Après la folie des années Johnson, Air Force One va connaître un nouveau président.
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SAM 26000 à l'atterrissage |
Richard Nixon arrive au pouvoir en janvier 1969, et SAM 26000 entre en grande révision à cette époque. John Haldeman, bras droit de Nixon, va concevoir le plan intérieur du nouvel Air Force One. Grande nouveauté, qui restera la norme jusqu'à la mise à la retraite des 707, la création d'une suite de 3 pièces au milieu de l'appareil, au niveau des ailes. Il s'agit d'un salon/bureau pour le président, un autre pour la first lady, et un lounge où la famille Nixon pouvait se retrouver au calme.
Un long couloir court le long du côté gauche de l'appareil, ce qui permet de contourner la suite présidentielle sans déranger personne. Une trappe cachée dans ce couloir permettait également aux techniciens de l'Air Force de descendre dans les entrailles de la bête..ou au valet du président d'aller chercher un costume de rechange !
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Nixon dans le lounge d'Air Force One |
A l'avant, on trouvait le centre de communications, juste en arrière du cockpit, et juste derrière un compartiment réservé aux membres du Secret Service voyageant avec le président. En arrière se trouvait un compartiment réservé au staff du président, avec des postes pour les secrétaires, et encore en arrière un compartiment VIP pour les invités du président. L'arrière de l'appareil était occupé par une trentaine de sièges réservés à la presse, et un compartiment cuisine situé tout à l'arrière de l'appareil s'occupait de nourrir tout ce petit monde. Un total de 800 000$ sera dépensé sur la décoration interne !
Comme le veux la tradition, nouveau président et nouveau pilote présidentiel : Après Paul Thornhill, le nouveau pilote est un ancien des SAM, qui fut le premier à être qualifié sur Boeing 707 : le colonel Ralph Albertazzie, qui pilotait déjà Air Force One en tant que copilote ou commandant de remplacement depuis plusieurs années.
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Ralph Albertazzie, le nouveau pilote présidentiel, mais déjà un habitué d'Air Force One |
Le nouveau design de SAM 26000 était beaucoup plus fonctionnel et très supérieur à ceux de Kennedy et Johnson. Nixon aimait beaucoup son nouvel appareil, mais son arrivée est un grand changement pour l'équipage par rapport à l'exubérant Johnson. Nixon passait le plus clair de son temps enfermé dans sa suite, et n'avait pas du tout l'habitude de "trainer" dans l'avion ou de venir dans le cockpit. Nixon était un quakers, et cela s'est senti toute sa présidence, l'amabiance à bord d'Air Force One étant beaucoup plus lourde et coincée que pendant les années Johnson.
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Nixon et Kissinger en pleine discussion |
La place favorite de Nixon à bord d'Air Force One était un fauteuil dans le lounge. Tous les fauteuils étant tournés vers l'avant, sauf deux, tournés vers l'arrière faisant face à la pièce. Nixon avait une préférence pour le fauteuil contre le hublot, et Henri Kissinger aimait s'asseoir dans le deuxième…c'est ainsi qu'une photo est sortie dans Life montrant les deux hommes en train de discuter, à la grande fureur d'Haldeman. Il faut dire que sur la cloison, au dessus du siège d'Henri Kissinger, on voyait un grand sceau présidentiel, et au dessus de Nixon…rien ! l'équipage recevra donc illico-presto l'ordre de changer la plaque côté, ce qui sera fait, laissant trois trous sur la cloison au dessus du fauteuil de Kissinger…que faire ? Changer la plaque de la cloison, pour quelques centaines de dollars ?? Finalement, Chappell, le mécanicien navigant, achètera une plaque avec un aigle américain dans un magasin de souvenir pour mettre à la place…le tout pour 13$ !
Avec Nixon à la maison blanche, SAM 26000 ne va pas chômer : tour du monde avec visite de 13 pays en juillet 1969, escale à Hawaï pour saluer les astronautes d'Apollo 11, trajet entre Washington et San Clemente (résidence de Nixon en Californie) etc…
En 1971, Nixon renomme son appareil "Spirit of 76", en hommage au bicentenaire de la révolution américaine qui approche. Malgré d'important communiqués de presse utilisant ce nom, "Spirit of 76" ne prend pas auprès du public : on continue de parler d'Air Force One à tout va…même lorsque le président n'est pas à bord (moi aussi, je le sais bien !).
