lundi 13 octobre 2014

B-52 : la saga du BUFF (2/3)

Tout au long de l'année 1955, l'US Air Force commence à recevoir son nouveau bombardier : le B-52B. Il va remplacer les vieux B-36 unité par unité, et il sera le premier à rentrer en service à grande échelle au sein de l'USAF.

Le B-52 va progressivement évincer le B-36 du service


Comme pour beaucoup d'appareils, le B-52 aura quelques soucis de jeunesse : on peut citer tout un tas d'ennuis logistiques avec l'acheminement des pièces de rechanges sur les différentes bases de l'USAF, mais aussi des soucis plus techniques, comme avec la climatisation qui ne possédai qu'un seul réglage pour l'ensemble de la cabine : les pilotes mourraient de chaud en haut avec le soleil, pendant que navigateur et bombardier se gelaient les os en bas, vu qu'il n'y avait aucun hublot ! Le B-52 posait des problèmes sur les bases : son poids endommageait les taxiways, et l'USAF ne possédait pas suffisamment de hangar couverts pour les abriter pour les opérations de maintenance courantes ! Plus grave cependant : le système de carburant connaissait de nombreuses fuites et de nombreux cas de gel, posant parfois un danger pour l'équipage. C'était notamment le cas en cas de rupture d'une conduite de carburant dans le système de ravitaillement en vol qui passait pile au dessus du cockpit : plusieurs cas d'inondations en vol ont ainsi été rapportés en début de service opérationnel.

L'USAF entre dans une nouvelle ère avec le B-52...


Le 21 mai 1956, un B-52B va larguer pour la première fois une bombe thermonucléaire au dessus de l'atoll de Bikini, démontrant ainsi la capacité de bombardement nucléaire de l'appareil. Cet essai sera suivi en novembre de la même année par une mission d'endurance : dans le cadre de l'opération "Quick Kick", 4 B-52 vont parcourir près de 25000km en l'espace de 32 heures, en tournant en rond autour de l'espace aérien nord-américain; l'USAF notait à cette occasion que si elle avait disposé d'un jet de ravitaillement en vol au lieu des vénérables KC-97, leurs temps de vol aurait pu être réduit de 5 à 6 heures !

L'arrivée du C-135 et surtout du KC-10 va faciliter les ravitaillements en vol

La version suivante sera le B-52E, une version extérieurement identique au D, mais avec un système de bombardement amélioré, qui fait son premier vol le 3 octobre 1957, dont une centaine d'exemplaires seront construits, avant l'arrivée en 1958 d'un nouveau modèle plus puissant du réacteur J-57, qui va donner naissance à la version B-52F, dont 89 seront construits.

Le secret du B-52 : ses 8 moteurs J-57


En plus du nouveau moteur, cet appareil disposait d'un système d'injection d'eau encore plus puissant pour le décollage. L'un des B-52E sera modifié comme banc d'essai volant avec des plans canards pour tester un système de réduction des vibrations à basse altitude. L'expérience sera un succès mais sans suite.

Le B-52D sera la principale version en service au cours des années 60


Durant les premières années suivant sa mise en service, le B-52 va rapidement devenir un élément indispensable du SAC : c'est lui qui va assurer les missions d'alerte permanente, et surtout les alertes nucléaires en vol avec les fameuses missions "Chrome Dome". La plupart des B-52 de cette époque porteront une livrée aluminium avec une livrée blanche anti-flash sur le ventre. Le B-52 va également gagner son surnom de "BUFF" pour "Big Ugly Fat Fu…" ou "Gros sa… grand et moche"…mais c'est affectueux !

Lors du conflit vietnamien, la livrée argentée disparaîtra au profit d'une livrée camouflée avec le ventre peint en noir, plus discrète


Le changement de tactique, passant d'un bombardement à haute altitude à basse altitude ne sera pas bon pour les B-52 : les appareils vieillissent 8 fois plus vite à basse altitude qu'à haute altitude : il faudra lancer plusieurs programmes d'inspections et d'extensions de vie des cellules en urgence : la "peau" et les longerons de certains appareils seront remplacés en 1966-67, les ailes modifiées en 1964

L'ultime version, le B-52H, avec ses moteurs à double flux.


Viendront ensuite les versions nouvelles générations du B-52 : les "G" et "H". La naissance de ces nouvelles versions remonte à 1956, lorsque Boeing fait une proposition à l'USAF pour capitaliser sur le développement du B-52 et donner naissance à une version avancée, permettant de compenser le retard d'autres programmes comme le B-58. Le B-52G sera ainsi pensé comme un nouvel appareil, bien que reprenant la structure du B-52 de base, mais avec des améliorations tant au niveau de l'électronique que des matériaux. Au niveau des modifications remarquables, on peut citer :

Canon de queue d'un B-52D, qui sera remplacé par une tourelle téléopérée sur les nouveaux bombardiers.


