lundi 28 octobre 2013

Passage sous l'arc de triomphe

Nous sommes en 1919, à l'issue d'une Guerre mondiale qui fut terrible et interminable.  Le 14 juillet 1919 est donc avant tout le défilé de la Victoire (avec un V, non pas un v !). Pourtant du côté des aviateurs de la jeune armée de l'air, c'est la grogne ! Et pour cause : ils ont reçu des instructions du ministère de la guerre : pas de défilés aérien, les aviateurs défileront comme tout le monde : à pied ! Evidemment pour tous les pilotes, c'est une provocation.

Le grand défilé de la Victoire du 14 juillet 1919



Peu de temps après cette annonce, lors d'un déjeuner au Fouquet's sur les champs Elysées, un petit groupe d'as de l'aviation décide de fêter le 14 juillet à sa manière : l'un d'entre eux est choisi pour défiler en avion…et même plus : pourquoi ne pas passer sous l'Arc de Triomphe ? Pourquoi pas en effet ! C'est Jean Navarre, as avec 12 victoires aériennes à son actif qui est choisi, au vu de son expérience.

Hélas, le destin frappe : Jean Navarre se tue aux commandes de son appareil lors d'un vol d'entrainement le 10 juillet. Le coup est rude, mais courant à l'époque…il faut être casse cou pour voler, la sécurité aérienne restant une science à inventer ! Du coup, l'idée de défilé aérien est annulé, et nos aviateurs défileront à pieds comme tout le monde !

Charles Godefroy en 1919

Pourtant, ils ne renoncent pas complètement : ils vont choisir un autre pilote pour tenter la cascade. Il s'agit de Charles Godefroy, qui a plus de 500 heures de vol à son actif, ce qui est beaucoup pour l'époque. Il accepte de relever le défi, à l'aide d'un journaliste, Jacques Mortane, qui se prépare à filmer l'évènement dans le plus grand secret, car le vol est contraire à toutes les lois de la navigation aérienne ! Godefroy étudie longuement les vents et les courants autour de l'Arc de triomphe afin de ne pas avoir de surprise.

Nous somme le 7 août 1919, trois semaines après le défilé. Il est 7h20 lorsque Charles Godefroy, vêtu de son uniforme de sergent-chef, grimpe dans un Nieuport 11 "Bébé" sur la base de Villacoublay. Il décolle et fait une boucle qui va l'amener au dessus de la porte Maillot. De là, il va commencer son "Bomb run" vers l'Arc de Triomphe. Il n'a pas beaucoup de marge : la hauteur de la voute est de seulement 14,5 mètres…alors que son avion à une envergure de 7,52 mètres…

Un Nieuport 11 "Bébé", identique à celui utilisé par Godefroy


Après avoir contourné son objectif, il remonte l'avenue de la Grande Armée en rase motte, survolant un tramway dans lequel les passagers, terrorisés se jettent au sol. Les passants s'enfuient en courant tout autour de l'avion !

Son avion prend de la vitesse, et passe sous la voûte, en biais et en descente, sans aucune collision! Mission accomplie, Godefroy retourne à Villacoublay, alors qu'au sol un groupe de journalistes prévenus par Mortane n'a rien raté de la scène, et l'a même immortalisée en photo et vidéo s'il vous plaît ! Le préfet de police de Paris fera d'ailleurs interdire la projection du film, craignant d'autres "cascades" du même genre !

La vidéo de l'exploit

Ce sera d'ailleurs la seule fois que quelqu'un passe sous un monument parisien avant 1981. Une autre tentative de passer sous la Tour Eiffel échoue en 1926, le pilote ayant percuté un des piliers de la tour.

Godefroy écope d'une bonne remontrance, mais sans plus. Son exploit fait la une des journaux et lui assure une place dans l'histoire de l'aviation. Pourtant, son exploit va tomber peu à peu dans l'oubli, et ce n'est qu'à sa mort que l'Armée de l'Air se souviendra de lui et de son passage sous l'arc de triomphe.

Exploit réussi !

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