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SAM 26000 commence à prendre de l'âge ! |
Arrive 1972, et la baisse des dépenses militaires associée au désengagement progressif du Vietnam permet d'envisager l'achat d'un nouvel appareil pour le président. Pourquoi cet achat ? Après tout, SAM 26000 est un appareil qui a encore de beaux jours devant lui, seulement il s'agit d'un appareil intercontinental, ayant un rayon d'action supérieur aux autres Boeing du SAM (SAM 970, 971 et 972)
Or lorsque le président se déplace, ce n'est pas seulement un seul appareil qui se déplace, mais deux : il y a Air Force One…et un backup. A cette époque, le backup était un des 707 du MATS…qui eux n'avaient pas l'allonge de SAM 26000. Le résultat c'est que malgré son rayon d'action intercontinental, SAM 26000 était ralenti dans sa progression et devait utiliser des pistes longues, également praticables par SAM 970, 971 ou 972.
Le nouvel appareil est un Boeing 707-353 intercontinental, commandé par Nigerian Airlines, qui le cède de bon cœur au président Nixon. Ce nouvel appareil sera nommé SAM 27000, et il va devenir Air Force One principal, SAM 26000 étant rétrogradé au rôle de backup ! Identique en tout point à SAM 26000, il aura coûté la bagatelle de 12 900 000$ au contribuable. Le prix aurait pu être encore plus élevé sans l'intervention de Ralph Albertazzie qui avait fait acheter et stocker quatre moteurs JT3D-3B pour SAM 26 000 "au cas où" au prix de 100 000$ pièce en 1963…et le prix des mêmes moteurs était passé à 1 000 000$ pièce en 1972 (multiplié par 10 en 10 ans, si, si !), soit une économie d'approximativement 3,5 millions de dollars !
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Le nouvel Air Force One, SAM 27000 |
SAM 27000 est livré à Andrews AFB le 23 décembre 1972. Intérieurement, la couleur n'est plus tout à fait la même, l'appareil étant désormais dans des teintes bleues et non plus beiges comme SAM 26000, mais la disposition intérieure reste la même…à un détail près. En effet, John Haldeman, le toujours présent bras droit de Nixon va faire un changement, en plaçant le compartiment du staff (donc le sien) entre le bureau du président et le lounge familial. Il peut ainsi surveiller avec qui le président discute et combien de temps…évidemment, femme et enfants de Nixon vont se plaindre, et le président finira par demander à ce que son nouvel avion soit remis au standard de SAM 26000, ce qui sera fait quelques temps (et 750 000$) plus tard !
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Réunions de travail à bord d'Air Force One..chacun porte "son" blouson |
Les années Nixon seront des années strictes pour Air Force One et l'équipage présidentiel. Nixon était toujours en mouvement, mais aussi bien l'homme que son staff n'avait pas le "panache" des années Johnson. Nixon s'enfermait dans sa cabine, conduisant des meetings porte close, et refusait de se mêler à la presse dans le compartiment arrière. Il n'avait pas non plus l'habitude d'aller pointer le bout du nez dans le cockpit. Ce manque de spontanéité et d'humour était une marque de Nixon, mais surtout de ses conseillers.
C'est aussi à cette époque que vont apparaître les blousons Air Force One. Au départ, il ne s'agissait que des vestes bleues de l'Air Force, qui se portent par les officiers en lieu et place de la veste d'uniforme lorsque le port de la veste n'est pas obligatoire. C'est le staff de la maison blanche qui va lancer la mode : Haldeman, Erlichman et quelques autres vont demander des vestes siglées à leurs noms, et c'est ainsi que la veste va devenir l'un des souvenirs favoris de ceux qui ont le privilège de voyager sur l'avion présidentiel. Elles restent normalement à bord, et tous ces politiciens se dépêchent de troquer leurs vestes de costume sur mesure contre le fameux blouson à leur nom dès qu'ils franchissent le seuil de la porte d'Air Force One, de manière à se différencier de ceux qui n'en ont pas : membres subalternes ou invités de passage. Il y a ainsi la "caste" des blousons à bord d'Air Force One : c'est kitsch et un peu enfantin…mais si on m'en offrait un à mon nom, je pense que je le garderai très précieusement dans ma penderie !
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Une rare photo montrant SAM 26000 et SAM 27000 |
Un habitué des Boeings gouvernementaux sera incontestablement Henri Kissinger…qu'il voyage avec le président, ou tout seul en mission diplomatique, il était un passager blagueur qui n'hésitait pas à venir dans le cockpit discuter avec l'équipage. Kissinger effectuera ainsi plusieurs missions secrètes à Paris pour mener des négociations avec les vietnamiens (avec la complicité du gouvernement français !), ainsi que deux missions en Chine communiste pour préparer la venue du président Nixon lors de sa visite historique en Chine de 1972. Pourtant, même Kissinger devait se retenir dans ses sautes d'humour pour ne pas s'attirer les foudres des conseillers de Nixon : c'est ainsi qu'à son arrivée en Chine, Albertazzie lui propose de prendre sa place aux commandes juste après l'atterrissage, laissant le copilote guider l'avion jusqu'au point de stationnement. Kissinger pourrait ainsi ouvrir la fenêtre latérale du Boeing et saluer la délégation chinoise comme si il pilotait lui-même le gros Boeing ! Le diplomate est enthousiaste…mais se désiste au dernier moment, se justifiant à Albertazzie que "si cette administration avait un meilleur sens de l'humour, je l'aurai fait".
