jeudi 2 mai 2013

Troué comme un gruyère pas suisse

Dans le ciel de Bagdad, le 7 avril 2003. Ce jour là, un vol de deux avions d'appui de sol de l'US Air Force se trouvent en couverture d'appui de feu autour de la capitale irakienne. L'opération "Iraqi Freedom" à débuté il y a de cela quelques jours, et des éléments de la garde républicaine de Saddam Hussein sont toujours actifs et possèdent un armement certes obsolète mais encore très dangereux.

Deux A-10 en vol




La mission des deux appareils est simple : aller pilonner des tanks et des véhicules irakiens servant de poste de commandement avancé. Sur le chemin vers leur objectifs, un appel urgent d'un FAC (Forward Air Controller, contrôleur aérien avancé au sol) demande de l'appui de feu pour aider une brigade de Marines qui sont face à une résistance tenace de la part d'un peloton de la garde républicaine.

Les deux avions se déroutent donc, et viennent au secours des Marines en réduisant au silence les positions ennemies grâce à leur canon Gatling. Suite à son dernier passage, le deuxième avion de la formation s'éloigne…et son pilote ressent soudain une forte explosion à l'arrière…avant de constater que son appareil ne répond plus et commence à pointer vers le sol…

Feu !


C'est le moment de faire une petite pause dans le récit pour vous parler un peu plus en détail de l'avion : il ne s'agit pas de n'importe quel appareil, mais bien d'un véritable "tank" volant : le Fairchild A-10 "Thunderbolt II", aussi affectueusement surnommé "Warthog" (Phacochère) par ses équipages. 

Conçu au milieu des années 70, cet avion à une histoire particulière. Il a été conçu comme un véritable tank volant, capable de survivre à tout ce que les soviétiques possédaient comme canon anti-aériens (les redoutables ZSU) et quand même parvenir à détruire les hordes de blindés soviétiques qui ne manqueraient pas de déferler en Allemagne en cas de conflit armé.

Ecorché du A-10 "Thunderbolt II"

Pour parvenir à ce résultat, la firme Fairchild qui a conçu l'appareil a fait le pari de la simplicité et de la robustesse…une méthode de fabrication toute…soviétique en fait. Pour simplifier, les ingénieurs ont pris un canon de 30 mm, conçu un fuselage blindé autour, installé un cockpit au dessus, et deux larges ailes sur le côté assurant une bonne portance…et dix points d'ancrages pour des bombes et des missiles de toute sorte, ce qui en fait à la fois une canonnière volante et un camion à bombes d'une redoutable efficacité. En ajoutant deux moteurs largement espacés sur les côtés et un train d'atterrissage robuste pour permettre à l'avion de décoller d'un terrain sommaire ou d'un tronçon d'autoroute, on obtient un avion...particulièrement moche...

Mais la beauté n'a rien à voir avec la survivabilité sur le champ de bataille…et là, rien ne bat le A-10, conçu pour survivre à des obus explosifs de 23mm. Le pilote est assis dans un baquet en titane pesant plus de 500kg capable d'arrêter des munitions de 20 mm, et les vitres du cockpit sont également blindés. L'appareil est doté de deux circuits hydrauliques totalement indépendants, et même d'un système de secours manuel en cas de besoin. Ce système permet de déconnecter les commandes de vol primaires pour se recâbler sur les commandes de trim avec une liaison directe par câbles, permettant le contrôle de l'appareil sans aucune pression hydraulique.

On notera également une large dérive qui permet de masquer les sorties d'air des moteurs, et donc de le protéger des missiles infrarouges…et en cas de besoin, l'écartement des moteurs permet de maximiser les chances de survie du deuxième moteur si l'un des deux vient à être endommagé…On dit même quil a été conçu pour voler "avec un moteur, une dérive, un aileron et une moitié d'aile en moins" !

Bref, comme on peut le voir, cet appareil est conçu pour traverser l'enfer…et revenir, du moins sur le papier…mais dans la vraie vie ?

