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lundi 16 septembre 2013

Le blocus de Berlin (1/2)

En 1947, Berlin était comme le reste de l'Allemagne : divisée en deux, à la différence près que Berlin était enclavée en secteur soviétique. Il fallait donc franchir le secteur soviétique pour rejoindre les parties anglaises, française ou américaines de Berlin Ouest…tout allait bien tant que les relations avec les soviétiques se passaient bien.

Le plus grand pont aérien de l'histoire est sur le point de débuter...

Seulement voilà, en 1948, les choses changent, les relations entre les alliés d'hier devient tendue. A tel point que Staline veut virer les alliés de Berlin, enclave du monde libre en plein cœur de l'Allemagne de l'est. Le 9 juin 1948, il fait expulser tous les militaires qui ne sont pas dans le secteur d'occupation de Berlin Ouest. Les trains de ravitaillement sont arrêtés, détournés, jusqu'au 24 juin où toutes les voies de communication terrestres et fluviales avec Berlin ouest sont coupées par les soviétiques. Berlin est coupé du monde et ne peut plus être ravitaillé. Il faut trouver une solution…ou abandonner Berlin, et ses deux millions d'habitants au joug communiste.

Conscients que c'est exactement ce que Staline veut, les alliés ne restent pas les bras croisés. Deux généraux vont proposer des solutions. L'américain Lucius Clay veut envoyer des convois lourdement armés chargés de forcer les points de contrôles par la force si nécessaire…ce qui ne manquerait pas de créer la 3ème Guerre Mondiale…et le britannique sir Brian Robertson propose de ravitailler la ville par les airs.

Le général Lucius Clay, en compagnie d'officiers américains et britanniques discute du blocus

Sa proposition partait d'une constatation simple : il est facile de poser un barrage routier…mais un barrage aérien implique d'abattre les avions, or les soviétiques voulaient mettre les américains en tord, soi en leur faisant franchir des barrages soviétiques de force, soit en abandonnant Berlin. Les couloirs aériens définis à la fin de la Guerre ne pouvaient donc pas être bloqués, à moins d'abattre les avions alliés, auquel cas ce serait les soviétiques qui seraient en tord !

Ensemble des voies de communications terrestres permettant de ravitailler Berlin avant le blocus


Si ravitailler les  2300 soldats de la force d'occupation était largement faisable, ravitailler 2 millions d'habitants était…plus complexe. Les américains ne disposaient d'aucun avion de transport lourd, juste des C-47 "Skytrain" datant de la Guerre, emportant 3,5 tonnes chacun. Berlin possédait à l'époque deux aéroports : le principal, en secteur américain, Tempelhof, et le deuxième Gatow en secteur britannique.

2 aéroports, 102 C-47, et 2 C-54 "Skymasters"…pour ravitailler 2 millions de personnes…ahem…

Les planificateurs de l'US Army vont calculer "à la louche" ce qu'il faut pour Berlin : 125 tonnes de céréales, 11 tonnes de café, 10 tonnes de fromage, 144 tonnes de légumes, 38 tonnes de sel…et des tonnes de charbons pour faire fonctionner l'industrie (ah oui, j'ai oublié de vous dire : Berlin étant alimentés par des centrales électriques situées en zones soviétiques, les câbles avaient été sectionnés, et la ville était plongé dans le noir). Interrogé sur la capacité d'amener ces quantités dans Berlin, Curtiss le May répondra "on peut tout déplacer !" …pourtant un petit calcul montrait qu'il faudrait plus de 1000 vols de C-47 par jour…au minimum ! Mission impossible ou presque...

Le C-47, premier appareil utilisé lors du blocus

La toute jeune US Air Force va donc lancer l'opération "Vittles" et les britanniques l'opération "Plane fare" : objectif : ravitailler Berlin pour que la ville ne tombe pas aux mains des soviétiques.

Le général Clay estime rapidement qu'il peut au mieux transporter 300 tonnes par jour, les britanniques 750…il manque donc 2450 tonnes par jour. Avec le soutien de le May, ils vont demander "tous les C-54 que l'USAF peut fournir"; ils vont en obtenir 52 en à peine 48 heures ! Avec une capacité de 10 tonnes, le C-54 transporte trois fois plus de cargo que le vénérable Dakota.