Les années 70 sont aussi marquées par les chocs pétroliers, qui vont profondément marquer l'économie américaine (et mondiale). Cela se traduit par un déluge de critiques concernant les coûts d'Air Force One. Une nouvelle loi est passée : la famille présidentielle doit payer une partie des coûts du voyage en cas de trajet personnels (ie : non lié à une raison d'état). L'utilisation d'Air Force One coûte ainsi 487$ de l'heure à Richard Nixon…prix élevé, mais bien en deçà du coût réel de vol et d'entretien de l'appareil !
Le Watergate va progressivement installer un climat de paranoïa à la Maison Blanche, et les relations entre la WHMA (White House military Agency, prononcé "Wii-mah") et le bureau des Special Air Missions (SAM) se détériorent, à tel point qu'Albertazzie, pourtant pilote présidentiel, ne connait pas l'emploi du temps à l'avance…pratique pour que SAM 27000 soit prêt à partir à l'heure !
Toujours plein de ressource, le colonel Albertazzie va trouver un moyen inattendu de savoir si le président part à San Clemente le week-end ou non : via un ami golfeur qui connaissait un ami pompiste…qui était prévenu à l'avance de garder des stocks d'essence suffisants pour ravitailler les voitures du convoi présidentiel…
Le 9 août 1974, c'est la fin de l'aventure : Richard Nixon ayant démissionné, c'est en tant que simple citoyen qu'il retourne en Californie, à bord de SAM 27000 "prêté" par le nouveau président Ford. Ce vol est aussi la fin de l'aventure pour Ralph Albertazzie, qui pilote les Boeings gouvernementaux depuis 1959…quinze ans au service de quatre présidents, un sacré parcours !
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Les adieux entre l'ex président et son ex-pilote |
Gérald Ford nomme alors un autre "ancien" des SAM comme pilote présidentiel : le lieutenant colonel Lester McClelland. Contrairement à ses prédécesseurs, Gérald Ford ne va faire quasiment aucune modification aux deux Boeings, gardant la disposition des années Nixon. Gérald Ford restera célèbre pour ses gaffes à bord d'Air Force One : sa manie de se cogner le crâne contre le linteau de la porte d'accès, ou encore plus célèbre, sa magnifique glissade des marches à son arrivée à Salzbourg en 1976…maintenant si vous regardez la vidéo, vous constatez qu'il se relève vite…n'oubliez pas qu'il avait 63 ans…donc maladroit, mais bien solide, non ?
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Le colonel Lester McClelland |
Son successeur arrive vite : Jimmy Carter entre à la maison Blanche le 20 janvier 1977. Il ne va pas changer de pilote présidentiel, ni toucher à un cheveu de l'avion. Air Force One est devenu une institution, un peu comme la Maison Blanche : il devient impensable pour un président de tout chambouler sur les deux avions…sans parler des problèmes budgétaires suite aux chocs pétroliers, qui n'arrangent rien pour les comptables de la maison Blanche.
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En 1980, c'est le colonel Bob Ruddick qui est choisi pour devenir le pilote présidentiel de Jimmy Carter puis Ronald Reagan |
En 1981, un nouveau président arrive : il s'agit de Ronald Reagan, qui va utiliser Air Force One de manière très intensive pour faire connaitre sa nouvelle politique. Les équipements de communications sont modernisés pour tenir compte des dernières nouveautés.
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Ronald Reagan exerce son agilité au putting à bord d'Air Force One |
1985 arrive, et l'Air Force se rend compte que SAM 26000 et 27000 commencent à se faire vieux : ses moteurs consomment beaucoup, et il devient difficile de caser tous les équipements électroniques nécessaires pour garder Ronald Reagan joignable avec le reste du monde. La quête pour un successeur commence alors. Plusieurs appareils gros porteurs sont envisagés : DC-10, Boeing 767, Lockheed TriStar et surtout Boeing 747. C'est ce dernier appareil qui est choisi : très répandu et très fiable, possédant un volume interne doublé par rapport à un "vieux" 707,
il est le candidat idéal.
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Ronald et Nancy Reagan lors d'un voyage officiel |
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