jeudi 30 octobre 2014

On ne touche pas à la cigogne de l'escadrille !

Tout au long de la Guerre Froide, il y avait des "échanges" au sein des armées de l'air des pays de l'OTAN : des pilotes d'une nation venaient s'entraîner sur une base étrangère pendant plusieurs semaines, avant de repartir et de faire un échange réciproque. C'est ainsi qu'en novembre 1976, des aviateurs britanniques du No.1(F) Squadron arrivent en échange sur une des bases la plus célèbre de l'Armée de l'Air : Dijon, en échange avec l'escadre 1/2 des cigognes. Ils arrivent avec quatre "Harrier" GR.1 et un T.2, biplace d'entrainement, le XW934. Malheureusement, le biplace se posera un peu rudement et va endommager sa quille ventrale, ce qui va le mettre hors service…au grand dam des pilotes français qui auraient bien aimés faire un tour en place arrière !

Un Mirage III...zappé !


La tradition voulait qu'à chaque échange, on "zappe" un appareil, c'est-à-dire l'affubler d'un nose art humoristique (parfois gentillet, parfois d'un goût discutable, les aviateurs restent des aviateurs) !

C'est l'équipage de la RAF qui va frapper en premier, mais ils vont s'attaquer au symbole de l'escadrille : la cigogne ! C'est ainsi qu'une équipe de la RAF va peindre sur la dérive d'un Mirage IIIE un dessin "humoristique" (dixit les britanniques en tout cas !) représentant un Harrier britannique en train de faire des choses pas très propres à la cigogne de l'escadre.

Les aviateurs français sont outrés que l'on s'attaque ainsi au symbole de leur escadrille et ils vont jurer de se venger. L'occasion se présente la veille du départ des aviateurs britanniques : une réception est donnée en leur honneur, et plus personne ne surveille les Harriers, et encore moins celui qui est en réparation : le biplace ! Une petite équipe commando va agir et "zapper" le Harrier biplace !

On distingue le Harrier qui ...bon bref cigogne tout ça...


C'est ainsi que le lendemain matin, les aviateurs britanniques ont la surprise au moment des adieux de découvrir un de leur Harrier…entièrement peint en rose ! Oui, la vengeance fut aussi terrible que cela : le Harrier biplace sera entièrement repeint dans des tons rose, blanc et rouge, le tout avec des yeux peints sur les côtés du fuselage, lui donnant un look manquant de virilité pour ne pas dire plus ! La peinture avait été faite en masquant soigneusement les antennes et les entrées d'air de manière à ne pas endommager l'appareil, ce qui fait qu'il restait en état de vol. L'heure du départ étant arrivé, il n'était pas question de le retarder, les pilotes britanniques vont donc partir avec le Harrier en l'état pour rentrer chez eux, sous les rires de l'ensemble du personnel de la base venu assister au spectacle ! Très fair-play, le biplace fera un survol à basse altitude de la base sous le nom d'appel "Pink" !

Nouveau look pour le Harrier britannique !


De retour chez lui, ce "Harrier" rosé ne fera pas rire tout le monde : le Squadron Commander de la base de RAF Wittering n'est même pas amusé du tout : il va ordonner que personne ne parte en week-end tant que l'appareil n'a pas retrouvé sa livrée règlementaire : il part donc en hangar de peinture pour être lavé, et là c'est la consternation : les gars de Dijon n'ont pas employé une peinture aéronautique qui part à l'eau, ce qui semble logique vu que la teinte rose n'est pas un standard des armées, mais à la place ils ont utilisé une belle peinture à l'huile, qui ne part pas, même en frottant avec tous les détergeants agrées : après une journée d'effort, force est de constater que le "Harrier" est toujours aussi rose, et les équipes de peinture sont épuisées après avoir tout essayé pour l'enlever. Finalement, il faudra le renvoyer chez le constructeur pour qu'il soit démonté, sablé et entièrement repeint aux couleurs règlementaires !

Jamais Harrier n'a porté décoration aussi osée !


Peu de temps après, le commandant de la base anglaise écrira à son homologue français pour lui dire que cet échange avait été des plus instructifs, mais que si jamais un Mirage devait se poser à Wittering, son pilote devrait rentrer à pied ! Quelques années plus tard, la même escadrille repartira en échange, mais avec l'escadre 92 allemande…mais cette fois les anglais détacheront également des soldats pour garder leurs appareils jour et nuit…on ne sait jamais !

Bref, on ne touche pas à la cigogne !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire