jeudi 20 décembre 2012

Bienvenue sur le Hornet ! (4/4)

Quatrième partie : la récupération d'Apollo

C'est bien beau d'aller sur la Lune...mais il faut en revenir !

Pour résoudre le problème de la récupération de ses astronautes, la NASA se tourna vers le Department of Defense (DoD) qui mit à sa disposition les forces navales nécessaires. Deux Task Force furent crées : la TF-130 pour l'océan pacifique et la TF-140 pour l'océan pacifique. Le terme Task Force est un terme générique qui signifie seulement un groupement de navires autour d'un navire amiral (croiseur ou porte-avions). Il fallait ensuite détacher des navires pour couvrir les besoins spécifiques de la mission.

Pour commencer, un seul navire ne suffit pas : il faut disposer de plusieurs navires en différents points du globe dans le cas d'un retour d'urgence non prévu. Tout cela demandait des moyens que seul la Navy pouvait fournir.

On dirait un bon toutou...le nez d'un "Apollo Range Instrumentation Aircraft" ou "ARIA", Boeing 707 modifié

Apollo 11 fut lancé le 16 juillet 1969. A cette date, le Hornet était de retour d'une croisière "West-Pac" au large du Vietnam (dans le vocabulaire militaire, croisière n'est pas du tout synonyme d'amusement…au contraire). A bord se trouvaient deux équipes de plongeurs-démineurs, des "UDT" ou "Underwater Demolition Teams" les ancêtres des Navy Seals, ainsi qu'une équipe mixte Navy/NASA spécialement entrainée pour la récupération des cabines Apollo, avec matériel et hélicoptères. D'autres avions étaient stationnés en renfort sur différentes îles du pacifique. On trouvait ainsi des C-130 "Hercules" et des C-135 "ARIA" de reconnaissance électronique, équipé d'une immense antenne suiveuse dans le nez pour suivre la trajectoire du module de commande d'Apollo.

Comme on ne savait pas pour Apollo 11 si il y avait de la vie sur la Lune ou pas, il avait été décidé de décontaminer tout le matériel et de mettre les astronautes en quarantaine à leur retour. Il fallait donc s'assurer que les hélicoptères et plongeurs ne soient pas contaminés.

la MQF du "Hornet" (en réalité celle qui fut utilisée sur Apollo 14)
La NASA avait donc prévu le coup, et réalisé une unité mobile de quarantaine, la "MQF" ou "Mobile Quarantine Facility". Réalisé à partir d'un mobil-home géant de chez Airstream, équipé d'une ventilation forcée et à pression négative, ainsi qu'un système de purification d'air, deux MQF avait été embarqués sur le "Hornet" (une principale et une de secours) pour accueillir les astronautes à leur descente de l'hélicoptère.

profil de la MQF

Pour ne pas contaminer l'hélicoptère et les plongeurs, les astronautes devaient revêtir  une combinaison d'isolation avant même de sortir du module de commande. Cette combinaison ou "BIG" "Biological Isolation Garment" avait été conçu à l'origine pour la guerre biologique, et avait été légèrement adaptée par la NASA pour ses besoins.

Pas très sexy : une "BIG"
On le voit, la récupération des premier marcheurs lunaires demandait un suivi et un déroulement rigoureux et méthodique. La venue est plus du président Richard Nixon à bord du navire pour accueillir les astronautes n'arrangeait rien à cette affaire.

la MQF à gauche et le "66" à droite
24 juillet 1969, nos trois astronautes et 45kg de pierres lunaires commencent leur rentrée dans l'atmosphère à bord de leur module de commande baptisé "Columbia". Ils arrivent de l'espace à une vitesse de presque 39 000 km/h. Arrivé au point appelé "interface d'entrée", le contact radio est perdu pendant 6 longues minutes qui correspondent à la rentrée dans l'atmosphère. Le module de commande est chauffé à plus de 2000 degrés par endroits.

maquette du module de commande d'Apollo
En bas, tous les moyens sont mobilisés. Les avions "ARIA" sont déjà en orbite autour du point d'arrivé prévu, et plus bas encore les hélicoptères de récupération avec les équipes des UDT à bord sont en position. Le soleil n'est pas encore complètement levé, et la visibilité n'est pas encore terrible, mais s'améliore de minute en minute. De toutes manières les équipes ont déjà pratiqués des "SIMEX", exercices d'entrainement de jour comme de nuit avec une maquette du module de commande.

