Un parasite est un appareil de petite taille, qui est transporté par un autre appareil avant d'être largué en vol. Il peut ensuite éventuellement être récupéré en vol par son avion porteur, suivant les modèles.
Vous avez dit bébé-avion ? |
L'idée est presque aussi ancienne que l'aviation elle-même. C'est ainsi que les britanniques lancent avec succès le premier avion parasite dès 1916, avec un Bristol "Scout" lancé d'un "porte-baby flying boat". Dans les années suivantes, les dirigeables vont être très utilisé en tant que plateforme de lancement de chasseurs.
Les britanniques lanceront avec succès des Sopwith "Camel" ou Gloster "Grebes" depuis le dirigeable HM Airship 23. Les américains utiliseront également leurs dirigeables, et surtout les USS Akron et USS Macon de l'US Navy, pour lancer des F9C "Sparrowhawks". Tout au long des années 30 et même des années 40, l'idée continuera d'être étudiée avec intérêt : pouvoir amener des chasseurs sur le champ de bataille en les transportant par un bombardier lourd, ce qui permet d'augmenter considérablement le rayon d'action d'un tel appareil, tout en conservant un appareil léger et manœuvrable.
Les dirigeables de l'US Navy..içi l'USS Macon |
L'union soviétique poussera cependant le concept jusqu'à la phase opérationnelle, avec les expériences Zveno, conduites par Vladimir Vakhmistrov au milieu des années 30, en transportant des chasseurs Polikarpov I-16 par des Polikarpov TB-2 ou encore des Tupolev TB-3. La seule mission de combat sera une attaque sur des pont et des docks en Roumanie qui venaient d'être capturés par les allemands.
Le principal inconvénient des parasites venait du fait que l'avion porteur voyait son rayon d'action, et sa capacité d'emport de bombes fortement diminué par la présence du parasite, limitant d'autant plus l'intêret du projet. La Luftwaffe étudiera le concept tout au long de la seconde Guerre Mondiale, mettant au point le Me328, mais son moteur posant problème, il ne sera jamais testé. D'autres projets sont restés dans les cartons et n'ont jamais eu le temps d'être testé.
1945 : L'Air Force récupère les fameux cartons des nazis, et commencent à s'intéresser à l'idée. Le but est de protéger les bombardiers B-36 "Peacemaker" qui possèdent une portée intercontinentale..mais aucun chasseur ne peut l'escorter. Pour assurer sa survie, il semble vital de lui fournir une escorte sous la forme de chasseurs parasites… Ces recherches déboucheront sur des impasses, l'US Air Force finira par mettre l'accent sur le ravitaillement en vol pour étendre la portée de tous ses "jets". Couplés à une nouvelle génération de réacteurs beaucoup moins gourmands que la première génération, le concept des parasites tombera en désuétude, et aucun projet ne sera mené à terme. Gardons à l'esprit que le ravitaillement en vol n'est pas encore au point dans ces années d'immédiat après guerre.
L'Air Force va donc lancer trois programmes et développer un appareil pour répondre à ce besoin d'autodéfense de son bombardier lourd. Ce seront les projets FICON, Tip-Tow et Tom-Tom.
Le premier essai sera le projet MX-1016 ou "Tip Tow" qui visait à transporter des chasseurs qui venaient se "connecter" en bout d'ailes du bombardiers. L'idée se basait sur des expériences allemandes de la Seconde Guerre Mondiale, ou la Luftwaffe avait tenté de joindre deux appareils en vol par les extrémités des ailes, ce qui augmentait considérablement la surface alaire disponible, permettant un gain de rayon d'action non négligeable.
Le projet TIP-TOW |
En 1948, L'Air Force accorde à la firme Republic un contrat pour pousser l'idée plus loin, en accouplant un bombardier avec deux chasseurs, un à chaque extrémité. Une fois les chasseurs accrochés, ils pouvaient couper leurs moteurs en se faisant remorquer par le bombardier. C'était la théorie..la pratique réservera quelques surprises.
Républic modifie le B-29 44-62093 qui devient un EB-29A avec des saumons d'ailes renforcés et équipés d'un système de trapèze permettant l'arrimage de F-84 en vol. Republic modifie donc également deux F-84B (les 46-0641 et 46-0661).
