simultanément plusieurs équipages en alerte, un en alerte A5, les autres en alerte A15. Au milieu des années 70, l'alerte A5 sera abandonnée au profit de l'alerte A15 permanente.

Différentes méthodes de ravitaillement sont mises au point par les FAS, inspirées des méthodes du SAC américains. Parmi ces procédures, on peut citer :
  • Le rendez-vous sur route : le C-135 passe à une heure donnée à un point de rendez-vous avant de suivre une route avec un cap précis, le Mirage IV connaissant les éléments de navigation peut le rejoindre par l'arrière.
  • Le rendez-vous sur point : le C-135 se met en orbite sur un hippodrome d'attente
  • Le rendez-vous face à face : le C-135 se met sur une trajectoire "de collision" avec le Mirage IV et effectue un 180° afin que le Mirage IV arrive par l'arrière.

Au côté d'un DC-10 de l'UTA...
La flotte de C-135 ne connaitra qu'un seul accident  de son histoire, mais il sera dramatique : en 1972 a lieu le seul crash de l'histoire des C-135 français, avec la perte du 473 "CD" au décollage de la base d'Hao en Polynésie. L'équipage était constitué du commandant du Commandant Georges Dugué, du Capitaine Hubert Parage, Lieutenant Serge Frugier et Adjudant-chef Albert Hecq ainsi que deux spécialistes météo l'Adjudant-chef Jean Langlais et le Premier-maître Georges Saucillon. L'accident à lieu le vendredi 30 juin 1972, à quelques kilomètres de la base. Alors que l'appareil décolle sur le coup des 5h du matin pour une mission de reconnaissance météorologique, de graves soucis moteurs surgissent au moment du décollage. L'équipage tente de faire demi-tour, mais ne parviendra pas à rentrer, l'appareil s'abîme en mer à quelques kilomètres de la piste, appareil et équipage sont perdus. Peu de débris seront récupérés, l'ensemble de la zone étant infestée de requins. L'examen de l'autre C-135F présent sur place (le 471) fit apparaitre une importante corrosion des ailettes de compresseur due à l'air salin..il faudra faire venir quatre réacteurs neufs pour réparer le 471 avant qu'il ne puisse repartir en métropole, mais pour le 473 et son équipage il était trop tard.

Quelques jours avant l'accident fatidique, un général des FAS avait passé en revue l'équipage du 473...

Au début des années 70, les C-135 vont être progressivement utilisés pour d'autres missions que le seul ravitaillement en vol : les capacités intercontinentales du Boeing et sa grande capacité d'emport sont très appréciables pour l'Armée…mais pas que : c'est ainsi qu'en 1973, un C-135F fera l'aller et retour à Rio de Janeiro pour amener un nouveau mât à Eric Tabarly ! Les ravitailleurs pourront également ravitailler les Jaguar ou les Mirage F1 de la FATAC

En 1976, il n'y a plus que deux escadres de bombardement équipées de Mirage IV, les trois escadres de ravitaillement sont regroupées au sein d'une même escadre, la 93ème ERV dont l'état-major s’installe à Istres, mais les appareils sont toujours détachés à Istres, Avord et Mont de Marsan.

QUe ce soit pour les FAS ou la FATAC, les C-135 sont de toutes les missions !

En 1978, les C-135 vont retourner un par un à Wichita chez Boeing, pour recevoir de nouveaux panneaux d'intrados : au cours de cette opération, pas moins de 139m² sur les 226m² de voilure sont remplacés par le même aluminium que sur les 707 civils, ce qui permet de doubler le potentiel de chaque appareil, le faisant passer à 26 000 heures de vol.

Ce ne sera pas le seul voyage aux Etats-Unis des C-135 : en 1980, l'USAF signe un contrat avec Boeing pour la remotorisation des KC-135 par des moteurs F-108, désignation militaire des CFM-56. Entre 1984 et 1989, tous les C-135F sont remotorisés, devenant ainsi des C-135FR, semblables au KC-135R américains. L'adoption des CFM-56 permet un gain de puissance de 60%, ce qui permet l'utilisation de l'appareil à masse maximale sur la quasi-totalité des aérodromes militaires français, le tout avec de grandes économies de carburant.

C-135FR : nouveaux moteurs..mais pas que..

Au cours de ce vaste chantier de remotorisation, la structure des ailes est renforcée, et l'ensemble du poste de pilotage est réaménagé. 'autres modifications sont effectuées, comme une augmentation de la surface du plan fixe horizontal et l'installation d'un APU rendant l'appareil autonome.

Un poste de pilotage modernisé...

Mais les C-135FR vieillissent mal : acheté pour soutenir les Mirage IV, ils sont devenus les citernes volantes de toute l'armée de l'air française…sans parler des pays de l'OTAN ! C'est ainsi qu'en 1992, l'armée de l'air va louer trois KC-135R aux américains pour venir renforcer la flotte des 11 ravitailleurs existants, ce qui viendra soulager quelque peu les C-135FR. Devant le succès de cette opération, l'Armée de l'Air va acheter 2 KC-135R issus de l'US Air Force en 1994.

Départ en mission pour ce C-135FR


En 1993, le "736" est convoyé à Wichita chez Boeing pour un nouveau chantier de modification : cette fois il s'agit de tripler la capacité de ravitaillement en vol par adjonction de deux pods de ravitaillement sous les ailes, ce qui autorise trois deux ravitaillements simultanés (un sur chaque pod d'aile, ou un seul avec la perche centrale). Dans le même temps, les pompes de ravitaillement sont remplacés par un nouveau modèle beaucoup plus puissants, ce qu autorise des débits beaucoup plus élevés de carburant (jusqu'à 2 tonnes par minute !). Ces nouvelles pompes permettent de ravitailles les nouveaux avions E-3F "Sentry" de l'armée de l'air. Suite au succès de cette modification, les 10 appareils suivants sont modifiés par Air France à Orly.

Aujourd'hui, ces C-135, quoique très modernisés par rapport à l'origine, volent toujours. Comme au sein de l'USAF, c'est un véritable défi que de permettre à ces appareils de prendre l'air malgré leurs âge. Il faut sans cesse les entretenir, remplacer certaines pièces, ce qui devient de plus en plus difficiles, et ce pour plusieurs raisons  : Les C-135FR conservent des différences avec les KC-135R, ce qui empêchent tout échange "standard" de pièces : il faut adapter, parfois modifier certaines pièces pour les adapter sur C-135FR. A l'époque où ces appareils ont été construits, la chaîne d'assemblage était beaucoup moins standardisé qu'aujourd'hui, ce qui fait que beaucoup de pièces étaient ajustées directement sur l'appareil…il n'existe donc pas deux C/KC-135 identiques (problème qui embête bien l'USAF également).

La livrée commémorative pour les 50 ans des FAS... (crédit armée de l'air)

Parfois, il faut être créatif : Face à un panneau de carburant hors service et introuvable, l'Armée de l'Air va entrer un contact avec un musée aux États-Unis, pour échanger son panneau en panne contre le même panneau appartenant au musée, mais en état de fonctionnement ! Inutile de dire que la livraison des "Phénix", les A330 Airbus ravitailleurs, est attendue avec impatience au sein de l'Armée de l'Air !

Annexe : liste des C-135F français

NUMERO      
CONSTRUCTEUR 
SERIAL
NUMBERS      
CODE
ESCADRE
DATE
LIVRAISON
DATE
REMOTORISATION
18679
63-8470       
93-CA       
JAN 64
AOU86
18680
63-8471       
93-CB       
JAN 64
FEV86
18681
63-8472       
93-CC        
AVR64
SEP87
18682
63-8473
CD
AVR64
(détruit 1/7/72)
18683
63-8474       
93-CE        
MAI64
OCT86
18684
63-8475       
93-CF        
JUN64
JAN87
18695
63-12735      
93-CG       
JUL64
SEP85
18696
63-12736      
93-CH       
JUL64
AOU85
18697
63-12737      
93-CI
AOU64
AVR88
18698
63-12738      
93-CJ        
AOU64
JAN88
18699
63-12739      
93-CK        
SEP64
NOV85
18700
63-12740      
93-CL        
SEP64
NOV87