jeudi 12 septembre 2013

Air Force One : aujourd'hui

Ronald Reagan aimait beaucoup voyager à bord d'Air Force One…mais conscient de ses limites, dans un monde où le Boeing 707 commençait progressivement à être remplacé par des appareils plus modernes, il va lancer les études pour un nouvel Air Force One. Toute l'équipe des SAM, et surtout son pilote, le colonel Robert Ruddick vont participer à l'élaboration du nouvel avion.

SAM 27000 au temps de Ronald Reagan



1985 : l'US Air Force choisit le Boeing 747 pour remplacer le Boeing 707 pour le transport du président des Etats-Unis. Au niveau extérieur, le design de SAM 27000 est repris, avec très peu de changement, donnant un aspect "connu" au nouvel appareil. De nombreuses modifications sont effectuées  : présence de portes avec escaliers intégrés au niveau de la soute, permettant de se passer d'échelles d'accès si besoin, réceptacle de ravitaillement en vol, détecteur de tir de missiles en arrière des moteurs (on ne sait jamais). Un autre gros point, source de plus d'une année de retard sur le planning initial, sera le blindage de l'avion pour résister aux effets électromagnétiques d'une explosion nucléaire. On sait très peu de choses sur ce dispositif, sans doute constitué d'une ou de plusieurs cages de faraday pour isoler les composants électroniques sensibles de l'appareil.

Le compartiment du staff à l'arrière de la salle de conférence

Le design intérieur est inspiré de SAM 27000, mais le gros changement vient du fait que le cockpit étant situé au pont supérieur, il devient possible de faire une grande suite privée pour le président et sa famille tout à l'avant de l'avion. C'est Nancy Reagan qui influencera beaucoup le choix de la décoration intérieure, même si elle ne volera jamais à bord. Plus en arrière de la suite présidentielle, on trouve une cuisine et une grande salle de conférence, ainsi qu'un compartiment pour le staff. Un large compartiment réservé à l'USSS (Secret Service) permet d'accueillir jusqu'à 8 agents confortablement. Encore en arrière, un compartiment permet d'accueillir des journalistes, le tout pour un total de 100 passagers environ, soit beaucoup moins qu'un 747 "normal"

Le nouveau VC-25A est pour le moins imposant !


Sur le pont supérieur, il y a le centre de communications, et surtout grande nouveauté : une aire de repos pour l'équipage ! Grand changement par rapport au VC-137 où les pilotes n'avaient que leurs sièges pour se poser !

Le pont inférieur comporte en plus d'une soute à bagage une infirmerie et une cuisine équipée pour servir une centaine de plat et nourrir tout l'avion en un seul service ! Les repas sont certes servis sur des plateaux, mais dans des assiettes en porcelaine et avec des couverts en argent s'il vous plait ! Au niveau de la surface intérieure, on passe à 372m² utiles…soit presque le double de SAM 26000 et 27000 !

Il y a un escalier intégré qui permet de descendre, même si aucune échelle n'est sur place !


Ce nouveau Boeing est un 747-200 modifié, nommé VC-25A dans la nomenclature de l'US Air Force. Deux appareils seront commandés en remplacement de SAM 26000 et 27000, nommés SAM 28000 et 29000. Le premier est construit sur la chaine Boeing de Seattle, avant de s'envoler pour le Kansas à l'usine de Wichita où il va subir les modifications nécessaires à son futur rôle. Il est livré en 1990, et sa première mission consiste à transporter le président Bush le 6 septembre, et entre officiellement en service le 8 décembre de la même année. SAM 29000 est livré quelques jours plus tard, le 23 décembre. Equipés de moteurs CF-6 comme ses cousins civils, mais transportant une charge commerciale moindre, le VC-25A peut voler plus haut et plus vite que ses cousins. Après le retrait du colonel Ruddick, c'est un pilote qualifié sur 747 de longue date qui va prendre le relais lors de l'arrivée au pouvoir de George Bush père : le colonel Robert "Danny" Barr, qui aura une grande longévité, puisqu'il sera pilote présidentiel de George Bush et Bill Clinton jusqu'en 1997.

