lundi 30 juin 2014

La naissance de l'Armée de l'Air

Le 2 juillet 2014, l'armée de l'air souffle ses 80 bougies ! C'est en effet le 2 juillet 1934 qu'est promulguée la loi d'organisation de l'armée de l'air, qui divise la France en régions aériennes et donne naissance aux principales bases de l'armée de l'air. C'est l'acte finale d'une longue histoire de la naissance de l'arme aérienne en France.

La patrouille de France, symbole par excellence de l'Armée de l'Air


La France possède la plus ancienne force aérienne du monde : c'est en effet dès 1909 que le ministère de la Guerre accorde 400 000 francs or pour développer une force aéronautique, et l'armée achète ses 9 premiers avions. Pas plus tard que le 9 juin 1910 a lieu le premier raid militaire : 160km de parcouru en 2h30 à bord d'un "Farman". Un an plus tard c'est la création du brevet de pilote militaire.

Le 29 mars 1912 est voté la loi qui porte sur la création de l'"aviation militaire" au sein de l'armée de Terre. L'aviation devient ainsi la cinquième armée, au côté des autres armes que sont l'infanterie, la cavalerie, l'artillerie et le génie. Cette loi va ainsi permettre la création des 5 premières escadrilles, chacune constituées de six appareils identiques. On décide que sur chaque appareil sera peinte une cocarde tricolore de 1 mètre de diamètre. Le nom de l'escadrille est donnée en fonction du modèle d'avion qui l'équipe (N pour Nieuport, SPA pour SPAD etc…).

Le SPAD-13, un des avions les plus célèbres de la Grande Guerre


Comme on le voit, quand arrive 1914, l'aéronautique militaire existe déjà, et possède pas moins de 148 appareils au moment du déclenchement du conflit, et le baptême du feu viendra vite : pas plus tard que le 5 octobre 1914 a lieu le premier combat aérien entre un Farman français et un Aviatik allemand. Ce premier combat aérien de l'histoire sera gagné par le Farman français.

A la fin de la Guerre, la France aligne 3608 avions en service, technologiquement beaucoup plus avancés qu'au début du conflit, le tout réparti dans 331 escadrilles ! Il y a pas moins de 45 000 aviateurs et aérostiers en 1918. Si l'armée de Terre compte 182 "as", 31% des aviateurs engagés pendant la Guerre ont été tués avant l'armistice. Sur le plan industriel, la France a produit 52 000 avions et 90 000 moteurs en à peine 5 ans !

La Guerre à également montré le rôle de l'aviation : l'avion est passé d'un phénomène de foire à celui d'une arme de guerre redoutée et redoutable. Mais l'arrivée de la paix s'accompagne aussi d'une diminution notable des capacités aériennes : sur les 331 escadrilles de 1918, il n'en restera que 127 un an plus tard.

Pourtant la force aérienne qui s'est si bien illustrée pendant les combats ne pourra pas obtenir son indépendance à la fin de la Guerre : il faudra encore attendre quinze années de lutte et d'obstination pour parvenir à obtenir un statut séparé de l'armée de Terre. Un premier pas est franchi dès 1928 par la création d'un "ministère de l'air", mais ce n'est qu'administratif : la force aérienne n'est pas plus autonome. Deux ministres de l'air vont alors se battre pendant des années face à la marine et l'armée de terre pour obtenir un décret instituant l'armée de l'air.

Pierre Cot, nouveau et énergique ministre de l'air


Le premier est Laurent Eynac, qui en 1929 va déposer pas moins de six projets de loi instituant  une force aérienne indépendante…toutes seront rejetées par la marine et l'armée de terre qui pour une fois sont unis face à un ennemi commun : une troisième arme qui va leur prélever des budgets.

Le 31 janvier 1933, Laurent Eynac quitte son poste sur un échec. Son successeur est Pierre Cot, qui va reprendre le flambeau là où Eynac l'a laissé. Pierre Cot possède une double qualification qui le rend idéal pour le rôle de ministre de l'air :  il est agrégé de droit, et possède de solides connaissances juridiques, tout en ayant siégé à la comission parlementaire de l'aéronautique, il connait donc le rôle et les besoins de l'aviation. Arrivé au ministère de l'air, il va rencontrer le général Victor Denain, qui est un fervent défenseurs des idées de Gulio Douhet dans son ouvrage "la maîtrise de l'air".

Le maréchal Pétain (à g) et le général Victor Denain (à dr)


L'ouvrage de Douhet prône l'importance d'avoir une armée de l'air séparée et autonome, pour sa dimension de  bombardement et de chasse, indépendante de toute force terrestre. Pierre Cot s'enthousiasme pour cet ouvrage et va nommer Denain chef d'état major général des forces aériennes dès le 7 février. Leurs efforts conjugués font enfin réussir à faire bouger les choses au parlement.

A partir de là, tout va aller très vite : le problème de l'aéronautique navale avait déjà été réglé fin 1932 grâce à un accord instituant une force aérienne spéciale appartenant à la marine, il reste le problème de l'armée de terre. La "bataille" a lieu au cours des séances du Haut-Comité militaire, les 20 et 27 mars 1933 : Pierre Cot et le général Weygand, chef d'état major général de l'armée de terre vont s'affronter violemment. Comme aucune entente n'est possible, il faut trouver un "arbitre", un chef incontesté et incontestable qui pourra rendre un avis éclairé et qui ne sera pas remis en question. Le maréchal Pétain se voit ainsi confié ce rôle. Le vieux maréchal est plutôt pro-aviation, ayant constaté son efficacité lors de la bataille de Verdun, et ayant dans son entourage plusieurs officiers influencé par les écrits de Douhet : il va donc trancher entre les deux parties, reconnaissant ainsi le besoin d'une aviation indépendante.

La loi du 2 juillet 1934, qui officialise la naissance de l'armée de l'air

C'est ainsi que le 1er avril 1933 est publié un décret qui va créer l'Armée de l'Air" : c'est la première fois que le terme est employé dans un document officiel. L'armée de l'air doit être capable de participer aux "opérations aériennes, ou opérations combinées, avec les armées de mer et de terre". C'est l'acte de naissance de l'armée de l'air. Il crée ainsi une école de l'air, et prévoit un nouvel uniforme pour les aviateurs.

Mais si ce décret signe la naissance de l'armée de l'air, à quoi correspond donc cette date du 2 juillet 1934 ? Excellente question ! Ce décret du 1er avril 1933 est un décret qui donne naissance à l'armée de l'air en tant qu'entité séparée de la marine et de l'armée de terre, mais ne fixe ni son organisation, ni ses règlements.

L'existence de l'armée de l'air est donc établie, mais sur le papier uniquement…et cette position est fragile, les litiges réglés à la hâte ne vont pas tarder à refaire surface ! Le texte d'application fixant l'organisation de l'armée de l'air est soumis le 31 mars, mais ne sera soumis au vote que le 16 novembre suivant en raison des multiples pressions, à la fois au niveau de l'armée, du gouvernement et du parlement.

La suite de la loi du 2 juillet 1934


Le texte ne plait pas, il va donc être corrigé, amendé, rectifié, faire la navette entre les deux chambres et il ne sera définitivement adopté que le 2 juillet 1934 ! Maintenant vous comprenez l'origine de la date du 2 juillet : ce n'est pas le décret de création de 1933 qui a été retenu, mais bien la loi fixant l'organisation générale de l'armée de l'air et son l'organisation territoriale. Cette loi est le véritable acte fondateur sans lequel l'armée de l'air ne saurait exister.

Pierre Cot avait déjà quitté son poste depuis le 19 février 1934 au moment de voter cette loi, c'est le général Denain qui lui a succédé et devra appliquer cette nouvelle organisation. Partageant la même vision que Pierre Cot, il y a une continuité dans la gestion du dossier, assurant ainsi une cohérence bien appréciable pour cet embryon d'armée de l'air encore bien fragile.

Suite et fin du texte originale de loi du 2 juillet 1934


Que contient cette loi ? Elle fixe l'organisation du territoire en cinq "régions aériennes", héritées des régions militaires de l'armée de terre. Chaque région est sous le commandement d'un général qui dépend directement du ministère de l'air, et qui commande les forces "réservées", c'est-à-dire dépendant de l'armée de l'air seule, à différencier des forces aériennes "organiques", qui dépendent encore d'un général de l'armée de terre. De plus, en cas de Guerre, toute cette organisation est chamboulée : de nouveaux commandements "intégrés" verront le jour pour commander directement les forces réservées, sans passer sous la tutelle des régions aériennes.

Cette organisation est complexe et montre combien les aviateurs doivent lutter pour obtenir leur indépendance. Malgré tout, cette loi fixe également les établissements de l'armée de l'air et par là son indépendance organique de l'armée de terre. C'est ainsi que dès novembre 1935, la première promotion de l'école de l'air sera diplômée, fournissant ainsi une nouvelle génération d'officiers qui n'auront connu que l'armée de l'air sans avoir jamais fait partie de l'armée de terre. Cette première promotion sera baptisée "promotion Guynemer"

80 années de tradition...ce lieutenant qui reçoit la croix du combattant est mon grand-père


Les premières années seront cependant difficile pour la force aérienne : si le budget augmente, le prix unitaire des appareils explose : il a été multiplié par 14 entre 1919 et 1938…dans le même temps, le budget affecté à l'aviation a été multiplié par…2 ! Ainsi au moment des accords de Munich, l'armée de l'air n'alignait que 1500 avions, la plupart dépassés. Les efforts pour fournir des appareils supplémentaires ne finiront par aboutir que en 1939, et ce sera malheureusement trop tard : malgré une résistance héroïque, l'aviation de chasse française de 1940 sera balayée par la Luftwaffe…entre appareils dépassés et structure de commandement dépassée, ce n'est qu'après la Guerre que l'armée de l'air pourra trouver un rythme de croisière au gré des différents conflits auxquels la France va participer.

Mais en ce 2 juillet 2014, n'oublions pas que notre armée de l'air fête ses 80 ans, en grande partie grâce à ces deux visionnaires que furent Pierre Cot et Victor Denain.

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