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jeudi 19 septembre 2013

Le blocus de Berlin (2/2)

Le général Tunner reprend le commandement du pont aérien de Berlin à l'été 1948, et suite aux événements du "vendredi noir", il va instaurer de nouvelles méthodes et procédures pour augmenter la quantité de vivres livrées à Berlin.

Le général William Tunner à son bureau

Suivre les corridors n'était pas chose facile pour les pilotes : étroit et non matérialisé, il fallait que le pilote suive un cap très précis. Le temps n'était pas de la partie : il n'était pas rare que le temps à Tempelhof soit idéal au moment de quitter Wiesbaden…mais se dégrade soudainement et soit limite au moment de se poser ! L'approche Tempelhof était particulièrement dangereuse : de hauts bâtiments se trouvaient le long du corridor d'approche, obligeant les pilotes à jongler avec les commandes de leurs C-54 remplis jusqu'à la gueule. Ce n'était pas le seul problème : la chasse soviétique, bien que ne pouvant pas abattre les avions de transport, pouvait les gêner : plus de 733 incidents seront rapportés en une année. Tir de DCA pas très loin, projecteur aveuglant, chasseur tirant à la mitrailleuse à côté des appareils, passage en travers du corridor devent le nez des C-54 : les pilotes en ont vu des vertes et des pas mûres ! Aucun avion ne sera abattu, ce qui aurait lancé une guerre dont Staline ne voulait pas.



Schéma de l'espacement entre avions dans un couloir aérien


Pendant que les C-54 continuaient leurs rondes, les britanniques utilisaient des "Lancaster", des "York" et même des hydravions "Sunderland", qui utilisiaient le lac Havel comme "piste" d'atterrissage. Mais les deux aéroports n'étaient pas suffisants, il en fallait un 3ème. C'est ainsi que l'aéroport de Tegel sera construit en secteur français en un temps record : 3 mois. Comme il fallait des engins lourds, mais que le C-54 ne pouvait pas les transporter, il faudra les découper au chalumeau, et les charger à bord de 5 C-82 "Packet" avant de les ré-assembler sur place. Pour la petite histoire, une centrale électrique sera construite de la même manière. On notera que le principal aéroport de Berlinà partir des années 70 sera…Tegel ! Seul problème, une tour radio se trouvait pile dans l'axe de la piste, en territoire soviétique, qui ne voulaient pas la démonter. Finalement, le général Jean Ganeval, commandant des forces françaises prendra la décision qui s'imposait : le 16 décembre, une petite équipe du "génie" va la faire sauter à la dynamite…le jour même, le général Kotikov se rend furieux chez le général français et lui demande hors de lui "Comment avez vous pu faire cela ?" ce à quoi Ganeval répond calmement « Bien simplement, mon général, par la base et à la dynamite. Au surplus, je vous avais prévenu, n’est ce pas ? »...l'affaire en restera là

Tegel sea construit en un temps record...

Décharger tous ces avions demandait des bras, en quantité…comme les forces d'occupation n'étaient pas suffisantes, les alliés feront appel à des volontaire allemands…en échange d'une ration un peu plus copieuse que les autres, ils étaient prêts à venir aider au déchargement. Ils étaient très désireux d'aider, vu que le ravitaillement était pour eux au final ! Ceux qui travaillaient vite pouvaient également recevoir des cigarettes ou du chocolat. La méthode fonctionnait plutôt bien, puisque le record sera de 10 minutes pour décharger 10 tonnes de charbon ! Autre problème : le manque de mécaniciens. Là aussi Tunner va trouver une idée simple et efficace : sachant qu'il existait dans Berlin un nombre important d'anciens mécaniciens de la Luftwaffe, il va recruter des équipes allemandes, et encadrées par un traducteur et un superviseur, vont effectuer toutes les réparations possibles et imaginables pour maintenir la flotte de C-54 en l'air le plus possible ! Tout appareil qui n'était pas en révision ou en déchargement devait être en vol !

Approche finale sur Tempelhof...

Une des histoires les plus connues du pont aérien est celle du lieutenant Halvorsen et des "candy bombers" ("bombardiers de bonbons"). Basé sur un aérodrome et participant à l'opération Vittles, il décide un jour d'aller à berlin en tant que passager à bord d'un C-54 pour visiter la ville qu'il contribuait à sauver. Arrivé à Tempelhof, il se place au bord de la piste pour filmer les avions. Remarquant un groupe d'enfants, il va vers eux pour discuter un peu, et va leur donner du chewing-gum…certains des enfants, nés pendant la Guerre, ne savait même pas ce que c'était ! N'ayant que deux barres sur lui, il leur promet si ils ne se battent pas de leur en larguer par avion le lendemain ! Fidèle à sa parole, le lendemain, en approche à bord d'un "Skymaster", il largue des plaquettes de chocolat attachées à un petit parachute. Cela va créer un "buzz" pour parler moderne, et chaque jour, de plus en plus d'enfants se massent le long  des barrières. Dur de garder tout cela secret : le supérieur d'Halvorsen finit par trouver une photo dans la presse de "l'oncle chocolat"…et reconnait l'appareil. Prié de s'expliquer, le lieutenant raconte l'histoire…et se fait réprimander. Pourtant l'histoire remonte jusqu'au général Tunner, qui trouve l'idée excellente ! Reprenant l'idée, il va lancer l'opération "Little Vittles", et de nombreux pilotes vont participer en largant des chewing-gum et du chocolat en approche finale. Les "candies" seront gracieusement données par des chocolateries américaines. A la fin, ce seront pas loin de 3 tonnes de chocolat qui seront largué sur la capitale allemande avant la fin du bocus !

Gail Halvorsen, qui lancera l'opération "Little Vittles"

Pâques 1949 approche, et le pont-aérien tourne comme une horloge Suisse, à merveille. Tunner veut frapper un grand coup : il veut profiter de Pâques pour battre tous les records. Ayant révisé un maximum d'avion et mis un maximum d'équipage en alerte, des tonnes de charbons sont préparées. De midi le 15 avril à midi le jour suivant, il n'y a pas un seul temps mort : 1383 vols, 0 incident, et pas moins de 12941 tonnes de charbons livrées ! De manière générale, les alliés parvenaient à livrer pas moins de 8 500 tonnes par jour, mais en ce jour de Pâques 1949, le MATS va établir un record ! Ce sera le début de la fin du blocus.

Livraison de charbon par un C-74 "Globemaster et son ascenseur intégré.


Comprenant que les alliés avaient trouvés un moyen fiable et confortable de ravitailler Berlin indéfiniment, les soviétiques se rendent compte que le blocus ne sert plus à grand-chose. Le 12 mai 1949, Staline jette l'éponge, et c'est la fin du Blocus. Pour la première fois depuis 15 mois, un convoi britannique peut parvenir jusqu'à Berlin sans encombres ! Le pont aérien ne s'arrête pas pour autant : craignant un revirement soviétique, Tunner ordonne de continuer les vols, mais en diminuant la cadence et en supprimant les vols de nuit, afin de faire des stocks à Berlin. La reddition soviétique intervient au moment  même où une nouvelle génération d'avion entrait en service et promettait de livrer encore plus de marchandises au cœur de Berlin : les C-97 "Stratofreighter" et C-124 "Globemaster II" étaient commandés pour remplacer les C-54 vieillissants.

Les conditions hivernales sont particulièrement rudes pour maintenir un rythme soutenu

Le pont aérien est suspendu définitivement le 30 septembre 1949, après 15 mois d'opération, dont des débuts plutôt difficiles. C'est pas moins de 277 569 vols, volant souvent à peine à deux minutes d'intervalles, qui auront été réalisés, parcourant plus de 130 millions de km ! Au total 2,3 millions de tonnes de vivres et de marchandises auront été livrés au cœur de Berlin. Mais ces chiffres ne doivent pas non plus faire oublier que 101 personnes auront données leur vie, dont 31 aviateurs de l'USAF dans une dizaine de crashs, sans compter la collision de deux junkers 52 français.

Ces évènements auront permis de sauver 2,3 millions de personnes du joug communiste, sans un seul coup de feu tiré. Le pont aérien de Berlin est encore à ce jour la plus vaste action humanitaire jamais menée par avion. Cette opération fera également comprendre le rôle primordial des avions de transport lourd, ouvrant la voie au C-141, C-5 et aujourd'hui C-17 que nous connaissons bien.

Il existe aujourd'hui un mémorial du pont aérien à Francfort

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