Ce que vous ne verrez sur aucun 747 civil : le système anti-missiles d'Air Force One

Le saut technologique entre ces deux appareils, deux même que le changement au niveau du confort intérieur étonne tout le monde : le président des Etats-Unis peut désormais se déplacer avec un luxe encore jamais vu ! Leur rayon d'action de plus de 12000 km permet de parcourir le globe avec un minimum d'escales, et le ravitaillement en vol (quoique rarement pratiqué) permet d’accroître encore davantage ce rayon d'action. Il faut dire que les présidents Bush père et Clinton ont pas mal voyagé : plus de 94 pays visités à eux deux ! Une traversée de l'atlantique ou du pacifique ne posent plus aucun problème aux planificateurs des SAM.

Barack Obama en réunion dans son bureau volant...on se croirait à terre si ce n'est la forme des fenêtres !


Autre nouveauté, un grand hangar sur mesure est construit à Andrews Air Force Base pour accueillir les deux Boeings présidentiels. Ne portant aucune marque ce grand hangar permet d'isoler les avions de reste de la base, et donc de les garder plus facilement. C'est toujours le 89th Airlift Wing qui gère les déplacements présidentiels.

Le hangar des 2 Boeings à Andrews AFB


Principal différence avec un 747 "lambda", le VC-25A se pilote à quatre…un pilote et un copilote, plus un mécanicien navigant, et un navigateur, qui possède sa propre station déportée en arrière du cockpit, d'où il peut suivre tous les paramètres de vol. Air Force One possède en outre un voire deux contrôleurs de vol qui ne s'occupe que de lui. L'avion est basé sur le 747-200, et possède donc encore un "vieux" cockpit, sans écrans d'affichage multifonctions.

La grande salle de conférence à bord de l'appareil

L'avantage de posséder un Boeing 747, c'est qu'il existe des pièces détachées en cas de besoin sur la vaste majorité des grands aéroports internationaux, ce qui facilite le dépannage en cas de besoin. Cependant, les SAM ne voyagent jamais léger : lors des grands voyages, en plus des deux Boeings, le principal et le backup, un avion de transport de l'USAF suit le président, avec les hélicoptères, les limousines et un à l'occasion un moteur CF-6 de rechange pour Air Force One…juste au cas où…

Le président prend l'avion...sa limousine aussi !

La logistique est très lourde lorsque le président des Etats-Unis se déplace : si du temps de Harry Truman, le président voyageait avec 2 gardes du corps et avait une voiture qui devait voyager avec lui, le contraste est assez saisissant avec Bill Clinton : en plus de trois avions, il y a environ une cinquantaine de gardes du corps du "Secret Service" qui voyagent avec le président, deux hélicoptères, deux limousines blindées, plus des 4X4 d'escorte, un camion centre de commandement mobile, équipé d'un système radio déployable partout dans le monde pour permettre au président de rester en contact avec la Maison Blanche ainsi que tout les techniciens pour faire fonctionner tout ça ! En tout un voyage gouvernemental mobilise entre 250 et 300 personnes à temps plein !

Probablement l'avion le mieux gardé du monde !


En 1997, un nouveau pilote prend la tête de l'équipage présidentiel, le colonel Mark Donnelly, qui restera pilote présidentiel jusqu'en juin 2001 sous George Bush jr. Mark Donnelly jouera un rôle important pour la sauvegarde de l'ancien Air Force One, SAM 27000. En effet, après l'arrivée des Boeing 747, les Boeing 707 sont versés à la flotte de transport gouvernementale. C'est ainsi que SAM 26000 et 27000 deviennent transport VIP. Ils resteront dans l'inventaire de l'USAF jusqu'en 2001 avant d'être remplacé par des Gulfstream beaucoup plus modernes (plus économiques et moins bruyant, au passage). Si SAM 26000 trouve une place d'honneur au musée de l'USAF de Dayton, il en va autrement de SAM 27000 qui doit être ferraillé ! Heureusement, l'intervention de Mark Donnelly et d'anciens membres d'équipages des SAM va permettre de sauver l'appareil pour l'abriter en Californie, à la bibliothèque présidentielle de Ronald Reagan, grand utilisateur de l'appareil, où il demeure encore aujourd'hui !

Le colonel Mark Donelly

En juin 2001, c'est un nouveau (des SAM, mais vétéran de l'USAF), le colonel Mark Tillman qui reprend les rennes d'Air Force One. Il ne s'écoulera pas longtemps avant qu'il connaisse son baptême du feu.

11 septembre 2001. George Bush est en Floride faire gouzou-gouzou dans une école maternelle lorsque les avions frappent le World Trade Center et le Pentagone : les Etats-Unis sont attaqués. Dans les heures qui suivent, ne sachant pas si d'autres avions sont détournés, la FAA prend une décision unique dans l'histoire : elle ferme l'espace aérien, tous les avions doivent se poser sur l'aéroport le plus proche. George Bush rejoint immédiatement Air Force One, mais ne rejoint pas Washington face aux menaces d'attentats. Il va rejoindre d'abord Barksdale AFB en Louisiane, puis Offut AFB dans le Nebraska. On notera que ces deux bases sont stratégiques, puisqu'elles abritent une part importante des forces stratégiques américaines (B-52 et missiles/bombes nucléaires).

Le compartiment présidentiel à l'avant de l'appareil

Pourquoi ce choix curieux ? En réalité, le Secret Service s'est rendu compte que Air Force One n'était pas aussi invulnérable que ça : en fermant l'espace aérien, tous les avions se sont retrouvés cloués au sol, et l'espace aérien est devenu vide, à l'exception de quelques appareils : les chasseurs et appareils militaires…et Air Force One, dont le transpondeur est ordinairement anonyme…mais ce jour là, il était seul dans le ciel. Il fallait donc "terrer" le président le temps que la poussière retombe, d'où ce choix, Washington étant jugé comme trop dangereux en cette terrible journée.

Le colonel Mark Tillman, pilote présidentiel de 2001 à 2009


Air Force One va donc subir de nouvelles modifications en urgence, et notamment l'installation d'un système de vidéo conférence sécurisé et crypté, utilisable en vol par satellite. Cet équipement à beaucoup manqué le 11 septembre, rendant le commandant en chef joignable uniquement par téléphone dans un moment critique.

Air Force One va connaître de nouvelles misions palpitantes, comme une visite surprise à Bagdad en pleine guerre. A cette occasion, le 747 "déguisé" en avion de transport (faux codes radio, et faux plan de route) va aller se poser de nuit à Bagdad et va y rester quelques heures…probablement le plus près qu'Air Force One se soit jamais approché d'une ligne de front ! Le colonel Tillman va diriger l'équipage d'Air Force One d'une main de fer avec un professionnalisme apprécié de toutes ces années de 2001 à janvier 2009, sans aucun incident majeur depuis le 11 septembre.

Air Force One et Air Marine One...

19 janvier 2009 : SAM 28000 est à Chicago, pour transporter le président nouvellement élu Barack Obama. Aux commandes de l'appareil, il y a, comme le veut la tradition, un nouveau pilote présidentiel : le colonel Scott Turner. Il est encore pilote présidentiel pour Obama à ce jour.

Scott Turner et son passager...


Modernisés, soigneusement entretenus, SAM 28000 et 29000 ont encore de longues années devant eux, mais dans les couloirs de la Maison Blanche, la relève se prépare déjà : on réfléchit déjà au prochain Air Force One ! Après une première tentative avortée pour cause de restrictions budgétaires, un nouvel appel d'offre a été lancé il y a peu de temps pour une entrée en service au plus tôt en 2021 ! En attendant qu'une décision soit prise, parions que l'on verra encore pendant longtemps aux quatre coins du monde ces Boeings bleu et blanc marqué "UNITED STATES OF AMERICA" sur la carlingue. Peu importe que l'avion du président s'appelle SAM 26000, 27000, 28000 ou même 29000 : pour le monde entier, il n'a qu'un seul et unique nom : AIR FORCE ONE !

Un avion, un symbole !

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