Les logements des parachutes en haut du module
Le sommet du cône du module de commande comprend les trois parachutes prinsipaux et les parachutes extracteurs, ainsi qu'une balise radio et un flash lumineux de détresse, permettant de repérer le capsule même de nuit. La rentrée dans l'atmosphère effectuée, la capsule largue ses parachutes extracteurs pour se stabiliser suivant le bon angle, avant de larguer ses trois parachutes principaux. Une fois ceux-ci ouverts, il n'y a plus qu'à se laisser dériver jusqu'à l'océan.

Suite à une dispersion pendant la rentrée dans l'atmosphère, le module de commande arrive à 24km du point prévu. Vite repéré par le Hornet et ses puissants radars, les hélicoptères se dirigent vers le point d'impact prévu. Ils sont au nombre de cinq.

Le premier s'appelle "RECOVERY" ("récupération"). Premier sur les lieux, c'est lui qui doit déployer les UDT dont la première mission est de s'assurer que le module de commande a bien amerri et que ses occupants sont  en bonne santé en communiquant avec eux par les vitres de la capsule. Leur rôle est ensuite d'attacher des flotteurs autour du module de commande pour lui assurer une bonne flottabilité.

SH-3 "Sea king"
Le deuxième hélicoptère s'appelle "SWIM" ("nage"). Il transporte la seconde équipe des UDT, qui vient renforcer la première pour aider les astronautes à sortir de la capsule. Deux autres hélicoptères appelés "ELS" et "APEX" ont pour missions de récupérer les parachutes et l'apex, le sommet du cône du module de commande qui protégeait les parachutes. Le dernier hélicoptère s'appelle "PHOTO"…je vous laisse imaginer son rôle !

Pour Apollo 11, les membres des UDT portent un équipements de protection et continuent de respirer sur bouteilles même en dehors de l'eau pour prévenir d'une éventuelle infection. Le astronautes doivent commencer par revêtir les "BIG" avant de pouvoir ouvrir la trappe. Les trois hommes peuvent ensuite sortir, aidés par les UDT. Ils attendent ensuite dans un radeau que l'hélicoptère puisse les hisser à bord. Chaque homme monte alors dans un filet, plus confortable que le traditionnel harnais de treuillage.


"RECOVERY" laisse les UDT avant de mettre le cap sur le navire avec ses trois passagers. Les UDT doivent alors refermer le module de commande, et commencer sa décontamination : nettoyage à l'aide d'une solution désinfectante de l'extérieur du module ainsi que de l'eau environnante. Les radeaux et équipements de décontamination sont coulés sur place (tant pis pour l'environnement et le contribuable).

"RECOVERY", l'hélicoptère "66" se pose sur le pont du Hornet, sous les yeux du président Nixon, arrivé quelques heures auparavant. L'hélicoptère reste fermé et descend directement au hangar, où les passagers peuvent descendre, direction la MQF ! C'est le début de 21 jours de quarantaine, que les astronautes passeront en compagnie d'un médecin et d'un infirmier, d'abord sur le Hornet, avant de prendre l'avion direction Houston quelques jours plus tard. La MQF sera transporté à bord d'un C-141 "Starlifter" de l'Air Force.

la MQF

En attendant, il faut récupérer le module de commande et surtout ses précieux échantillons lunaires. Pour cela le "Hornet" va devoir venir se placer à quelques mètres à peine de l'engin dérivant, avant de pouvoir le hisser à bord grâce à la grue massive du pont d'envol. Le module est ensuite amené sur le pont hangar en face de la MQF. Un tunnel est alors connecté, ce qui permet de terminer la passivation du module, et la récupération des pellicules et des échantillons lunaires.

L'intérieur de la MQF
L'entrée de la MQF

L'exposition d'Apollo sur le "Hornet" permet de connaitre un peu mieux le rôle du navire lors de la récupération des astronautes d'Apollo 11. On y trouve notamment la MQF utilisée lors de la mission Apollo 14, conservée en l'état, ainsi qu'une maquette du module de commande d'Apollo utilisée pour les entrainements, et un SH-3 "Sea King" au couleurs de "Recovery", le "66". Ce n'est pas l'appareil original, mais celui-ci a quand même une particularité : c'est un une star de cinéma : l'hélico "66" de la récupération du film "Apollo 13", c'est lui !

un "ARIA" en vol

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