samedi 24 novembre 2012

Siège éjectable (1/3)

Première partie : Comment descendre d'un avion en marche ?

Votre maman vous l'a toujours répété : on ne descend pas d'une voiture en marche, on ne descend pas d'un train en marche, mais d'un avion d'arme ?

Là, c'est différent. Parfois il faut descendre de l'avion en marche, volontairement et de manière légèrement précipitée. On en arrive à l'objet de cet article : le siège éjectable. Il s'agit d'un système qu'aucun pilote n'a envie de tester, et pourtant tous sont heureux de l'avoir lorsque leur avion est en perdition pour des raisons diverses et généralement variées.

Rocket man, ou une sortie plutôt spectaculaire...

Des débuts de l'aviation jusqu'à la fin des années 40, l'évacuation d'un avion en perdition obéissait aux mêmes règles : le pilote sanglait son parachute, détachait sa ceinture, avant de sauter de son cockpit moyennant une bonne poussée avec ses jambes. L'exercice était quelque peu fatigant, mais on se découvre des ressources insoupçonnées lorsqu'il s'agit de quitter un avion en flamme pour sauver sa peau !

A la fin des années 40, des problèmes ont commencés à voir le jour : la vitesse des avions devenait telle qu'un membre dépassant à l'extérieur de la cabine pouvait être brisé juste par la force du vent (pas très agréable). De plus, si malgré tout, le pilote parvenait à sauter de son cockpit en un morceau, le risque était fort que sa trajectoire intercepte la dérive de l'appareil…et notre pilote continuait sa trajectoire en deux morceaux (pas du tout agréable non plus). Bref, il fallait trouver quelque chose pour aider notre pilote à évacuer son appareil.

On passe rapidement sur les idées saugrenues : échelle de corde, élastique, câble de rappel etc…pour en arriver à la solution retenue : un siège éjectable. On peut dire que les pilotes ont accueilli l'idée froidement pour ne pas dire plus. Il faut dire que, après l'avion volant avec un "chalumeau" dans le dos (invention du turboréacteur), on lui demandait à présent de voyager assis sur un paquet d'explosifs pour le catapulter dans les airs. Entre ça ou se faire couper en deux par la dérive de l'appareil, ils ont quand même choisi la première solution.

Vue au ralenti d'un test d'éjection. Pour information, les combinaisons de vol sont ignifugées

Le premier appareil éjectable est apparu en Allemagne pendant la Guerre, où un système d'éjection par poudre avait été mis au point sur le HE-162. Pourtant ce n'est qu'après la Guerre que les travaux de sir James Martin, au sein de la compagnie "Martin-Baker" vont donner naissance au siège éjectable moderne. Son idée était directement inspirée des travaux allemands : installer une charge de poudre sous le siège du pilote dans un tube télescopique, la mise à feu de la charge de poudre déployant le tube et éjectant le siège, son occupant et sa malheureuse colonne vertébrale. Le premier essai du siège eu lieu le 24 juillet 1946, lorsque Bernard Lynch s'éjecta de son Gloster "Meteor".

Si le système fonctionnait, il avait un défaut : la charge de poudre soumettait le pilote à une accélération verticale comprise entre 15 et 18 G (pour info : c'est énorme !) et beaucoup de pilotes se retrouvaient avec des vertèbres tassées, voire brisées (sans compter quelques centimètres en moins !). Les russes faisaient encore pire, avec des accélarations aux alentours de 20 à 22 G

Sir Martin va donc perfectionner son système pour l'US Air Force qui souhaite un siège plus puissant sur le F-102 "Delta-Dagger", compte tenu des vitesses supersoniques de l'avion. Martin-Baker va donc remplacer la cartouche de poudre par des fusées. Le siège étant monté sur une perche pour le guider hors du cockpit. Il y a plusieurs fusées qui sont mises à feu à quelques millisecondes d'intervalle, ce qui permet de réduire l'accélération initiale, tout en ayant plus d'énergie. Le pilote ne subit "plus que" 10 à 13G. C'est quand même suffisant pour bien tasser les vertèbres.

Exemple en vrai grandeur d'un siège "0-0" sur un "Harrier" en bien fâcheuse posture

Ultime évolution, permise grâce à ce système de fusées, le siège dit "0-0" ce qui signifie altitude 0m / vitesse 0km/h. Concrètement, cela signifie que le pilote peut s'éjecter depuis le sol dans un appareil arrêté ou alors au ras du sol. L'expérience ayant montré que la majorité des éjections ont lieu à faible altitude et basse vitesse, un tel siège permet d'assurer la survie du pilote dans tous les cas, du moment que l'appareil n'est pas en "position inusuelle", c'est-à-dire orienté vers le côté ou pire encore vers le bas. Une mini charge explosive déploie le parachute, pour lui permettre de se déployer complètement même en l'absence de vent relatif. Le pilote arrive ainsi au sol avec une vitesse (à peu près) raisonnable. Disons que la vitesse d'arrivée du pilote est calculée dans ce cas pour assurer sa survie, moyennant un amortissement supplémentaire fourni par…les chevilles du pilote, qui ont tendance à mal vivre ce retour si rude sur le "plancher des vaches" !

Dans la seconde partie de cet article, nous verrons un peu plus en détail comment fonctionne un siège moderne !

1 commentaire:

  1. Il faut également ajouter que chez Martin-Baker, on se soucie davantage de la survie du pilote que de son confort. Outre l'accélération démentielle, ces sièges sont réputés pour être particulièrement inconfortables, rendant ainsi les rotations longue durée pas agréables du tout non plus !

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