La flexibilité des ailes et surtout les vortex générés en bout d'ailes étaient les principaux soucis à surmonter pour mettre au point cette méthode de remorquage. Il faudra cependant attendre moins de 10 vols pour parvenir au premier arrimage réussi des deux F-84. Nous sommes le 15 septembre 1950. Le 20 octobre, les deux F-84 restent arrimés pendant 160 minutes, un record !
Tout ces vols ont été accomplis en contrôle manuel, les pilotes du F-84 devant rester aux commandes pour maintenir le F-84 en vol. Devant les progrès, l'Air Force demande à Republic de mettre au point un système automatique de contrôle de vol pour réduire la charge de travail des pilotes du F-84 pendant l'arrimage. Le système est mis au point et commence ses tests en mars 1953. Le 24 avril, le F-84 droit est arrimé, et le F-84 gauche se présente et s'arrime. Son pilote engage le système automatique. Aussitôt son F-84 se retourne sur le dos et viens percuter l'aile du B-29 en explosant. C'est le drame, les trois appareils s'écrasent et il n'y a aucun survivant.
Essai au sol du système |
En parallèle de "Tip Tow", il y avait le projet MX-1018 ou "Tom-Tom". Il s'agissait également de connecter des F-84, mais ce coup-ci sur un B-36. Deux autres F-84 seront prélevés sur les stocks de l'Air Force, les 51-1848 et 51-1859. Un système de pince et de bras articulé permettait d'arrimer l'aile des F-84 au B-36. Plusieurs essais seront couronnées de succès, mais les vortex d'une aile de B-36 sont encore pire que sur un B-29, et les problèmes de stabilité du F-84 à proximité de l'avion-mère seront toujours un problème. Au cours d'un essai le 23 septembre 1956, Beryl Erickson se connecte avec succès au B-36, mais les turbulences vont finir par arracher l'extrémité de l'aile du B-36, sur laquelle s'exerçait des efforts trop importants. Tous les appareils arrivent à se poser, et le B-36 est bon pour un nouveau saumon d'aile…mais cette fois l'US Air Force jette l'éponge : c'est la fin des essais de "couplage". Une autre raison explique cet abandon : l'arrivé des premiers ravitailleurs en vol tel le KC-97 vont rendre inutile toute les manœuvres visant à étendre le rayon d'action des chasseurs.
Le projet Tom-Tom |
FICON ou FIghter CONveyor était un projet de transport de chasseur d'escorte. Le bombardier emportant un chasseur dans sa soute, pouvant être largué en vol pour l'autodéfense. Deux appareils seront envisagés comme chasseurs : le F-84 "Thunderjet" et le XF-85 "Goblin".
Revenons d'abord sur le McDonnell XF-85 "Goblin" qui est un des plus petit chasseur jamais réalisé. Il tire ses origines d'une fiche projet de l'US Army de 1942 pour un chasseur parasite d'escorte à moteur à pistons. En 1945, la fiche est revue et l'appareil devient un chasseur à réaction.
Le XF-85 au bout de son long trapèze |
McDonnell va donc concevoir un petit chasseur avec un fuselage en forme d'œuf et aux ailes repliables, destiné à être emporté dans la soute d'un B-29 ou d'un B-36. D'une autonomie de seulement 30 minutes, il n'emportait que 400 litres de carburant. Dépourvu de train d'atterrissage, il était quand même équipé de patins pour un atterrissage d'urgence si besoin. Le poids à vide de cette appareil était seulement de 1,8 tonne, pour un armement de quatre mitrailleuses de calibre 50. Malgré la dimension réduite de l'appareil, le pilote étai équipé d'un siège éjectable.
Le largage et le retour de l'appareil se faisait au moyen d'un trapèze permettant de déployer l'appareil sous le ventre de l'avion, ce qui permettait de démarrer son moteur avec le vent relatif.
Deux prototypes seront construits, dont l'un fera son premier vol non prévu en étant largué par accident dans la soufflerie du centre de Moffet field sur une hauteur de 12 mètres…très endommagé, il sera réparé juste à temps…pour la fin du programme !