Juste quelques trous...mais ce n'est pas pour l'aération !

Retour au récit : le deuxième "Warthog" est touché après son passage au dessus de la ligne de front. A son bord, le pilote est le Captain Kim Cambell, du 75th Fighter Squadron.

Son A-10 touché, elle commence à perdre le contrôle, et voit le sol remplir son pare brise, ce qui n'est jamais bon signe pour un appareil qui vole rarement à plus de quelques centaines de mètres du sol. Le panneau d'avertissement commence à s'allumer comme un arbre de noël et apprend au pilote que la pression de ses deux circuits hydrauliques sont à 0…instinctivement, elle désengage le système primaire, passant en réversion manuelle. Tirant alors doucement sur le manche, elle voit son avion s'incliner et commencer à remonter…gros soulagement : elle n'est pas forcée de s'éjecter en plein Baghdad…

Malgré une artillerie anti-aérienne qui tente de l'achever, elle parvient à diriger son appareil en dehors de la ville. Son ailier, le colonel Richard Turner, continue de la guider et fait une première évaluation des dommages…malgré des trous de partout, l'appareil continue à voler, et les deux moteurs sont intacts…hormis la perte de la totalité de l'hydraulique, tout va plutôt bien en somme…

Les stabilisateurs répondent encore...

Campbell passe ensuite en revue les checklists d'urgence, et sait qu'elle doit prendre une décision : soit tenter de ramener son appareil à la base, sachant qu'il risque de lui claquer entre les doigts à tout moment…ou s'éjecter au plus près d'un terrain ami. Son ailier ne la lachant pas d'une semelle, et son appareil répondant bien, elle décide de continuer et de ramener l'avion.

Arrivé sur le terrain, elle aligne son appareil pour une approche directe, avant de se poser impeccablement sur le runway, pile devant les pompiers. Elle utilise son système de freinage de secours (composé d'un accumulateur qui est chargé avant le vol et isolé du reste du système hydraulique) pour arrêter son avion avant le seuil de la piste...

Dérive horirontale de l'appareil...

Une fois au sol, elle ne peut que constater combien elle a eu de la chance de s'en sortir et de ramener son appareil qui est troué comme un bon gruyère pas Suisse (pour rappel, totalement hors sujet : le gruyère suisse n'est PAS troué…en revanche l'emmental l'est comme le A-10 du capitaine...)

Le lendemain même de cette mission "KC" comme on la surnomme (pour "Kim Campbell…mais aussi "Killer Chick", son indicatif radio) est de nouveau au commande d'un A-10 (un autre, le sien demandera plusieurs semaines de réparations) et paticipe à une mission de recherche et sauvetage pour un autre pilote de A-10 abattu pendant la nuit !

Le Captain Campbell devant l'avion qu'elle a pu ramener malgré tout...


Le capitaine Campbell sera décorée de la Distinguished Flying Cross pour ses efforts et son sang froid qui ont permis de sauver l'appareil. Elle remerciera beaucoup les concepteurs du A-10 d'avoir conçu un appareil aussi solide, et les "rampants", mécaniciens et techniciens qui s'occupent nuit et jour de maintenir les appareils en état de vol.

Kim Campbell, aujourd'hui major et toujours pilote, est repartie en opération en Afghanistan l'année suivante, et est devenue une vedette depuis cette mission, donnant plusieurs interviews et animant même une grande conférence au Smithsonian ! 

1 commentaire:

  1. J'ai toujours admiré cette appareil ,qui dit bonne veille techno ,vaut mieux que
    techno actuel coûteuse et douteuse. Le Canada devrait songer a acquérir le A-10 Wartdog au lieu du F-35 a (169 K/unit) pour 1 F-35 ils auraient 5 a 6 appareils pour le même prix.En plus ....quand tu te fait abattre un avion a 169 millions ,c'est coûteux ,au moins avec l' A-10 ,il te reste d'autre avion pour le même prix....

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