mardi 5 mars 2013

Northrop et les ailes volantes (1/2)

Pendant les années 30, un ingénieur américain, du nom de Jack Northrop étudiait le concept de l'"aile volante", cherchant à supprimer empennage et fuselage, et à les intégrer au sein d'une grande aile épaisse. L'avantage est double : il s'agit de disposer d'un gros volume interne au sein d'une aile, donc qui génère de la portance. Ainsi au lieu d'avoir un grand fuselage qui va nécessiter de grandes ailes, on fusionne les deux au sein d'une grande aile volante. Les obstacles sont aussi nombreux : comment intégrer efficacement des moteurs sur cet appareil ? Comment loger le pilote ? Et surtout : comment contrôler un appareil qui ne possède pas d'empennage ?


Portait de Jack northrop


Jack Northrop, fondateur de la compagnie qui porte son nom (devenue aujourd'hui Northrop-Grumman) va présenter le concept à l'Army Air Corps, qui se montre intéressée. Le 11 avril 1941, Northrop reçoit un contrat pour le développement du B-35, aile volante bombardier, dont l'objectif est de voler à 13000 mètres pour une vitesse de croisière de 450 km/h, avec une portée lui permettant d'atteindre Berlin depuis la côte Est des Etats-Unis, dans la cas où la Grande Bretagne serait-envahie. Autant dire que c'est du jamais vu, Northrop s'embarque sur un territoire jamais exploré auparavant.

Comme ce projet est ambitieux, l'Army donne dans un premier temps un contrat pour un prototype à l'échelle 1/3, afin de tester l'aérodynamique et de familiariser les pilotes au maniement de l'appareil avant de lancer la production du XB-35 : le N-9M. Ce contrat était en concurrence avec Convair pour le développement d'un bombardier à long rayon d'action (qui deviendra le B-36 "Peacemaker").

La première chose à tester est le concept des "Elevons", qui sont les surfaces de vol à l'arrière des ailes, et qui jouent le double rôle d'empennage horizontal et d'ailerons. Les elevons peuvent être bougés en opposition de phase pour virer ou en phase pour monter ou descendre. Ils peuvent aussi s'ouvrir de manière symétrique pour servir d'aérofreins La théorie est connue, mais n'a encore jamais été testée à grande échelle. Autre nouveauté : l'absence de dérive verticale, qui est compensée par la présence de petites gouvernes montées entre les moteurs.

La maquette volante : le N-9M...avion restauré et qui vole encore aujourd'hui !


Northrop reçoit le contrat pour le développement à l'échelle 1 le 22 novembre 1941. le contrat porte sur un prototype et un second appareil en option, qui sera formellement demandée dans la suite de Pearl Harbor.

Le travail commence immédiatement. L'aile volante est constituée d'un logement central qui abrite l'équipage. Les pilotes ont une bulle à l'avant, et un cône à l'arrière permet de monter des mitrailleuses d'auto-défense et le logement du bombardier. De chaque côté de ce comprtiment, trois soutes accueillent les bombes, soit six logements au total. L'appareil fait usage d'un nouvel alliage d'aluminium bien plus résistant que tout ce qui se faisait à l'époque, mais dont la production est rendue difficile à cause de la pénurie due à la Guerre.

L'US Army passe ensuite une commande de pas moins de 200 exemplaires, que Northrop est bien incapable d'honorer. La compagnie Glenn Martin se propose pour la production en série, mais ce projet est abandonné suite aux problèmes de mise au point de l'avion.

Vue du XB-35


En Juin 1946, Le XB-35 ainsi terminé effectue son premier vol, un convoyage de 45 minutes qui l'emmène de son usine de production de Hawthorne à Muroc (la futur base d'Edwards, vous comprendrez pourquoi  bientôt) pour commencer ses essais. La particularité du prototype est que ses moteurs n'ont pas été montés par le constructeur, mais appartiennent à l'Army, mais aucun test n'a été effectué avant pour vérifier la compatibilité entre les hélices et l'appareil…et bien sûr les hélices ne sont pas les mieux adaptées. Les essais en vol sont donc ponctués d'ennuis moteurs aussi ennuyeux que réguliers. Les échangent s'enflamment entre l'Army, Northrop, Pratt&Whithney (fabricant des moteurs) et Hamilton (fabricant des hélices), chacun accusant l'autre d'être la source de tous les problèmes, mais refusant de changer quoi que ce soit de son côté ! Dans le même temps, Northrop a du mal à conduire les essais et les modifications.

Il faut dire que recevoir une lettre de l'état-major lui expliquant que l'Army a besoin d'un bombardier capable de transporter la bombe atomique Mk3…suivi d'un courrier du matériel de l'Army lui refusant les modifications pour transporter la bombe en question a de quoi laisser perplexe...

Le XB-35 en vol

En parallèle du XB-35, L'Army commande à Northrop, le 30 septembre 1943, 13 appareils de pré-série, nommés YB-35 (le Y signifiant appareil de pré-série contrairement au X signifiant avion expérimental)…Balloté entre bureaucratie et Guerre Mondiale, le premier appareil ne volera pas avant le 15 mai 1948. Le premier appareil sera d'ailleurs le seul à voler.

Malgré une bonne progression dans tous les domaines, la motorisation continue de poser problème, et c'est finalement Jack Northrop lui-même qui va décider d'interdire de vol le YB-35 jusqu'à ce que l'Army lui fournisse une motorisation fiable….Il faut dire qu'un moteur montrant des signes de fatigue du métal moins de deux ans après sa fabrication n'est pas normal.

Comparaison entre le YB-35 et le YB-49

Une solution sera trouvée : L'Army demande à Northrop de convertir deux YB-35 en YB-49 , et le modèle 49 étant identique au 35, mais avec 8 turboréacteurs Allison J-35 en lieu et place des quatre moteurs à pistons d'origine. Il faut dire que le YB-35 est très en retard par rapport à son planning d'origine, et il apparaît clairement que les jours des moteurs à pistons sont comptés. Un troisième YB-35 sera modifié en YRB-49A, motorisé par six réacteurs, dont deux situés dans des pods sous les ailes. Le programme du B-35 est donc annulé, remplacé par le B-49, qui doit bénéficier de toutes les avancées technologiques faites pendant la Guerre. La première conséquence est immédiate : le changement de propulsion divise par deux la portée du bombardier, lui enlevant toute capacité intercontinentale…il faut dire que ce n'est plus la priorité…le rideau de fer n'est pas encore là…et les J-58 sont très gourmands. Le YB-49 se trouve ainsi dans la même catégorie que le B-47 de l'Air Force, à la différence près que sa voilure n'est pas du tout optimisée pour le vol à haute vitesse…or en ces années là, l'important c'est la vitesse ! Le nouvel appareil part donc avec des handicaps majeurs par rapport à d'autres programmes plus "conventionnels".

L'unique XB-35 sera ainsi abandonné sur un tarmac avant d'être détruit en 1949.

Restait le YB-49...

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