Le premier Goblin en soufflerie...peu de temps avant qu'il ne tombe par terre... |
Un EB-29 sera utilisé pour les essais avec le second prototype, d'abord captifs, puis avec les essais en vol. Un seul pilote prendra les commandes du "Goblin" : Edwin Schoch. Le 23 Août 1948, il effectue le premier vol "libre" du programme. Le vol se passe bien, mais la stabilité de l'appareil est très faible lors du retour : perturbé par les remous du B-29, Schoch a beaucoup de difficultés à garder le contrôle de son appareil. Après trois tentatives infructueuses, il met le sgaz un peu violemment et heurte le trapèze, brisant son canopy. Le vent relatif lui arrache son masque et son casque, mais il parvient à sauver le prototype en le posant sur le ventre. Après réparations, plusieurs vols se passent bien, jusqu'à une nouvelle tentative d'accrochage, un peu violente, qui arrache la fixation du trapèze…Schoch se pose une fois de plus sur le ventre. Pilote et appareil sont indemne, mais le système ne marche pas bien.
Malgré ces évènements, le programme continue. Le prototype numéro 1, enfin réparé, fait son premier vol le 8 avril 1949, avec une gouverne de direction modifiée pour diminuer les vibrations. Trois tentatives d'accrochage après, Schoch retourne se poser sur le ventre à Muroc. Malgré une approche radicalement différente de McDOnnell, qui proposait de revoir la voilure et les dérives de son appareil, l'Air Force annule le programme le 24 octobre 1949. A cette date, les deux appareils avaient volés un total de 7 fois…soit 2 heures et 19 minutes, et seulement 3 des 7 vols qui ne se sont pas terminés en catastrophe…Les comptables du congrès nous rappellent également la facture : 3,3 millions de dollars (de l'époque).
Un B-29 accompagné du F-85 |
L'USAF finit par changer son fusil d'épaule, et repart sur le même concept, mais avec un chasseur mieux dimensionné : le F-84. L'USAF va modifier un RB-36 'Peacemaker", en installant un trapèze dans sa soute à bombe, qui pouvait se déployer pour lancer et récupérer un appareil en vol. Un F-84E "Thunderjet" sera employé comme cobaye. Beaucoup trop grand pour tenir dans la soute, seule la partie supérieure du fuselage tenait dans la soute, et le reste provoquait une forte trainée supplémentaire, réduisant de 10% le rayon d'action de l'appareil (sans parler de la capacité d'emport en bombe, diminuée du poids d'un chasseur…)
Profil du B-36 "FICON" |
Profil du F-84 "FICON" |
Les premiers essais auront lieu en 1952. les essais se passent bien, et plus de 170 lancement/accrochage auront lieu au cours des 18 mois qui vont suivre, le F-84E étant remplacé par un RF-84F "Thunderflash" (version améliorée du précédent). La tactique d'emploi va également évoluer : passant d'un pur rôle de chasseur d'escorte à un rôle de renseignement. La nouvelle idée consistait à emmener un chasseur loin (loin style Union Soviétique, même si on ne le mentionnait pas trop à l'époque) grâce au long rayon d'action du bombardier, avant de larguer le chasseur qui étant plus manœuvrable pouvait échapper à la défense ennemie pour recueillir des renseignements. On était bien avant l'arrivée du U2 (l'avion et pas le chanteur bien sûr) et le concept paraissait suffisamment sérieux pour que l'Air Force commande 10 RB-36D et 25 RF-84K modifié "FICON". La combinaison permettait d'envoyer un avion à 7400 km de sa base (4500 km de rayon d'action pour le RB-36D plus les 1900 km du RF-84K. Autre avantage, le pilote pouvait quitter son appareil pour attendre dans le B-36, ce qui rendait le vol beaucoup plus supportable : la vitesse n'étant pas le point fort du B-36, une mission pouvait facilement durer 10 ou 12 heures !
Retour d'un F-84 au vaisseau mère |
La combinaison B-36/F-84 entrera en service au sein du Strategic Air Command en 1955 et restera en service jusqu'en...1956. Bref ce ne sera pas le système le plus rentabilisé de l'USAF ! Basé à Fairchild AFB, le 99th Strategic Reconnaissance Wing va utiliser le FICON pendant une petite année. L'utilisation opérationnelle du FICON sera difficile : si un pilote d'essai expérimenté devait déjà être très vigilant de jour et par beau temps, l'exercice devenait vite impossible pour un pilote "moyen" dans des conditions atmosphériques difficiles.
Le dernier vol a lieu le 27 avril 1956 avant l'annulation du programme. En cause : l'arrivé d'un nouvel appareil de reconnaissance du nom de code "aquatone"…c'est-à-dire le U-2. De plus, le B-36 devenant obsolète très rapidement à l'ère des missiles, il n'était plus jugé assez performant pour survivre au combat. C'est ainsi que prit fin l'histoire des "parasites" au sein de l'Air Force.
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