mardi 27 novembre 2012

Siège éjectable (2/3)

Après un premier aperçu général du fonctionnement d'un siège éjectable, il est temps de rentrer un peu plus dans les détails.

Eject ! On distingue en bas de la photo le rail du siège (solidaire de l'avion), et le déploiement du parachute pilote en haut de l'image.


Tout d'abord, au niveau de la sécurité, le siège éjectable est un élément pyrotechnique sensible au même titre que les bombes. Il faut donc protéger le système pour être sûr qu'il ne puisse pas s'activer par accident. Plusieurs accidents spectaculaires ont permis de renforcer la sécurité du système au fil des ans. Au départ il n'y avait aucune protection, et ce jusqu'à ce qu'un malheureux technicien accroche une des poignées d'éjection par erreur, éjectant le siège et lui-même dans un hangar. Malgré un toit en tôle ondulée, il fut tué instantanément. On a donc ensuite décidé de mettre en place des goupilles de sécurité. L'idée est simple : on met en place des goupilles qui empêche mécaniquement de mettre à feu la cartouche d'explosifs. Elles doivent impérativement être retirées avant le vol pour que le siège fonctionne. Suite à leur mise en place, il y eu un crash fatal, le pilote ayant tiré sur la poignée d'éjection, le siège n'était pas parti : une des goupilles était restée en place. On a donc par la suite mis les fameuses flammes orange "REMOVE BEFORE FLIGHT" sur toutes les goupilles.

Aujourd'hui, le technicien qui aide le pilote à s'attacher doit enlever les goupilles une fois le pilote prêt à partir. Il doit ensuite montrer au pilote le nombre de goupilles retirées, et le pilote doit vérifier que le compte est bon. Lors de l'atterrissage, le pilote ne doit pas se détacher de son siège tant que le technicien n'a pas remis les sécurités en place correctement.
Schéma d'un siège éjectable, ici un "ACES II" du F-18 "Hornet"
En vol, le système s'active sur demande du pilote, qui dispose de une ou deux poignées : une au dessus de l'appui-tête et une seconde entre les jambes. Cette deuxième poignée est nécessaire, car dans certains cas (vrille à plat) le pilote peut être plaqué contre la planche de bord par la force centrifuge. Il devient alors difficile voire impossible de tirer la poignée de l'appui-tête dans ces conditions.

Une fois la poignée tirée, le mécanisme pyrotechnique se déclenche. Dans un premier temps, il faut se débarrasser du "canopy" (verrière) du pilote. Plusieurs méthodes existent. Soit la verrière entière est larguée, des boulons explosifs permettent de la désolidariser du reste de l'avion, et un piston actionné par une cartouche de gaz permet de l'éjecter loin de l'avion. L'autre système consiste à insérer du cordon détonnant (un fil très fin rempli d'explosif) à l'intérieur de la verrière. Lorsque le pilote actionne sa poignée d'éjection, le cordon détonnant est mis à feu, ce qui brise la verrière en plusieurs grands morceaux, et permet au siège de passer à travers sans problème.

Schéma du système de séparation du canopy du F-14 "Tomcat", montrant les boulons explosifs ainsi que les bouteilles d'azote sous pression qui permettent l'éjection du canopy.
Cette deuxième solution est plus rapide, mais présente des danger de coupures ou blessures au pilote. Elle a été développée par Hawker Siddeley pour le Harrier, où tout incident près du sol demande une évacuation immédiate. D'un autre côté, lorsque le Canopy est éjecté, il faut s'assurer qu'il s'éloigne suffisamment pour ne pas heurter le pilote. C'est notamment un souci dans le cas d'une vrille à plat, où il n'y a pas de vent relatif pour l'éloigner. Vous connaissez tous un cas de figure où c'est arrivé (mais si, vous savez : la scène d'éjection dans Top-Gun ! Le pauvre Goose a été tué justement parce que l'éjection a eu lieu lors d'une vrille à plat, et il est venu frapper le canopy en s'éjectant )

