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jeudi 3 juillet 2014

Le C-5 "Galaxy" (1/2)

Le 22 mars 1968, un appareil sort du bâtiment L-10 de Marietta en Georgie. Fabriqué par Lockheed, cet appareil est un géant, dont la taille dépasse de très loin tous les appareils déjà en service à l'époque.  Il portera de nombreux surnoms au fil des ans : "l'éléphant blanc", "Fat Albert", "Big MAC"…mais son nom le plus célèbre reste son nom de baptême : il s'agit du C-5 "Galaxy" !

L'histoire d'un géant parmi les géants

Au début des années 1960, la flotte du MATS, Military Air Transport Service, la branche "cargo" de l'USAF est en plein renouvellement de sa flotte d'avions : les C-124 partent à la retraite progressivement remplacés par les nouveaux C-141 "Starlifter" et C-130 "Hercules" devient vite à l'USAF ce que la jeep est à l'Army. Par contre, pour ce qui concerne le cargo surdimensionné, seul le C-133 "Cargomaster" peut assurer ce rôle, et il arrive rapidement en fin de vie, sa cellule étant trop fragile…il faut un nouvel appareil.

Aux commandes de l'avion de transport le plus imposant du monde (au moment de sa mise en service) !


L'USAF émet donc une fiche programme en avril 1964 pour un nouvel appareil de transport lourd appelé CX-LHX. Il s'agit d'un monstre de 249 tonnes capable de transporter 81 tonnes de charge utile. Trois sociétés vont répondre rapidement : Lockheed, Douglas et Boeing. Le 30 septembre 1965, Lockheed est annoncé comme  vainqueur, et General Electric vainqueur pour la fourniture des moteurs. Le contrat porte sur 58 avions, avec des options pouvant faire monter le total à 115. Pour la petite histoire, Boeing ayant perdu ce contrat va garder son design pour en faire un avion de transport civil, le Boeing 747…et il en vendra bien plus que Lockheed ne vendra d'avions à l'armée !

Le C-5 peut être vu comme un C-141 géant...pourtant il y a de nombreuses différences entre les deux appareils


La mise au point de l'appareil va pouvoir commencer, avec les mêmes règles que pour le C-141 : ailes hautes, plancher bas, train multi-roues basses pression pour se poser sur des terrains sommaires,  queue en "T" et différence par rapport au "Starlifter" : le nez et la queue doivent s'ouvrir pour le chargement, permettant ainsi la capacité de "roll-on / roll-off" c'est-à-dire que les véhicules roulent en marche avant pour monter, et roulent aussi en marche avant pour sortir : on peut vider l'appareil d'un côté et le remplir de l'autre à la fois, ce qui permet d'accélérer les rotations ! L'appareil peut-même se "mettre à genoux" en rentrant légèrement les roues avant, ce qui permet de rapprocher davantage le plancher du sol pour faciliter le déchargement !

L'atout du C-5 : la capacité roll-on / roll-off


La taille de l'appareil est gigantesque, et va tirer parti des premiers réacteurs double flux à fort taux de dilution, ce qui permet d'obtenir des moteurs à la fois plus puissants, plus silencieux et moins gourmands que la génération précédente. Mais le plus gros challenge de l'équipe de Lockheed sera la lutte contre les kilos en trop. Un comité spécial sera même mis en place : toute modification entraînant un surpoids de plus de 200g devait être approuvée par ce comité…A la fin du fin, l'avion ne pèsera que 900 kg de trop, pas si mal sur un appareil qui pèse 172 tonnes à vide, et pour information : 900kg équivaut au poids de la peinture. Un employé de Lockheed dira que si l'USAF les avait autorisé à livré un avion sans peinture, son poids aurait été pile celui du contrat !

L'avion était l'un des plus volumineux au monde à sa sortie...il l'est toujours aujourd'hui !


Les dimensions de l'appareil dépassent tout ce que l'USAF possède : un monstre de 66 mètres d'envergure et de 74 mètres de long ! Sa raison d'être est l'énorme soute, qui peut s'ouvrir des deux côtés, mais les ingénieurs de Lockheed ne se sont pas arrêtés là : si la soute occupe toute la partie inférieure de l'appareil, la partie supérieure contient le cockpit et en arrière du cockpit une aire de repos pour l'équipage qui est très spacieuse, avec des lits et des fauteuils. Il y a de la place pour plusieurs équipages de réserve. Le cockpit en lui-même peut accueillir spacieusement cinq personnes : un pilote, un  copilote, un navigateur, un mécano-nav et un observateur. On arrive ensuite au dessus des ailes, cette zone n'est pas accessible : elle contient des équipements secondaires comme la centrale d'air conditionnée.  Et ce n'est pas tout : en arrière des ailes, on trouve aussi un espace "troupe" aménagé comme un avion civil, pouvant accueillir jusqu'à 75 soldats. On notera cependant que cet espace n'a pas de fenêtre et que les sièges sont installés dos au sens du vol. Cet espace comprend aussi une cuisine et des sanitaires. Il n'y a aucun passage direct entre le cockpit et le compartiment troupe : il faut descendre dans la soute pour passer de l'un à l'autre.

Le Flight Deck, les quartiers de l'équipage
Le compartiment troupe à l'arrière des ailes


Au niveau de l'avionique, le C-5 est l'appareil le plus moderne de la flotte : il incorpore un énorme radar multi-rôle "Norden", radar météo couleur faisant aussi du suivi de terrain ou de l'approche basse visibilité. Un système innovant, le "MADAR" est monté sur la console du mécanicien navigant : un ensemble de microfiches associés à un appareil de projection permet d'emporter toute la documentation de l'appareil sous un format réduit, le mécano nav pouvant ainsi afficher facilement les informations sur son écran, un peu à la manière des ordinateurs d'aujourd'hui.

Le cockpit est des plus spacieux, avec une large planche de bord...



Le MADAR en bas à droite de la planche du mécanicien navigant


Le premier appareil livré sera le serial 66-8303, et son rollout a lieu le 22 mars 1968. Il faudra cependant attendre le 30 juin 1968 pour que l'appareil effectue son premier vol avec Léo Sullivan aux commandes. Le vol se passe bien jusqu'à l'atterrissage où l'appareil perd une roue ! Mais bon pas de soucis : le "Galaxy" ne possède jamais que 28 roues !  A partir de ce jour là, tout va très vite, et l'appareil va enchainer les records, avant que les premières livraisons à l'USAF n'interviennent à partir de décembre 1969. L'appareil tant attendu peut enfin entrer en service.

Le C-5 éclipse le C-141 sur cette photographie côte à côte !


Les premières années vont cependant mal se passer, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le prix bien sûr : l'appareil est peut-être le plus gros, mais il est surtout l'appareil le plus cher de l'histoire américaine à cette date : 60 millions de dollars, soit le double du prix initialement prévu. Les moteurs ensuite : la mise au point du double flux ne se fait pas sans difficulté, et les nombreux retards ont coûté cher, et réduit les performances promises initialement. C'est ainsi que dès 1969, la commande initiale de 115 appareils est réduite à seulement 81 dans l'espoir de ramener la facture à des dépassements raisonnables.

Le 2ème appareil en vol d'essai au dessus de la Géorgie !


Début 1970, c'est le congrès qui commence à mettre son nez dans le programme et ses nombreux dépassements. Le C-5 est effet le premier  programme à  dépasser le milliard de dollars de dépassement budgétaire ! Une commission est chargé d'enquêter pour savoir si il faut continuer ou arrêter le programme. Pour ne rien arranger, en mai, le 67-0172 est détruit dans un incendie en vol…l'équipage parvient à poser l'appareil, il n'y a pas de victimes, mais l'appareil est fichu…et le temps que la polémique retombe, un deuxième appareil est perdu, cette fois chez Lockheed : une étincelle d'un groupe de parc met le feu aux vapeurs de kérosène lors d'une purge, tuant un technicien au passage. 1971 ira un peu mieux, jusqu'en septembre, où un C-5 au roulage perd un moteur : le moteur déjà à pleine puissance se détache de l'aile avant de partir en l'air à près de 60 mètres de haut avant de retomber sur la piste devant l'avion. Aucun blessé, mais le C-5 va gagner son surnom de "FRED", pour "Fu… Ridiculous Economic Disaster".

La force du C-5 : le moteur TF-39


Il est vrai que le C-5 cumule les ennuis techniques de jeunesse, d'où un certains nombres de blagues qui ont circulées à son sujet : "Quel est l'altitude de croisière du C-5 ?" "La hauteur de l'aéroport + les chandelles !" ou "il y a trois C-5 sur une base, dont deux sont sur chandelles…que faut-il en conclure ?" "Que la base ne possède que deux jeux de chandelles !" etc… Mais le problème le plus sérieux et qui allait avoir de nombreuses conséquences par la suite était le fait que des fissures apparaissaient sur les ailes, avec des appareils qui étaient presque neufs...

Baptême du feu au Vietnam


Malgré tout ces problèmes, les premières escadres de C-5 sont déclarées opérationnelles en juin 1970. Dès le mois d'Août, le C-5 va connaître son baptême du feu au Vietnam, déplaçant quasiment tout ce que l'arsenal américain compte de matériel lourd sans restriction ! Un C-5 pouvait ainsi livrer trois hélicoptères lourds "Chinook" à Tan son hut, tout en chargeant trois hélicoptères endommagés pour les ramener au pays, le tout en étant resté au sol à peine une heure ! Plus pacifiquement, l'appareil fera une prestation très remarquée en 1971 au salon du Bourget.

Mais la carrière du C-5 ne faisait que débuter !

Pour vous donner une idée de la taille des roues...

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