Pages

jeudi 19 juin 2014

Le C-141 "Starlifter" (2/2)

Les premiers C-141 produits entament un grand marathon de tests pour l'USAF. Avant même d'attendre le résultat de tous les premiers essais, la production bat son plein chez Lockheed : il sort un C-141 tous les 3 jours de l'usine ! Une deuxième série d'appareils seront affectés à l'US Air Force dans le cadre du programme "Lead the Force". Ces C-141 seront livrés rapidement, et subiront un planning de vols accélérés pour engranger un maximum d'heures de vol en un minimum de temps. Ce vieillissement accéléré grandeur nature va permettre de déceler les petites faiblesses de l'appareil et d'y remédier avant que la majorité de la flotte n'atteigne le même nombre d'heure.

Certains appareils voleront beaucoup plus que la moyenne...


Si tout se passe bien pour la mise en service au sein de l'USAF, il n'en va pas autant de la version civile : il n'existait à l'époque aucun marché pour un avion cargo spécifique de cette taille. Malgré une campagne publicitaire agressive, Lockheed ne vendra pas un seul appareil à une compagnie civile : le L300 (désignation du C-141 civil) sera fabriqué à un seul exemplaire. Comme personne n'en veut, la NASA finira par l'acheter pour le transformer en télescope volant, le "Kuiper Airborne Aerial Observatory".

Le C-141 entre en service opérationnel début 1965 à Travis, Charleston et Dover. Le premier appareil livré à Travis est le fameux "Golden Bear",le 53-8088, livré en avril 1965. Le "Starlifter" va rapidement connaître son baptême du feu : dès la fin 1965, il entame une série de missions de ravitaillement à Saïgon au Vietnam. Au 31 décembre 1965, l'USAF possède 65 "Starlifter" en service.

Gros plan sur la planche de bord


1966 sera l'année de montée en régime : le C-141 va larguer des parachutistes à travers tout le pays, transporter de plus en plus de cargo, et réaliser sa première mission à McMurdo, devenant ainsi le premier "jet" à ravitailler la station en antartique. Le C-141 sera d'ailleurs un visiteur régulier à McMurdo tout au long de sa carrière (ce n'est qu'en 2002 que le C-17 pourra le remplacer). Fin 1966, il y a 164 C-141 en service. Au total 284 C-141A seront livrés au MATS.

Cockpit du C-141B

C'est au Vietnam que le C-141 va s'illustrer le plus : tout au long du conflit, il va ravitailler le pays sous le nom de "red ball express" un rappel aux route d'approvisionnements pendant la Seconde Guerre Mondiale, à la différence près que cette fois le ravitaillement utilise des C-141 à la place des camions ! Les "Starlifter" vont ainsi ravitailler tout le sud-est asiatique pendant près de 11 ans.

La flotte de C-141 se rendra rapidement indispensable...

La peinture des avions évoluera au fil du temps : le finish aluminium sera remplacé vers 1970 par les couleurs du MATS : gris sur le bas du fuselage et blanc sur le haut. Cela permettait de réduire la température à l'intérieur de l'appareil, et surtout le protéger de la corrosion. Au début des années 80, il sera décidé de camoufler tous les C-141 avec le thème "European one", puis à la fin des années 90, il sera décidé de repeindre toute la flotte en gris foncé, pour un look moins guerrier et plus discret…

La livrée du MATS et la livrée European One


Tout au long de la Guerre du Vietnam, les C-141 auront deux rôles importants : le premier était de ramener les corps des soldats tués "à la maison", via Travis AFB. Les C-141 rentraient souvent à Travis avec à bord dix palettes contenant des cerceuils recouvert d'un drapeau américain. L'autre mission plus joyeuse, et mieux médiatisé, était le "hanoï Taxi", le retour des prisonniers de guerre aux Etats-Unis, certains ayant passé plusieurs années voire même une décennie en captivité. Ces derniers n'avaient d'ailleurs jamais vu de "Starlifter" de leur vie, et se demandaient si ces appareils n'étaient pas des avions soviétiques déguisés !

Les corps des 7 astronautes morts dans l'explosion de la navette Challenger feront leur ultime voyage à bord d'un C-141B.


En 1973, la guerre d'octobre débute entre l'Egypte et la Syrie contre Israël. Les américains ont besoin de soutenir Israël qui a désespérément besoin de renfort, mais les pays européens interdisent aux avions américains de se poser sur leur sol. Seuls les C-5 Galaxy, peuvent atteindre Israël…mais pas le "Starlifter" qui n'est pas ravitaillable en vol. Finalement l'Espagne donnera son autorisation aux américains, et les C-141 pourront également venir ravitailler Israël…mais la situation a été très tendue pour les Etats-Unis. Pour la première fois le C-141 est exposé au feu : les "Starlifter" sont vulnérables aux chasseurs égyptiens à leur approche d'Israël, ils devront être escortés par des chasseurs à chaque vol.

