Tout au long de la Guerre Froide, les USAFE (ou United States Air Forces in Europe) ont été présentes sur l'ensemble des pays européens pour fournir une force de réponse immédiate en cas d'attaque soviétique.
Parmi les différentes composantes des USAFE, on trouvait des escadrilles de chasse détachées de l'USAF, comme la 36th Tactical Fighter Wing. Vers la fin des années 80, elle était basée sur la base de Bitburg Air Base dans les montagnes de l'Eifel dans ce qui était à l'époque l'Allemagne fédérale. Son rôle était la défense aérienne de la zone d'action de la 4th ATAF (Allied Tactical Air Force) basée à Ramstein AB. Au sein de la 36th TFW, on trouve des pilotes affectés à des missions spéciales : les missions "Zulu".
"Zulu" désigne la patrouille d'alerte, ce qui signifie que les avions et pilotes qui y sont affectés doivent pouvoir intercepter toutes les menaces qui se présentent dans le secteur : chasseur ennemi, avion-espion…ou avion ami ne répondant plus, la liste est longue. Il y a cependant une exigence forte : à la moindre alerte, il doit s'écouler moins de 5 minutes entre la première sonnerie et le moment où les roues de l'appareil quittent le sol.
Pour assurer ce temps de réponse minimum, des structure dédiées, à l'écart de la base ont été conçues. Des structures bétonnés abritant 4 hangars ainsi qu'un bâtiment vie sont présents près de la piste (en 1 sur la photo). Un taxiway spécial (2), sur lequel la circulation est interdite aux véhicules, relie le bâtiment à la piste (3).
L'appareil utilisé par les USAFE pour assurer les alertes était le F-15 "Eagle" en version "C", la version monoplace d'interception. Le bâtiment d'alerte possède quatre alvéoles, chacune pouvant abriter un "Eagle". Une large porte coulissante permet de cacher l'appareil aux regards extérieurs, tout en pouvant être ouverte en moins d'une minute pour laisser passer l'avion. À l'arrière, se trouve une large ouverture pour l'évacuation des gaz, qui permet d'allumer les moteurs du "Eagle directement dans le hangar, lui permettant de "bondir" rapidement à l'extérieur en cas d'alerte.
Au centre du bâtiment se trouve les quartiers de l'équipage et des mécaniciens sol. Les pilotes effectuent des alertes de 24 heures, où ils vivent sur place. Les chefs d'équipes font également des alertes de 24 heures tous les trois jours. Ces hommes forment donc sur place une équipe qui vit en totale autarcie avec le reste de la base. La vie est ponctuée de long moments d'ennuis suivies de plusieurs minutes de terreur pour mettre les appareil en l'air.
Au rez de chaussée du bâtiment, on trouve un poste de sécurité où il faut montrer patte blanche avant de pouvoir pénétrer à l'intérieur du bunker. Plus en arrière se trouve une cuisine et une zone administrative. Au premier étage, on trouve une salle, surnommée la "Battle cab", qui est une salle de repos/briefing pour les équipages. Un salon se trouve à côté ainsi qu'une pièce télé où les équipages peuvent se détendre. Au deuxième étage, on trouve des chambres. Chaque pilote et mécanicien possède un lit. Un grand râtelier permet d'accrocher les affaires de vol pour que les pilotes puissent sauter dans leur combinaison anti-G. Les hommes dorment dans leur tenue de vol pour gagner du temps en cas d'alerte ! Comme le temps est essentiel, les équipages ne descendent pas par des escaliers, mais par des poteaux style pompiers !
La surveillance aérienne était permanente dans cette région du monde, que ce soit par les stations d'alerte au sol (les "SOC III", "Station On Ground level III") ou par les yeux vigilants d'un E-3 "Sentry", avion radar qui patreouille à haute altitude. Leur radar porte à l'intérieur du territoire est-allemand, et un appareil s'approchant un peu près de la frontière est immédiatement repéré.
En cas d'alerte, un klaxon retentit. Pilote et chefs d'avions se précipitent, et les pilotes grimpent à bord de leurs appareils, en se harnachant aidé par le chef d'avion. Des grands voyants lumineux sont situés au dessus de la porte du hangar. Tant que le voyant rouge reste allumé, les pilotes doivent rester dans leur cockpit et attendre des instructions. Si un voyant vert s'allume, cela veut dire que l'alerte est confirmée, et le pilote doit démarrer son appareil.