  • La disparition du cannonier de la queue de l'appareil, avec un nouveau poste d'équipage à l'avant d'où il pouvait opérer le canon grâce à un circuit de télévision.
  • L'apparition d'une "aile humide", à savoir le remplacement des réservoirs de carburant souples à l'intérieur de l'aile par une aile étanche, pouvant contenir plus de carburant. Plus simple à maitenir, les ailes vieillissaient plus rapidement que le vieux modèles, et il faudra les renforcer en 1964.
  • Un gouvernail vertical plus petit, raccourci de 2,4m
  • Un système de caméra installé sous le nez de l'appareil, permettant la désignation des cibles grâce à un système tout-temps (Système constitué d'une caméra infrarouge et d'une autre à amplification de lumière.
  • Et surtout, la plus grosse modification : le B-52G avait été reconçu pour devenir un porteur de missiles de croisière : comme beaucoup de bombardiers de l'époque, il n'était plus suffisant de transporter des bombes larguées par gravité, fussent-elle nucléaire ou non, il fallait aussi pouvoir transporter des missiles pour augmenter la portée du bombardier : le "G" pouvait donc transporter deux missiles AGM-28 "Hound Dog" grâce à des pylônes montés sous les ailes, de même que des missiles "Quail Decoy", chargés de leurrer les défenses adverses. Les B-52C à E seront ensuite rétrofittés avec ce même système.
Deux pods de caméras feront leur apparition sur les B-52G et H



Le premier de ces nouveaux appareils fait son premier vol le 31 Août 1958, et un total de 193 B-52G seront construits, la plus grosse production de toute les variantes du B-52. Le B-52G pesait pas loin de 17  tonnes de plus qu'un B-52F. Ce n'est pourtant pas que l'USAF tenait tant à ce bombardier : elle cherchait activement à le remplacer, que ce soit avec la mise en service du B-58 "Hustler", qui se révélera très dangereux et onéreux à l'usage, ou encore avec l'introduction du XB-70 "Valkyrie" qui ne sera jamais produit en série ! Le B-52 restera le principal bombardier de l'armée américaine.

Le B-52D (devant) va laisser la place au B-52G (derrière)


Après le B-52G, il y aura le B-52H, un "G" modifié, et surtout remotorisé par des réacteurs à double flux TF-33 en remplacement des simple flux J-57. Le canon de queue sera également remplacé par un canon Gatling avec une cadence de feu plus rapide, ainsi qu'une avionique modifiée permettant un meilleur suivi de terrain pour pénétrer le territoire soviétique en toute discrétion, de même qu'un nouvel ensemble de guerre électronique plus puissant. Le premier modèle "H" vole le 6 mars 1961. 102 appareils seront produit, le dernier étant produit en juin 1962, ce qui en faisait le 742ème B-52 construit par Boeing, et il sera d'ailleurs le dernier B-52 produit par l'avionneur et quittera la chaîne d'assemblage le . La chaine d'assemblage ferme ainsi en 1962, après 10 années de production. Intéressant de savoir que les plus jeunes B-52 en service à l'heure actuelle étaient déjà en service au moment de la crise des missiles de Cuba ! Les premiers B-52H avaient des problèmes de fiabilité de moteurs, mais qui seront rapidement corrigés, donnant ainsi plus de poussée et une plus grande allonge au Buff grâce aux économies de carburant réalisées.

Le B-52G possède un profil moins lisse que ses prédécesseurs...

Même si il a été conçu comme un bombardier nucléaire, c'est finalement en tant que bombardier conventionnel que le B-52 va s'illustrer : le 18 juin 1965, un groupe de B-52F va bombarder des positions ennemies au Vietnam, c'est le début de l'opération "Rolling Thunder" et surtout d'un très long engagements au Sud-Est asiatique, qui va durer jusqu'au 15 Août 1973. Deux B-52 seront perdus dès le premier jour…après s'être rentrés dedans au dessus de l'objectif, causant la perte de 8 hommes d'équipage.  Rapidement, les B-52F sont renvoyés aux Etats-Unis et les flottes entières de B-52D sont expédiées en Thaïlande et sur l'île de Guam en support des opérations au Vietnam. En 1966, les B-52 vont même recevoir les modifications "Big Belly" : en changeant la disposition de la soute, il devient possible de transporter 84 bombes de 250kg, au lieu de 27 précédemment. Couplés au pylônes sous les ailes, un B-52G pouvait emmener pas moins de 108 bombes de 250kg !

Une soute à bombe de B-52, même vide, est impressionnante !

Viendra ensuite ce que l'on appelle la guerre des 11 jours, ou plus prosaïquement l'opération "Linebaker II", dont l'intensité dépassa les pires raids de la Seconde Guerre Mondiale : du 18 au 29 décembre 1972, pas moins de 729 sorties de B-52 auront lieu, délivrant près de 15 000 tonnes de bombes ! Un mois plus tard, les vietnamiens signaient les accords de paix qui mirent fin à la Guerre du Vietnam. Au total, 31 B-52 seront perdus au cours de la Guerre, la majorité du fait des SAM nord-vietnamien, sachant que l'USAF avait mobilisé à l'origine une quarantaine puis une centaine de bombardiers pour écraser le nord-Vietnam. C'est également au cours de ce conflit que le B-52 va décrocher ses premières et uniques victoires air-air : deux Mig-21 ont en effet été abattus par les "gunners" de B-52 au cours du conflit, ce qui fait du B-52 le plus gros appareil à avoir décroché des victoires aériennes.

Tableau de chasse du B-52D du musée de Duxford


Même si le Vietnam mobilisait beaucoup de bombardiers, les B-52 continuaient d'assurer des missions de dissuasions nucléaires, et ils resteront en alerte aérienne puis au sol tout au long de cette période; ce sont les B-52G et H qui assuraient ces missions. Les plus vieux appareils seront retirés du service pendant cette période : les derniers B-52B sont retirés dès 1966, à l'exception d'un seul, le "008" de la NASA qui volera jusqu'en 2004 ! Les desniers B-52C sont également retirés en 1971, et beaucoup de modèle "D" verront leurs carrières raccourcies par l'intensité du conflit vietnamien. Malgré ce conflit intense et brutal, la carrière du B-52 était loin d'être terminée...

Les B-52D seront rapidement retirés du service après le conflit vietnamien mais la carrière du BUFF n'était pas terminée pour autant !

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