Une fois la verrière larguée, c'est au tour du siège de partir. Il faut d'abord sécuriser le pilote (1, voir le synoptique d'éjection plus bas dans cet article pour les références). Pour cela les ceintures de son harnais se tendent au maximum, et des cordons attachés aux jambes ramènent les pieds contre le siège, ce qui a pour effet d'empêcher tout mouvement du pilote. Il faut en effet savoir qu'une jambe qui n'est pas ramenée contre le siège a toute les chances de rester dans le cockpit lors de l'éjection, ce qui n'est pas top pour le pilote. Il ne faut pas non plus qu'il écarte les coudes en tirant la poignée, sous peine de se briser les deux bras sur l'arceau du cockpit lors de l'éjection, chose qui n'est pas agréable non plus...

Vue de l'arrière de l'"ACES II" avec le rail de guidage.

Dans les fractions de secondes qui suivent, toutes les liaisons ombilicales reliant le siège et l'avion sont coupées, et les crochets qui arriment le siège au plancher de l'avion s'ouvrent . A ce moment là, le seul contact entre le siège et l'avion est le rail sur lequel est fixé le dos du siège. Immédiatement après, les fusées sont mises à feu, ce qui fait glisser le siège le long du rail (2), lui donnant la "bonne direction à suivre". Lorsque le siège a parcouru les 2/3 du rails, un deuxième jeu de fusées, plus puissantes, est mis à feu pour accélérer le siège davantage. Le siège quitte le rail. Cela fait à peine 1/10 de seconde que le mécanisme du siège s'est déclenché, et moins d'une seconde que le pilote a tiré la poignée d'éjection.

Une fois que le siège a dégagé le cockpit, un troisième moteur est mis à feu. Il a pour but d'empêcher le siège de basculer "sur le dos" sous l'effet du vent. Un parachute pilote (petit parachute de moins d'un mètre de diamètre se déploie. Son but est de stabiliser le siège dans la descente (3) (et remettre le pilote "pieds vers le plancher des vaches").

Une fois que le siège commence à se stabiliser (4), un système coupe automatiquement le harnais du pilote pour le libérer du siège (5). Cette sensation est très désagréable pour le pilote, qui a soudain l'impression, en n'étant plus retenu, que son parachute est parti avec le siège…pourtant il est toujours dans son dos. Le pilote peut alors déployer son parachute (6), ou attendre qu'il se déploie automatiquement grâce à un système barométrique. Il ne reste plus à notre pauvre pilote qu'à attendre le retour au sol en contemplant les restes de son appareil (7), qui va venir percuter la planète qui n'avait rien demandé, partant en fumée ainsi que les millions d'euros  du contribuable qui n'avait rien demandé non plus.

Synoptique de la séquence d'éjection du F-14 "Tomcat"

On notera que sur les premiers modèles, le pilote devait effectuer les deux actions séparément : d'abord larguer la verrière et ensuite s'éjecter, ce qui demandait plus de temps. Pour les avions biplaces, les deux pilotes devaient s'éjecter chacun de leur côté, alors que sur les avions modernes, il suffit que l'un des deux actionne une poignée pour déclencher l'éjection. Le pilote en place arrière est éjecté en premier, suivi un quart de seconde plus tard par le pilote de devant. De plus, chaque siège est mis en légère rotation d'un côté (droite et gauche) pour réduire le risque de collisions entre les deux sièges.

La version russe, avec une présentation du siège K-36. Comme on peut le voir, pas mal de points communs, mais aussi beaucoup de différences !

En plus, tous les pilotes ayant eu la vie sauve grâce à un siège "Martin-Baker" sont admis au sein d'un des clubs les plus fermés de la planète, l'"Ejection tie club", qui comme son nom l'indique ne compte parmi ses membres que des hommes et des femmes ayant eu un jour à s'éjecter d'un avion en perdition avec un siège de la marque. Les "survivants" reçoivent ainsi une cravate et un pin's exclusifs du club. Il y a actuellement (en 2012) plus de 7400 membres !

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