Malgré une mission couronnée de succès, iI faut faire quelque chose pour donner une allonge aux "Starlifters". Ainsi commence le programme YC-141B, qui vise à "allonger" les C-141 et les équiper d'un réceptacle de ravitaillement en vol. Le premier appareil modifié vol début 1977, mais il faudra attendre 1979 pour que les premiers C-141 A de première ligne commencent leur modernisations en C-141 B

L'avant des C-141A (à droite) et C-141B (à gauche)


Les C-141 sont donc convoyés chez Lockheed, avant d'être découpés et rallongés par l'ajout de deux "greffons", un de chaque côté des ailes. Pourquoi cet allongement ? Depuis le Vietnam, les responsables du MATS sont conscients que le C-141 est trop petit : sa soute est souvent complètement remplie alors qu'il n'a pas encore atteint son poids maximum : il y a donc perte de capacité de transport. Rallonger l'appareil permettra ainsi de le remplir davantage pour atteindre son poids maximum. L'ajout du réceptacle de ravitaillement va rajouter une "bosse" sur le dos, caractéristique du C-141B. 270 avions seront ainsi modifiés : tous sauf les quatre NC-141A d'origine…et 10 qui avaient déjà été détruits à cette date ! Le travail était rapide : il fallait 64 jours pour modifier un appareil, plutôt rapide quand on sait qu'il fallait commencer par le couper en trois morceaux !

La livrée "European One", la plus sinistre de toutes...on notera le réceptacle de ravitaillement en vol au dessus du cockpit


Le 29 juin 1982, le dernier C-141 est transformé : il n'y a plus que des C-141B en service à cette date…et un nouveau baptême du feu ne va pas tarder : en 1983, les Etats-unis envahissent la Grenade, et la 82ème division aéroportée est amenée au sol grâce aux C-141B. En 1989, nouvelle opération : cette fois c'est Panama pour l'opération "Just Cause" : le 504th PIR de Fort Bragg est parachuté sur Panama, grâce aux "Starlifter"…et surtout grâce à sa capacité de ravitaillement en vol ! Il s'agissait du premier saut en zone de guerre depuis la deuxième Guerre Mondiale.

Le C-141 s'illustrera également à Panama grâce à sa capacité de larguer des charges volumineuses…plus précisément des tanks (légers, certes, mais blindés tout de même !). Pas moins de 8 tanks "Sheridan" seront largués en parachute depuis la soute de C-141, fournissant un appui crucial aux parachutistes sur place !

Et son rôle ne s’arrêtera pas là : le "Starlifter" s'illustrera également En Irak en 1990 puis 2003, mais aussi en Afghanistan et dans les Balkans. Appréciés des pilotes pour leur rusticité et très apprécié sur le terrain pour leur quasi-autonomie pour le chargement/déchargement, le C-141 participera tout au long de sa carrière à de nombreuses opérations diplomatiques et humanitaires, non sans risques : un "Starlifter" sera la cible de rebelles en Afrique, mais rentrera moyennant quelques trous, et lors d'un autre incident, un C-141 ayant reçu de mauvais code diplomatiques sera intercepté par des Mirage près de Djibouti…heureusement les pilotes français savent réfléchir avant de tirer, et l'incident sera vite résolu !

Dans les dernières années, les C-141 seront toujours autant sollicités !


A la fin des années 90, les C-141 vieillissent…conçu pour une durée de vie de 30 000 heures, la flotte a déjà volé plus de 25 000 heures pour beaucoup…il faut un remplaçant, qui commence à prendre forme : ce sera le C-17 "Globemaster III". Le C-17 tire parti de l'expérience du C-141 tout en incorporant des éléments beaucoup plus modernes, notamment pour lui assurer des atterrissages et décollages courts…mais le programme prendra beaucoup de retard, et l'USAF devra garder ses fidèles C-141 pendant encore plusieurs années !

Les appareils vieillissent, et des criques de fatigue commencent à apparaître sur l'emplanture des ailes. Avec les retards du C-17, il faut faire quelque chose, et l'USAF va devoir faire la même chose que sur ses C-5 "Galaxy" : refaire une section centrale pour fixer les ailes : 63 C-141B devront ainsi recevoir une "center wing box" toute neuve, et au passage, ils recevront également un cockpit modernisé avec des écrans à affichage numérique : ces 63 appareils deviendront ainsi des C-141C. Les modifications auront lieu entre 1997 et 1999.

Il ne restera rien du F-16 ou de l'avant du C-141 après l'accident de Pope AFB...


Conçu à la base pour une vie de 30 000 heures, la moyenne de la flotte sera de 37 400 heures, si on excepte les 21 avions détruits (dont un qui sera détruit dans un incendie après seulement 53 heures de vol !). Sur les 21 avions détruits, aucun accident ne sera lié à la conception de l'avion. On notera également un incident spectaculaire et mortel à Pope AFB en 1994 : un F-16 en approche rentre en collision avec un C-130..le pilote s'éjecte, mais le F-16 hors de contrôle s'écrase sur un C-141B rempli de carburant avec des parachutistes à bord qui se préparaient à partir en mission. Il y aura 28 morts et plus d'une centaine de blessés, la plupart gravement brûlés.

Les deux C-141 de Dover cote à cote...


2003 arrive, et les premiers C-17 peuvent enfin entrer en service, permettant aux C-141B à bout de souffle de pouvoir partir à la retraite. Les C-141C feront l'intérim en attendant la montée à pleine capacité du C-17, ce qui arrive en 2006. Les C-141 sont alors pour la plupart envoyés dans le Boneyard de Tucson pour être stockés puis démantelés. Le dernier vol d'un C-141 a lieu le 6 mai 2006 : le "Hanoï Taxi" est convoyé jusqu'au musée de l'USAF de Dayton, où il se trouve toujours, marquant ainsi la fin de 43 années de service bien remplies !

Le "Hanoi Taxi" est au musée de Dayton

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire