démarrage en trombe par une froide journée à Ellsworth AFB d'un B-1B |
Ses origines remontent à la fin des années 60 lorsque l'US Air Force émet un appel d'offre pour un remplaçant du B-52, alors vieillissants. Le concept s'appelle l'"AMSA" pour "Advanced Manned Strategic Aircraft" (bombardier stratégique piloté avancé). l'Air Force lance son appel d'offre le 3 novembre 1969. Trois sociétés répondent : Boeing, General Dynamics (ex Convair) et Rockwell (ex North American).
Rockwell remporte le contrat en 1970 pour 5 prototypes (le plan Cook and Craigie n'étant pas appliqué au B-1, l'avion étant vu comme trop novateur pour cela). Le contrat est d'ailleurs révisé dès l'année suivante pour n'inclure que trois prototypes.
La maquette fonctionnelle du B-1A est dévoilée à l'Air Force le 4 novembre 1971. Surnommé le "Lancer" l'appareil se présentait comme un apparel avec un fuselage fin, une grande emplanture des ailes, et deux ailes à géométrie variable afin d'optimiser l'appareil dans toutes les phases du vol. Cela a demandé la mise au point d'un alliage de titane spécial pour la zone pivot des ailes.
Sa motorisation comprenait quatre moteurs YF-101, donnant une vitesse de pointe de Mach 2,2 à l'appareil. Malgré cela, l'appareil est aussi conçu pour la pénétration à basse altitude.
Un système novateur d'amortissement des vibrations |
Premier problème rencontré par les équipages : les turbulences à basse altitude : les équipages (ainsi que la structure) se fatiguaient très rapidement en raison des nombreuses turbulences. Rockwell va ainsi mettre au point un système actif d'amortissement. Un système de deux vannes d'excitation situées sous le nez s'activent lorsque une centrale inertielle note une accélération sur le fuselage, ce qui amortit les vibrations ressenties par l'équipage, et évite à la structure de fatiguer trop vite.
le B-1A en vol d'essai |
Le premier B1-A sort de Palmdale le 26 octobre 1974, et effectue son premier vol 23 décembre de la même année. Il s'agit du 74-0158. Quatre appareils sont produits pour les essais en vol. Les essais en vol débutent dès janvier 1975…avec un seul appareil de disponible, le numéro 1. Le programme d'essai avancera lentement mais surement : l'appareil atteint même Mach 2 en avril 1976, l'année du bicentenaire des Etats-Unis. Mais un homme va se dresser contre cet appareil, un certain gouverneur de Georgie, du nom de Jimmy Carter. Elu à la présidence des Etats-Unis au terme d'une campagne dirigée vers la réduction des dépenses, il va décider de stopper tout le programme.
Jimmy Carter annonce sa décision le 30 juin 1977 : aucune production en série, les quatres prototypes devront arrêter de voler au plus tard le 30 avril 1981…l'USAF qui espérait passer un contrat pour commander 420 appareils devra rester avec ses B-52. Ce jour là, Rockwell annonce qu'il va licencier 16 000 personnes et son titre perd 10% avant que sa cotation soit suspendue.
L'histoire aurait pu en rester là, mais tel le Phénix, le B-1 allait renaitre de ses propres cendres peu de temps après. Avec près de 1900 heures de vol en 1981, le programme avait du potentiel. C'est ainsi que le 2 octobre 1981, le nouveau président, Ronald Reagan, dans son nouveau programme pour vaincre l'URSS, va annoncer la lancement du B-1B, une version avancée du B-1, et que Rockwell recevrait un premier contrat pour la production de 100 avions.
Le "nouveau" B-1, version B |
Principal différence entre ce "nouveau" B-1 et l'ancien : la signature radar sera réduite de plus de 85% en changeant le design des entrées d'air et du nez de l'appareil, la signature passant de 40m² pour un B-52 à seulement 0,7m² pour le B-1B…en gros comment passer de la signature d'un camion semi-remorque à une trottinette, tout en emportant plus de charge offensif que le B-52 ! D'autres changements seront effectués (modification de la jonction ailes fuselage, nez ogival, abandon de la capsule d'éjection au profit de sièges éjectables "classiques").
Le B-1B se pilote à quatre : un pilote et un copilote sont installés à l'avant, alors qu'un officier des systèmes d'armes offensifs (OSO, Offensive Systems Officer) et défensifs (DSO, Defensive Systems Officer) sont installés à l'arrière. Comparé au B-52, l'habitacle est étroit, et au dire des pilotes assez peu confortable pour les longues missions. Un petit espace. Il existe également deux emplacements pouvant accueillir des sièges pour deux instructeurs pour les vols d'entrainement. On trouve également des toilettes coincées entre les places avant et arrières. Une suite électronique complète, centrée autour de calculateurs AP-101 (les mêmes que sur la navette spatiale) permettent une automatisation poussée réduisant la charge de travail de l'équipage.
Profil de l'avant de l'appareil, avec son profil plus proche d'un chasseur que d'un grand bombardier |
L'appareil reste pourtant proche du B-1A : si l'on compare la liasse de plan, sur les 17 000 plans du B-1B, 11 300 n'ont subi aucune modification entre le -A et le -B, 1000 ont été modifiés, et 5000 sont nouveaux ! L'abandon de la capacité de haute vitesse, haute altitude, au profit d'une capacité basse altitude, pénétration tactique va également permettre une simplification du design. On notera également l'ajout de la fonction de ravitaillement en vol entre le -A et le -B, jugée indispensable par les décideurs de l'Air Force. Une grande nouveauté introduite sur le B-1 (comme sur le F-16) était le multiplexage, permettant d'utiliser un unique circuit pour transmettre plusieurs signaux, réduisant considérablement le poids du câblage !