Le 28 juin, le président Truman annonce publiquement l'intention des alliés de garder Berlin, et annonce que des B-29 armés de bombes atomiques seront stationnés en Angleterre "au cas où". Dans le même temps, le MATS, branche de transport de l'USAF reçoit comme priorité absolue de sauver Berlin.

La vie des berlinois, déjà rude, tourne à la survie. Tous les arbres de Berlin sont abattus pour fournir du bois, et la famine menace, il n'y a presque aucune réserve. Pourtant les allemands n'ont pas oublié le traitement réservé par les soviétiques en 1945 : vols, violences, pillage de l'industrie (ou du peu qu'il en restait), viols…plutôt mourir de faim que de revivre ça était la devise de beaucoup de berlinois.

Le C-54, cheville ouvrière du pont aérien

Les C-54 commencent leurs aller et retour, tournant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, depuis les bases de Rhein-Main et Wiesbaden. Les convois fonctionnent sous forme de corridor, où les avions sont espacé de 3 minutes. Les C-47 volants vers Berlin reçoivent le code "EASY", ceux rentrant le code "WILLIE", les C-54 s'appellent "BIG EASY" et "BIG WILLIE" permettant ainsi aux contrôleurs de connaitre instantanément la destination de l'appareil.

Les différences de vitesse et plafond entre le C-47 et le C-54 ne vont pas sans poser de problèmes : le C-47, plus lent, doit s'intégrer au milieu des C-54, ce qui demande une coordination sans faille. Malgré cela, il faut faire plus pour atteindre les valeurs minimums de ravitaillement : il faut trouver un expert capable de rationaliser tout le programme pour en tirer la quintessence. Heureusement cet expert existe : le général William H. Tunner. Ce n'est pas qu'il connaisse par cœur tous les manuels sur le ravitaillement aérien…c'est lui qui les a écrits !

Tunner est l'officier qui a crée le "Ferrying Command", ancêtre du MATS pendant la Guerre; c'est également lui qui a conçu et réalisé le ravitaillement de la chine par-dessus l'Himalaya…donc le ravitaillement par avions il connait. Il arrive en Allemagne le 28 juillet 1948, et prend tout de suite la direction des opérations. Il va commencer par observer ce qui se passe avant de proposer un plan d'action.

Le général William Tunner


Voulant aller voir comment ça se passe sur le terrain, il part à bord d'un C-54 le vendredi 13 août, direction Berlin pour observer comment marche le dispositif et quels sont les points à améliorer. Ce jour là, les conditions météo sont horribles, plafond bas, pluie. En quelques minutes la journée va tourner au cauchemar sur Tempelhof : en quelques minutes, un C-54 se pose trop long et se crash sur le Runway, un deuxième éclate ses pneus et sort de la piste en voulant éviter le premier, et un troisième fait une sortie de piste en voulant se poser sur un taxiway à proximité. Depuis son C-54 en approche, Tunner ne peut que constater le chaos. Constatant que la piste est bloquée, et que les avions commencent à tourner les uns au dessus des autres, il prend une décision courageuse : il ordonne de fermer l'aéroport et de faire revenir tous les avions en Allemagne de l'ouest jusqu'à ce que la piste soit dégagée.

La fin de la route pour ce C-54

Journée difficile, mais dont Tunner veut tirer les enseignements. De nouvelles règles sont données : dorénavant, les avions se suivront à deux minutes d'intervalles à peine en volant uniquement aux instruments pour maintenir une vitesse et une altitude déterminée, et ils n'auront plus le droit qu'à une seule et unique approche…si ils ne parviennent pas à se poser, ils doivent rebrousser chemin pour retourner à leur base, avec leur chargement. La participation des C-47 va être réduite à son minimum, Tunner constatant que à cause du plancher incliné du Dakota, il faut autant de temps pour décharger les 3,5 tonnes de chargement d'un C-47 que les 10 tonnes d'un C-54. Il va également mettre en place le "pit stop" sur les aérodromes de Berlin : les pilotes ne doivent plus quitter leurs avions, et des coursiers équipés de jeeps doivent amener les cartes météo à jour et le plan de vol de retour ainsi que des boissons à l'équipage directement au pied de l'avion, permettant de descendre le temps au sol à 25 minutes à peine par avion !

Les 3 corridors utilisés ainsi que l’ensemble des aérodromes utilisés pendant le blocus
Rendez-vous au prochain épisode pour savoir ce que le général Tunner va trouver pour assurer le ravitaillement de Berlin de manière durable !

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