lundi 15 octobre 2012

Projet EXCELSIOR

Ceux qui suivent l'actualité sont au courant de l'exploit réalisé par Felix Baumgartner : cet autrichien vient de réussir l'exploit de sauter en parachute depuis une altitude de 39km ! Il devient également le premier humain à franchir le mur du son sans moyen de propulsion. Il détrône ainsi un record qui datait de 1960, détenu par un pilote de l'US Air Force. Pour mieux comprendre les circonstances entourant cet ancien record, un petit retour en arrière s'impose.

Au milieu des années 50, deux révolutions sont en marche : les avions à réaction et les sièges éjectables. Les avions étant capables de voler de plus en plus haut et de plus en plus vite, il faut perfectionner les moyens pour pouvoir secourir les pilotes en cas de problème.


Les éjections à haute altitude et haute vitesse posent problème : l'US Air Force se rend vite compte que les parachutes traditionnels ne fonctionnent pas dans ces conditions : des tests avec mannequins révèlent qu'un corps en chute libre à haute altitude à tendance à entrer en vrille à une fréquence élevée (plus de 400 tours par minute). il faut mettre au point quelque chose de nouveau.

L'US Air Force lance ainsi en 1958 le projet "Excelsior" qui vise à mettre au point et à tester un parachute capable d'assurer la survie d'un pilote à haute altitude. l'US Air Force Aero Medical Research Laboratory se met au travail. Francis Beaupré, technicien de l'US Air Force trouve une solution. Son idée est simple : il faut un parachute multi-étages.

Ce type de parachute est en fait composé de trois parachutes en un :
  • le premier est un parachute pilote ("pilot chute") de 2m de diamètre, 
  • le deuxième est un parachute d'extraction ("drogue chute") de 2m de diamètre
  • le troisième un parachute "conventionnel" ("main chute") de 8m de diamètre
Le parachute pilote permet de stabiliser le pilote à haute altitude en évitant qu'il entre en vrille. Il ne doit pas être ouvert trop tôt, car si le pilote n'a pas atteint une vitesse suffisante, il risque de se mettre en torche dans l'air ténu à haute altitude. Le parachute d'extraction permet d'orienter le pilote "pied vers le bas" avant de déployer le parachute principal qui s'ouvre à plus basse altitude lorsque la densité de l'air est suffisante. Un ensemble chronomètre-baromètre assure le déploiement du système de manière automatique.

Ce système de parachute sera utilisé sur tous les avions à haute vitesse de l'US Air Force, et plus tard sur les capsules Apollo lors du retour sur terre.

Le colonel Joseph Kittinger, directeur technique d'Excelsior, effectuera trois sauts depuis des ballons pour prouver le bon fonctionnement du système. Équipé d'une combinaison entièrement pressurisée et installé dans une "gondole" exposée à l'air libre, il testera également le bon fonctionnement des combinaisons pressurisées destinées aux pilotes du X-15.

La "gondole" utilisée lors d'Excelsior III, exposée au musée national de l'USAF


16 Novembre 1959 - Excelsior I
Premier saut à haute altitude effectué par Kittinger...il faillit bien être son dernier...Monté à une altitude de  23 000 mètres, il a du mal à s'extraire de la capsule à cause d'un équipement coincé. Sans le savoir, il vient d'activer le chronomètre du parachute. Il finit par se libérer et saute. Deux secondes plus tard, le parachute pilote s'ouvre...c'est trop tôt, Kittinger n'a pas assez de vitesse. Le parachute se met en torche autour du cou du pilote, qui commence à tournoyer. Il entre en vrille, avec une telle vitesse qu'il perd conscience.

Heureusement pour lui, il est équipé d'un parachute de secours à déploiement automatique, qui se déclenche correctement, lui sauvant ainsi la vie. Il vient d'établir un nouveau record dont il se serait bien passé : il a subi une accélération de 22G (22 fois l'accélération de pesanteur) pendant sa descente ! Pour information, l'accélération subie par les astronautes au décollage de la navette spatiale est de 4G au maximum, et les pilotes de chasse subissent au maximum 9G de manière ponctuelle...je vous laisse imaginer l'effet de 22G...

11 décembre 1959 - Excelsior II
Trois semaines plus tard, nullement effrayé par sa mésaventure, Kittinger repart à bord d'un nouveau ballon. Montant à une altitude de 22 800 mètres, il saute et reste en chute libre sur 17 000 mètres avant que son parachute ne s'ouvre. Le système chrono-barométrique fonctionne parfaitement au cours du test, et Kittinger se pose en parfaite santé.

16 août 1960 - Excelsior III
Le saut du record ! Kittinger monte cette fois jusqu'à 31 300 mètres. Un problème se pose pendant la montée : un minuscule trou au niveau de son gant rompt l'étanchéité de la combinaison. Une vive douleur se fait sentir au niveau du poignet droit, à tel point qu'il ne peut plus le bouger. Malgré une main qui avait enflé à presque deux fois sa taille normale, il choisit de ne rien dire au sol pour ne pas annuler le test.

Arrivé à son altitude maximale, il s'élance dans le vide, testant une fois de plus le bon fonctionnement du parachute Beaupré. La chute dure 13 minutes 45 secondes dont 4 minutes et trente secondes de chute libre ! Lors de sa descente Kittinger frôle le mur du son atteignant presque 990 km/h ! Sa main retrouve une taille normale au fur et à mesure de la descente, et la douleur se dissipe. Arrivé un peu brusquement, il heurte son pack d'équipement qui lui fera un beau bleu sur la jambe..à part cela rien à signaler : le saut est un succès total !

31 000 mètres...on n'est pas encore dans l'espace mais on s'y croirait !

A noter que l'URSS se lancera également dans la course au saut à très haute altitude. Les ingénieurs soviétiques mettront au point une combinaison et un parachute semblables aux équipements américains. Le colonel Piotr Dolgov devait tester le tout de la même manière que Kittinger. Le 1er novembre 1962, il s'élance de son ballon à l'altitude de 28600 mètres. Malheureusement, lors de sa sortie, son casque heurte le montant de la nacelle du ballon. Sa visière se fend et la dépressurisation brutale de sa combinaison le tue instantanément. Sa mort signa la fin du projet soviétique, mais demeura secret d'état jusqu'à la chûte du rideau de fer.

Quelques images du saut Excelsior III en 1960

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