Le multiplexage permet de réduire les câbles de manière significative |
Après modification des avions n°2 et n°4 au standard -B, le premier vol d'un B-1B a lieu le 23 mars 1983. Un nouveau programme d'essai en vol sera mis sur pied, principalement pour tester le transfert du carburant. En effet, le B-1 possède un système de carburant très complexe, avec pas moins de six réservoirs de carburant, dont deux dans les ailes (qui sont à géométrie variable) ce qui pourrait entraîner des variations brutales de position du CG (centre de gravité) au cours du vol. Sur les appareils de série, c'est un ordinateur qui gère les transfert en temps réel, mais pas sur les vols d'essais, où ce n'est pas moins de deux, voire même quatre membres d'équipage qui doivent se coordonner pour gérer les transferts.
Les réservoirs de carburant du B-1B |
C'est d'ailleurs ce système qui est à l'origine d'un accident tragique le 29 août 1984. Lors d'une série de tests de manœuvrabilité , l'équipage se coordonne mal et rate un transfert de carburant…et l'appareil décroche. Le pilote tente de récupérer, mais la proximité du sol l'oblige à s'éjecter. Malheureusement, la capsule d'éjection ne fonctionne pas comme prévu, et le chef pilote de Rockwell, T.D. Benefield est tué, ses deux coéquipiers sont sérieusement blessés.
La capsule d'éjection des premiers B-1 |
Malgré cela, le premier B-1B de série sort d'usine le 4 septembre 1984, et vol pour la première fois le 18 octobre, surnommé le "Star of Abilene". Le B-1 entre en service au sein de l'USAF en juillet 1986. Un total de 100 appareils seront livrés à l'Air Force entre septembre 1984 et janvier 1988, à raison de 4 par mois, grâce à une chaîne d'assemblage gigantesque à Palmdale de plus de 85000 m². Officiellement baptisé le "Lancer", ce nom ne sera jamais utilisé, les pilotes et mécaniciens lui préférant le surnom de "Bone" (abbréviation de "B-one")
Le B-1B sera livré aux BMW (Bomb Wing, Medium) suivantes : 96th BMW (Dyess AFB), 28th BMW (Ellsworth AFB), 384th BMW (McConnell AFB) et le 319th BMW (Grand Forks AFB)
Peu de temps après son entrée en service actif, le B-1B va se lancer dans une course aux records comme le B-58 en son temps. Le 4 juillet 1987, le B-1B 86-0098 bat le record du monde de vitesse sur 2000km en circuit fermé avec charge de 30 tonnes, le tout à une vitesse moyenne de 1077 km/h
En 1992, c'est pas moins de huit records de vitesses ascensionnelles qui tombent en l'espace de quelques semaines, le tout dans trois catégories différentes de poids. En 1995, autre défi : le tour du monde avec ravitaillement en vol en 36 heures . Deux B-1B vont ainsi subir pas moins de 6 ravitaillements en vol , avec largage de bombes d'entrainement en Italie, Okinawa et Utah pour démontrer les capacités intercontinentales de l'appareil.
A bord du B-1B |
Plus discret, plus rapide et plus manœuvrable que le B-52, le B-1B est un appareil exceptionnel, mais qui fabriqué a seulement 100 exemplaires est une denrée rare dans l'inventaire de l'USAF. Conçu au départ comme un bombardier nucléaire, il a trouvé un rôle de bombardier conventionnel à sa mesure. L'appareil possède trois soutes à bombe, et peut emporter jusqu'à 34 tonnes de munitions dans ses soutes et 26 tonnes sur des pylônes externes (pour lancer des missiles de croisière). En pratique, l'armement transporté extérieurement dégrade la furtivité du B-1, et cette capacité n'est pas utilisée en opération. Côté munitions, il pouvait emporter les armes nucléaires américaines (B61 ou B83) montés sur des lanceurs rotatifs.
En 1991, l'USAF décide que le B-1 n'aura plus de capacité nucléaire, et démonte les équipements de lancement. Il lui reste alors les frappes conventionnelles…mais avec une capacité de 84 bombes de 225kg, c'est une belle plateforme !
Bombardement conventionnel |
Le B-1B a été utilisé en opération en Afghanistan et en Irak. En octobre 2001, une dizaine de B-1B vont quitter les Etats-Unis pour rallier la base de Diego Garcia dans l'océan indien. De là, ils pouvaient aller bombarder les cibles en Afghanistan. En moyenne, les missions duraient entre 10 et 15 heures (et deux ravitaillements en vol), ce qui demandait une concentration absolue de la part de l'équipage pour éviter les accidents.
Au cours de cette campagne, le B-1B fera preuve d'une disponibilité bien plus grande que les autres bombardiers, tout en accomplissant plus de missions. Faisant preuve d'une grande résilience, il a été très apprécié des pilotes, malgré un besoin constant en entretien de la part des équipes au sol.
Test des surfaces de vol au sol |
Avec moins d'une soixantaine d'exemplaires encore disponible à l'heure actuelle, le B-1B est un appareil "rare" dans l'inventaire de l'USAF. le B-1B n'est pas obsolète, ses modernisations lui permettant de s'interfacer avec tous les systèmes OTAN et US. En revanche, il demande presque 40 heures de maintenance par heure de vol, ce qui rend don exploitation très coûteuse en temps et en hommes.
Le "Bone" devrait rester en service jusqu'à 2040...certes moins que le B-52, mais quand même, c'est déjà pas mal !
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