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jeudi 16 janvier 2014

Le comité "Brabazon"

1942 : la Guerre fait rage en Europe et dans le monde. Pourtant, malgré la situation qui n'apparait pas encore comme rassurante, un comité se réunit en Grande Bretagne pour discuter de l'avenir du transport aérien civil d'après Guerre. Il va en ressortir plusieurs idées novatrices pour l'époque ainsi que plusieurs prototypes d'avions, dont certains furent des succès notables. Ce comité avait été lancé par sir Winston Churchill dès le 23 décembre 1942.

L’épopée britannique d'après-Guerre doit beaucoup au comité Brabazon


Pourquoi ce comité au beau milieu de la Guerre ? 

En partant d'un constat simple, à savoir que les américains fabriquent la majorité des avions de transport militaires, qui pourront être convertis en avions commerciaux à peu de frais à la fin de la Guerre alors que les anglais construisent principalement des bombardiers lourds, qui ne sont pas convertibles en avion de transport. Contrairement à ce que l'on peut lire ici et là, il n'y a pas eu de "traité" entre américains et britanniques sur la répartition de la production aéronautique. Il se trouve juste que les avions en production reflétaient les besoins de chaque pays, et l'Angleterre avait un besoin plus aigu de bombardier que d'avions de transport, contrairement aux américains qui avaient un océan à franchir pour arriver jusqu'en Europe.

Lord Brabazon de Tara, un des pionniers de l'aviation britannique


Afin d'éviter tout monopole américain dans le domaine des avions de transport à le fin de la Guerre, les britanniques devaient se pencher sur le problème, et donner des projets significatifs à leur industrie pour ne pas se laisser distancer. Le marché est énorme : il s'agit de fournir des avions pour l'ensemble du Commonwealth, un empire, et donc un réseau mondial.

Le comité se réunit pour la première fois en janvier 1943 autour de Lord Brabazon de Tara, aviateur célèbre, détenteur du brevet de pilote n°1 de la Grande Bretagne, afin d'étudier les besoins en avion de transport, et faire des recommandations sur les types d'appareils à construire. Les réunions se font avec des représentant de la compagnie nationale, la BOAC (British Overseas Airways Corporation). Un premier rapport préliminaire est rendu dès le 9 février 1943.

Le Vickers "Viscount", résultat des spécifications pour le type IIB

Le constat du comité est simple : pour avoir des avions à disposition dès la fin de la Guerre, il faut lancer les bases dès maintenant (1943 - 1944) faute de quoi il serait trop tard. On noetra que l'hypothèse de travail est que la Guerre sera finie en 1945 - 1946 au plus tard. Le comité va identifier quatre puis cinq classes ou types d'avions à construire pour assurer les besoins de l'empire après la Guerre :
  • Type I : un quadrimoteur gros porteur, capable de traverser l'atlantique sans escale, dans des conditions de confort luxueuse afin de rendre le voyage de plus de 12 heures agréable pour tous. Un véritable paquebot des airs en somme.
  • Type II : un avion court courrier, léger, capable de remplacer le DC-3. Il sera ensuite divisé en deux catégories : IIA, motorisé par des moteurs à pistons, et IIB, qui serait développé ultérieurement, avec une motorisation à base de turbopropulseurs.
  • Type III : un appareil plus large, capable de sillonner les routes de l'empire avec de nombreuses escales, aussi connu sous le nom de "MRE" pour "Medium Range Empire" et plus tard LRE, "Long Range Empire"
  • Type IV : un appareil de 100 places à turboréacteurs, invention encore nouvelle à l'époque. Le but était de faire une sorte d'appareil IIIB, remplissant les mêmes missions, mais techniquement beaucoup plus ambitieux, et qui serait donc sans doute développé plus tardivement. Le type IV sera ajouté suite à l'insistance de Sir Geoffrey de Havilland, dont la société était pionnière dans la mise au point d'appareils à réaction, grâce au "Vampire"
  • Type V : cette dernière catégorie sera rajoutée ultérieurement pour couvrir le trou qui s'était crée entre le Type I et le type II, c'est à dire un appareil moyen courrier léger, capable de franchir des étapes autour de la méditerranée.
L'Airspeed "Ambassador", type IIA


Le comité se réunira plusieurs fois, éditant ainsi une série de rapport détaillant chaque type d'appareil en détails : taille, poids, plafond pratique, distance franchissable en fonction du nombre de passagers etc..Entre août 1943 et novembre 1945, il y aura une vingtaine de rapport, dont aucun ne sera rendu public. On notera que les membres du comité Brabazon se retrouvaient de manière assez informelle, pour des discussions tenant plus du salon de thé qu'un comité directeur austère, ce qui explique peut-être son efficacité à définir les besoins de l'ensemble de l'industrie britannique d'après-guerre. Du 2 juin 1943 au 3 ocotbre 1945, il n'y aura pas moins de 61 réunions !

Le Bristol "Britannia", type III MRE


C'est en 1944 que le "Ministry of Supply", le ministère chargé des approvisionnements, va commencer à passer des contrats en vue de construire tous ces appareils : De nombreux marchés seront passés aux différents constructeurs de cellules du Royaume-Uni, et il est parfois difficile de savoir quel appareil a été produit sur la base de quel design, les sources variant beaucoup sur ce point. Pour ma part, j'en ai isolé 8 qui me semble correspondre le mieux au idées du comité Brabazon, mais certains de ces choix sont discutables.

Le mammouth volant, Type I : le Bristol "Brabazon"


Type I : il sera décliné en spécifications de l'Air Ministry, sous la dénomination 2/44. Deux compagnies soumettront des propositions : Miles avec le X-15 (à ne pas confondre avec l'autre X-15) et Bristol avec le "Brabazon" du même nom que le comité. C'est le Brabazon qui sera choisi.

Type II : Suite à la proposition de plusieurs compagnies de produire un appareil à turbopropulseurs, il sera divisé en deux : l'appareil à turbopropulseurs (Type IIB), et un appareil de secours à moteurs à pistons (Type IIA). On trouvera le de Havilland "Dove" et l'Airspeed "Ambassador" pour remplir le rôle du IIA et le Vickers "VC2 Viceroy" et Armstrong Whitworth AW55 "Apollo" pour le IIB. Finalement, ce seront l'Airspeed "Ambassador" et le Vickers "Viscount" qui seront produits.

Type III : deux appareils seront produits : l'Avro"Tudor" et le Bristol "Britannia". Suite à plusieurs délais, ils n'entreront en service que peu de temps avant l'arrivée des jets américains, qui lui prendront son marché potentiel en un temps très court.

Type IV : ce sera l'appareil phare de Havilland, et il deviendra célèbre malgré ses problèmes sous le nom de DH106 "Comet", le premier avion de ligne à réaction.

Type V : il sera également divisé en deux sous-types : le VA qui prendra jour sous la forme du Miles "Marathon" et le type VB, qui deviendra le de Havilland "Dove".

L'Avro "Tudor", dont on retrouve le train bicycle, caractéristique des avions d'avant-guerre.


Soit un total de 8 appareils pour remplir l'ensemble des recommandations du comité Brabazon, pour récapituler :

  • Bristol "Brabazon
  • Airspeed "Ambassador"
  • Vickers "Viscount"
  • Avro"Tudor"
  • Bristol "Britannia"
  • De havilland DH106 "Comet"
  • Miles "Marathon"
  • de Havilland "Dove"
Ces appareils ont tous été produits, mais quel est le bilan final des appareils Brabazon ?

Malgré une publicité ciblée, l'"Ambassador" ne trouvera jamais sa cible...il est déjà dépassé...


Ces huit appareils ont tous eu des destins très différents : 
  • Deux seront annulés assez rapidement, victimes des circonstances, mais auraient pu avoir du succès : l'"Ambassador" (seulement 23 exemplaires)  et le Miles "Marathon" (43 exemplaires construits) : le premier était dépassé avant même sa mise en service du fait de ses moteurs à pistons, et le second provoquera la faillite de son constructeur à la suite du crash de l'un des deux prototypes.
  • Quatre auront une longue carrière : le Vickers "Viscount"  (450 produits), le de Havilland "Dove" (542 exemplaires) et le de Havilland "Comet" (114 exemplaires) et le le Bristol "Britannia" (120 construits).
  • Mais un sera un échec complet : le Bristol "Brabazon" fameux Type I, le plus ambitieux, dont seul un prototype sera construit.
Spacieuse et confortable, la cabine du Comet fera référence !

Si le Britannia ou le Viscount furent des réussites exemplaires, qui permirent de maintenir la domination de l'industrie britannique pendant encore quelques années, les dix années suivantes vont voir une montée en force des avions américains, alors que les britanniques ayant des moyens plus faibles vont progressivement perdre du terrain.

Le Type IV donnera le légendaire "Comet"


Au début des années 60, il devient clair que les anglais ont perdu le marché de l'aviation civile mondiale : Boeing 707, Douglas DC-8 et autre Caravelle trustent le marché. Malgré quelques belles réalisations ultérieures, comme le BAC 1-11, ou encore le Trident et le VC-10, le marché est verrouillé, et à partir de 1970, le monde va progressivement acquérir un marché bipolaire, entre Boeing et Airbus. Pourtant le comité Brabazon avait posé dès 1943 les bases du transport aérien moderne, grâce à une étude très poussée, qui s'est révélée fausse sur plusieurs points…mais qui aurait pu deviner l'essor que prendrait le transport aérien tout au long des années 60 puis 70 ? Malgré ses erreurs, le comité Brabazon à quand même donné naissance aux "Viscount" et autres "Comet", appareils en avance sur leur temps et qui profiteront de très nombreuses commandes. Il est regrettable que le nom de comité Brabazon soit associé à l'échec de l'avion du même nom plutôt qu'à l'influence que ce comité à eu sur l'aviation d'après-Guerre, dans le Royaume-Uni comme dans le monde entier, où les travaux du comité ont posé les bases de l'aviation moderne.

Le Miles "Marathon", un avenir limité, dont le crash du prototype mettra Miles en faillite. Hanley Page reprendra sa fabrication, avec un succès très mitigé.


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