Le réacteur droit est démarré en premier. Ce moteur permet de fournir la puissance électrique nécessaire à l'alignement de la centrale inertielle, opération longue qui peut durer entre deux et trois minutes. Cette opération doit être faite avant que l'avion ne commence à bouger. Pendant ce temps, le chef d'appareil fait le tour, enlevant les derniers caches, et s'assure que l'appareil est prêt au vol. Déjà armé et ravitaillé en carburant, il n'y a que très peu de contrôle à effectuer. Une fois les vérifications terminées et le siège éjectable armé, l'échelle d'accès est retirée, et le pilote démarre le moteur gauche. Dès que l'alignement de la centrale inertielle est terminé, l'appareil est prêt à partir.
Pendant ce temps, le contrôle de vol à fait dégager piste et taxiway pour que l'"Eagle" soit "clear" au décollage. Le pilote peut alors mettre les gaz, et son appareil s'engage à près de 50 km/h sur le taxiway, avant de s'aligner sur la piste. Son autorisation de décollage étant déjà donnée, le pilote pousse les gaz à fond, permettant à l'appareil de décoller sur sa distance minimum. Le pilote connait déjà les caps à suivre pour l'interception qui lui ont été transmis par radio pendant la phase de roulage. Cela fait moins de cin minutes que le klaxon a retenti dans le bunker d'alerte !
La frontière avec l'Allemagne de l'est n'est qu'à 15 minutes de vol de Bitburg, et le temps est compté pour intercepter un appareil ennemi avant qu'il ne franchisse la frontière. Des erreurs de navigation étant possible, le pilote de l'Eagle doit essayer, aidé par les contrôleurs au sol, de deviner les intentions du pilote en face : s'agit-il d'un jeune "poussin" (pilote fraichement diplômé) perdu, ou d'un pilote aguerri en mission de test des défenses adverses ? Rien n'est exclu, mais les conséquences d'une interception se terminant mal peuvent être grave.
L'"Eagle" possède pour sa mission un armement de missile AIM-7 "Sparrow" à moyenne portée, ainsi que des missiles AIM-9 "Sidewinder" à courte portée. Le tout est complété par un canon à tir rapide "Gatling" M61A-1 de 20mm approvisionné à raison de 940 obus ! Même si la cadence de tir d'un tel canon est tel qu'il ne peut tirer en continu que pendant une quinzaine de secondes tout au plus, le canon est essentiel, car le coup de semonce est souvent l'ultime recours avant l'usage des missiles ! Le puissant radar APG-63 du F-15 permet de détecter sa cible de jour comme de nuit et par tous les temps ! De plus, l'excellente maniabilité de l'Eagle lui permet d'intercepter aussi bien des MiG supersoniques évoluant à haute altitude qu'un Cessna 172 perdu à basse altitude en vol à vue !
Si le but des missions Zoulou est l'identification des avions "suspects" tentant de franchir la frontière allemande, force est de constater que le grande majorité de ces missions étaient pour aider des avions occidentaux en difficultés suite à des pannes d'équipement de navigation ou de radio. Il faut dire que la défense aérienne est-allemande avait beaucoup moins de scrupules à abattre un appareil égaré au dessus de son territoire. Si l'appareil est un appareil ennemi, il sera sommé de se rendre et de suivre les F-15 jusqu'à une base américaine pour identification. Dans les faits, c'est arrivé assez peu souvent, hormis quelques "défections".
Le code aérien international comporte des signaux visuels utilisables en cas d'interception, et que tous les pilotes doivent connaitre. Par exemple, un balancement des ailes de la part des intercepteurs signifie "ordre formel de me suivre", alors que le même balancement des ailes avec le train d'atterrissage sorti signifie "ordre formel de me suivre et de vous poser là où je vous le dirai". Le pilote intercepté doit alors sortir son propre train d'atterrissage ce qui signifie "j'ai compris et je vous suit".
Dès que la menace est classée non hostile ou renvoyée à l'expéditeur, les "Eagles" peuvent prendre le chemin du retour vers bitburg. Là, un débriefing avec les spécialistes des renseignements les attend ainsi qu'un débriefing plus technique avec son chef d'escadrille, pendant que les mécaniciens réarment et refond le plein de l'appareil, pour qu'il puisse repartir dès que possible. Les pilotes repartent ensuite en alerte pour la fin de leur 24 heures d'alerte, la relève s'effectuant tous les matins à 8 heures. Missions typique en temps de paix, ces missions de défense aérienne n'en sont pas moins essentielles à la protection des bases et des territoires environnants.
Tout au long de la Guerre Froide, les F-15 ont réalisé plusieurs centaines d'interception, mais fort heureusement, l'attaque surprise tant redoutée de la part des forces du pacte de Varsovie n'aura jamais lieu !
Bitburg Air base, au cœur de la RFA... |
Parmi les différentes composantes des USAFE, on trouvait des escadrilles de chasse détachées de l'USAF, comme la 36th Tactical Fighter Wing. Vers la fin des années 80, elle était basée sur la base de Bitburg Air Base dans les montagnes de l'Eifel dans ce qui était à l'époque l'Allemagne fédérale. Son rôle était la défense aérienne de la zone d'action de la 4th ATAF (Allied Tactical Air Force) basée à Ramstein AB. Au sein de la 36th TFW, on trouve des pilotes affectés à des missions spéciales : les missions "Zulu".
QG du 36th TFW |
"Zulu" désigne la patrouille d'alerte, ce qui signifie que les avions et pilotes qui y sont affectés doivent pouvoir intercepter toutes les menaces qui se présentent dans le secteur : chasseur ennemi, avion-espion…ou avion ami ne répondant plus, la liste est longue. Il y a cependant une exigence forte : à la moindre alerte, il doit s'écouler moins de 5 minutes entre la première sonnerie et le moment où les roues de l'appareil quittent le sol.
Pour assurer ce temps de réponse minimum, des structure dédiées, à l'écart de la base ont été conçues. Des structures bétonnés abritant 4 hangars ainsi qu'un bâtiment vie sont présents près de la piste (en 1 sur la photo). Un taxiway spécial (2), sur lequel la circulation est interdite aux véhicules, relie le bâtiment à la piste (3).
Vue aérienne de Bitburg en 1982 |
L'appareil utilisé par les USAFE pour assurer les alertes était le F-15 "Eagle" en version "C", la version monoplace d'interception. Le bâtiment d'alerte possède quatre alvéoles, chacune pouvant abriter un "Eagle". Une large porte coulissante permet de cacher l'appareil aux regards extérieurs, tout en pouvant être ouverte en moins d'une minute pour laisser passer l'avion. À l'arrière, se trouve une large ouverture pour l'évacuation des gaz, qui permet d'allumer les moteurs du "Eagle directement dans le hangar, lui permettant de "bondir" rapidement à l'extérieur en cas d'alerte.
Un F-15 du 36th TFW au dessus de Bitburg AB |
Au centre du bâtiment se trouve les quartiers de l'équipage et des mécaniciens sol. Les pilotes effectuent des alertes de 24 heures, où ils vivent sur place. Les chefs d'équipes font également des alertes de 24 heures tous les trois jours. Ces hommes forment donc sur place une équipe qui vit en totale autarcie avec le reste de la base. La vie est ponctuée de long moments d'ennuis suivies de plusieurs minutes de terreur pour mettre les appareil en l'air.
plan d'une "alert facility" des USAFE |
Au rez de chaussée du bâtiment, on trouve un poste de sécurité où il faut montrer patte blanche avant de pouvoir pénétrer à l'intérieur du bunker. Plus en arrière se trouve une cuisine et une zone administrative. Au premier étage, on trouve une salle, surnommée la "Battle cab", qui est une salle de repos/briefing pour les équipages. Un salon se trouve à côté ainsi qu'une pièce télé où les équipages peuvent se détendre. Au deuxième étage, on trouve des chambres. Chaque pilote et mécanicien possède un lit. Un grand râtelier permet d'accrocher les affaires de vol pour que les pilotes puissent sauter dans leur combinaison anti-G. Les hommes dorment dans leur tenue de vol pour gagner du temps en cas d'alerte ! Comme le temps est essentiel, les équipages ne descendent pas par des escaliers, mais par des poteaux style pompiers !
La surveillance aérienne était permanente dans cette région du monde, que ce soit par les stations d'alerte au sol (les "SOC III", "Station On Ground level III") ou par les yeux vigilants d'un E-3 "Sentry", avion radar qui patreouille à haute altitude. Leur radar porte à l'intérieur du territoire est-allemand, et un appareil s'approchant un peu près de la frontière est immédiatement repéré.
Deux F-15 en patrouille |
En cas d'alerte, un klaxon retentit. Pilote et chefs d'avions se précipitent, et les pilotes grimpent à bord de leurs appareils, en se harnachant aidé par le chef d'avion. Des grands voyants lumineux sont situés au dessus de la porte du hangar. Tant que le voyant rouge reste allumé, les pilotes doivent rester dans leur cockpit et attendre des instructions. Si un voyant vert s'allume, cela veut dire que l'alerte est confirmée, et le pilote doit démarrer son appareil.
Le réacteur droit est démarré en premier. Ce moteur permet de fournir la puissance électrique nécessaire à l'alignement de la centrale inertielle, opération longue qui peut durer entre deux et trois minutes. Cette opération doit être faite avant que l'avion ne commence à bouger. Pendant ce temps, le chef d'appareil fait le tour, enlevant les derniers caches, et s'assure que l'appareil est prêt au vol. Déjà armé et ravitaillé en carburant, il n'y a que très peu de contrôle à effectuer. Une fois les vérifications terminées et le siège éjectable armé, l'échelle d'accès est retirée, et le pilote démarre le moteur gauche. Dès que l'alignement de la centrale inertielle est terminé, l'appareil est prêt à partir.
Point d'emport, armement air-air du F-15 |
Pendant ce temps, le contrôle de vol à fait dégager piste et taxiway pour que l'"Eagle" soit "clear" au décollage. Le pilote peut alors mettre les gaz, et son appareil s'engage à près de 50 km/h sur le taxiway, avant de s'aligner sur la piste. Son autorisation de décollage étant déjà donnée, le pilote pousse les gaz à fond, permettant à l'appareil de décoller sur sa distance minimum. Le pilote connait déjà les caps à suivre pour l'interception qui lui ont été transmis par radio pendant la phase de roulage. Cela fait moins de cin minutes que le klaxon a retenti dans le bunker d'alerte !
La frontière avec l'Allemagne de l'est n'est qu'à 15 minutes de vol de Bitburg, et le temps est compté pour intercepter un appareil ennemi avant qu'il ne franchisse la frontière. Des erreurs de navigation étant possible, le pilote de l'Eagle doit essayer, aidé par les contrôleurs au sol, de deviner les intentions du pilote en face : s'agit-il d'un jeune "poussin" (pilote fraichement diplômé) perdu, ou d'un pilote aguerri en mission de test des défenses adverses ? Rien n'est exclu, mais les conséquences d'une interception se terminant mal peuvent être grave.
Retour à la base, fin de l'alerte |
L'"Eagle" possède pour sa mission un armement de missile AIM-7 "Sparrow" à moyenne portée, ainsi que des missiles AIM-9 "Sidewinder" à courte portée. Le tout est complété par un canon à tir rapide "Gatling" M61A-1 de 20mm approvisionné à raison de 940 obus ! Même si la cadence de tir d'un tel canon est tel qu'il ne peut tirer en continu que pendant une quinzaine de secondes tout au plus, le canon est essentiel, car le coup de semonce est souvent l'ultime recours avant l'usage des missiles ! Le puissant radar APG-63 du F-15 permet de détecter sa cible de jour comme de nuit et par tous les temps ! De plus, l'excellente maniabilité de l'Eagle lui permet d'intercepter aussi bien des MiG supersoniques évoluant à haute altitude qu'un Cessna 172 perdu à basse altitude en vol à vue !
Si le but des missions Zoulou est l'identification des avions "suspects" tentant de franchir la frontière allemande, force est de constater que le grande majorité de ces missions étaient pour aider des avions occidentaux en difficultés suite à des pannes d'équipement de navigation ou de radio. Il faut dire que la défense aérienne est-allemande avait beaucoup moins de scrupules à abattre un appareil égaré au dessus de son territoire. Si l'appareil est un appareil ennemi, il sera sommé de se rendre et de suivre les F-15 jusqu'à une base américaine pour identification. Dans les faits, c'est arrivé assez peu souvent, hormis quelques "défections".
Alerte Zulu en vidéo...
Le code aérien international comporte des signaux visuels utilisables en cas d'interception, et que tous les pilotes doivent connaitre. Par exemple, un balancement des ailes de la part des intercepteurs signifie "ordre formel de me suivre", alors que le même balancement des ailes avec le train d'atterrissage sorti signifie "ordre formel de me suivre et de vous poser là où je vous le dirai". Le pilote intercepté doit alors sortir son propre train d'atterrissage ce qui signifie "j'ai compris et je vous suit".
Dès que la menace est classée non hostile ou renvoyée à l'expéditeur, les "Eagles" peuvent prendre le chemin du retour vers bitburg. Là, un débriefing avec les spécialistes des renseignements les attend ainsi qu'un débriefing plus technique avec son chef d'escadrille, pendant que les mécaniciens réarment et refond le plein de l'appareil, pour qu'il puisse repartir dès que possible. Les pilotes repartent ensuite en alerte pour la fin de leur 24 heures d'alerte, la relève s'effectuant tous les matins à 8 heures. Missions typique en temps de paix, ces missions de défense aérienne n'en sont pas moins essentielles à la protection des bases et des territoires environnants.
Bitburg de nos jours, une grande base fantôme de la fin de la Guerre Froide |
Tout au long de la Guerre Froide, les F-15 ont réalisé plusieurs centaines d'interception, mais fort heureusement, l'attaque surprise tant redoutée de la part des forces du pacte de Varsovie n'aura jamais lieu !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire