En 1985, le projet "Hermès" d'une navette européenne est bien avancé...
Malgré l'enthousiasme général, les problèmes commencent à arriver : toutes les souffleries d'Europe ne permettant pas de simuler le profil de vol d'Hermes, notamment la rentrée hypersonique et la difficile transition du vol spatial hypersonique au vol atmosphérique supersonique…et les données de la navette américaine ne sont pas d'une grande aide, vu sa taille et sa forme très différente. Le CNES souhaite donc pour lever les inconnus réaliser une maquette inhabitée d'Hermès à l'échelle 1/4. Cette maquette, baptisée "Maia", équipée comme un vrai vaisseau spatial aurait du être lancée au sommet d'une Ariane 4 dès 1989 pour valider le profil de rentrée….coût de l'opération : 1 milliard de francs ! Un surcoût qui n'avait pas été prévu...
Le planning est arrêté en 1986 : début de l'assemblage d'Hermès 01 en 1991, puis Hermès 02 en 1992. Comme pour la navette, des essais de largage depuis l'Airbus porteur seraient nécessaire pour valider l'atterissage, ce qui était prévu sur la base d'Istres vers 1994 avec l'avion 02, le 01 étant envoyé à Kourou pour les tests de compatibilité lanceur. Hermès serait lancé sur la troisième Ariane 5 en avril 1995, avant d'être suivi 6 mois plus tard par l'avion 02. La cadence prévue était de deux vols par an, chaque appareil étant conçu pour survivre 30 vols.
Pendant ce temps, les tractations politiques continuent jusqu'en 1987, où l'ESA autorise le lancement d'un programme de recherche préliminaire, auquel participe l'Allemagne, et le programme s'engage sur une participation européenne. Hermès entre temps est partie dans un programme de redéfinition : l'Europe entend tirer les leçins de la catastrophe de Challenger survenue une année auparavant : Hermès va aquérir une capsule de sauvetage, capable de sauver l'équipage même pendant les premières minutes de vol, et ce jusqu'à Mach7 et 55km d'altitude, mais en contrepartie la navette est limitée à seulement 3 spationautes…et la charge utile se trouve réduite de 4,5 à 3 tonnes. Le premier vol est ainsi repoussé à 1997…et la facture commence à gonfler ! Hermès ne pourra plus ramener de satellite non plus avec cette nouvelle configuration.
Mai 1987 : le dossier programme est remis à l'ESA : la phase de développement doit commencer le 1 avril 1988 et se monte à 31 milliards de francs, soit plus de double de l'estimation initiale ! En juin 1987, la première maquette grandeur nature d'Hermès est dévoilée au public lors du salon du Bourget. Pour le public, c'est la première occasion de "voir" cette navette de près qui pourtant n'existe encore que sur le papier.
Novembre 1987 : c'est le conseil interministériel des 13 pays membres de l'ESA. Beaucoup de décisions sont prises lors de cette réunion, dont le lancement officiel de la production de trois programmes majeurs : Hermès, Colombus et Ariane 5, effectif le 1er janvier 1988, mais les travaux ne démarrent pas tant qu'au moins 80% du financement ne soit réuni, ce qui arrive début février. Le premier vol d'Hermès est alors repoussé à 1998...
Le design va subir encore une fois des modifications : extensions de la base des ailes à l'avant du fuselage, donnant une forme triangulaire à l'appareil, ainsi qu'une extension des winglets. Mais la différence la plus remarquable est l'ajout d'un module de service à l'arrière de la navette permettant de diminuer la taille de la navette pour la rentrée dans l'atmosphère. Ce module de service emporte les moteurs et le collier amarrage, ce qui rend le système moins économique car du coup ils ne sont plus réutilisable.
En juin 1988 a lieu la revue de design préliminaire d'Hermès, et l'ESA doute de la viabilité du design proposé : en effet il y a beaucoup trop d'éléments "jetables" attaché au module de service, ce qui risque de tuer la rentabilité économique du projet, et la capsule éjetable pénalise fortement le devis de masse, réduisant d'autant la charge utile : il va finalement être décidé de remplacer la capsule par des sièges éjectables du même type que ceux de la navette russe "Bourane"...même dans ces années de Guerre Froide, la coopération spatiale était bien meilleure avec les soviétiques qu'avec les américains…
Mais la situation empire encore à la fin de l'année 1988 : le CNES annonce officiellement que la réalisation d'Hermès coutera "significativement" plus que prévu…l'enveloppe budgétaire prévue n'est plus suffisante, le dépassement envisagé serait de 20 à 25%. Des tractations entre les pays membres vont ainsi faire glisser le planning dans le temps, histoire d'étaler les dépenses. Une nouvelle version d'Ariane 5, baptisée Mk2 est mise en chantier…vu qu'Hermès ne cesse de grossir tous les mois : on arrive à un avion de 24,4 tonnes en 1989…contrairement aux 10 tonnes envisagées quelques années auparavant !
Malgré toutes les difficultés, des petites victoires se font jour : en juillet 1992, Aerospatiale livre le premier démonstrateur du nez d'Hermès, avec ses matériaux composites capables de résister à 1600°, une première en France ! Mais ces avancées sont de courtes durée : la fin du programme arrive…
C'est l'Allemagne qui jette le premier pavé dans la mare en octobre de cette même année : elle annonce que devant le dérapage budgétaire du programme, elle n'a plkus confiance et souhaite en sortir. La France se retrouve alors seule ou presque, sans avoir les moyens de fiancer le programme. On tente en urgence de revoir le programme à la baisse : une navette seulement au lieu de deux, qui effectuera uniquement des vols inhabités dans un premier temps et pas de vol habités avant 2001 au mieux…
Une autre piste est étudiée : une collaboration franco-russe pour relancer la navette "Bourane"…mais les deux pays veulent des choses différentes, et la coopération tourne court avant même de commencer…et c'est ainsi que l'Europe s'est fermée la porte aux vols habités. Malgré des promesses et un projet de démonstrateur de navette (sorte de mini-Hermès, baptisé X2000).
Une autre tentative de programme habité viendra avec le CTV ou Crew Transfer Vehicule, une capsule de type Apollo conçue comme véhicule de sauvetage et de transfert pour l'ISS, mais lui non plus ne verra jamais le jour…annulé avant même que des études sérieuses aient pu commencer, il sera sacrifié au profit de la dépendance américaine et russe pour l'accès à l'espace.
Que reste-t-il aujourd'hui de la navette européenne ? Les plus pessimistes diront rien, mais ce n'est pas aussi simple que cela. Il n'y a pas eu de navette, nous sommes d'accord, il reste cependant une maquette à l'échelle 1 qui traine quelque part dans les réserves du Bourget. C'est la maquette qui avait été présentée au salon du Bourget, qui fut oubliée pendant quelques temps dans la cour de l'ENSICA à Toulouse, où elle fut dégradée, exposée aux éléments, et la tempête de 1999 fera même tomber son nez ! Suite à cela elle sera rapatriée au Bourget, où elle se trouve toujours, en attente d'une très hypothétique restauration…
Au niveau technologique cependant, il existe des retombées, de nombreuses avancées technologiques devenues orphelines suite à l'arrêt du programme, notamment les céramiques réfractaires. Même si l'Europe ne construira pas de navette, il y aura quand même une retombée : l'ARD : Atmospheric Rentry Demonstrator : lancée par Ariane 5, cette mini-capsule permettra de valider certaines technologies développées pour Hermès et le véhicule de retour qui ne verra finalement pas le jour. Le vol sera un succès complet…mais sans lendemain
Mais un autre projet se fait jour : l'IXV ou "Intermediate eXperimental Vehicule", qui est un "lifting body" inhabité destiné à tester les techniques de rentrées dans l’atmosphère. La mise au point de ce véhicule à d'abord été faite par le CNES, puis le programme a été repris par l'ESA. La protection thermique de ce véhicule ainsi que son guidage son directement issus du programme Hermès, et du programme ARD. Son lancement est prévu à bord d'une fusée Vega à la fin de l'année 2014.
Peut-être qu'il finira par sortir quelque chose de concret de ce démonstrateur IXV…et peut-être que l'on pourra dire que l'héritage d'Hermès n'a pas été complètement perdu….je le souhaite en tout cas, mais il n'y a à l'heure actuelle aucune volonté politique d'aller plus loin, et avec des financements de plus en plus retreints, il est à craindre que le IXV reste comme l'ARD une expérimentation sans lendemain...
La forme d'Hermès se précise peu à peu |
Malgré l'enthousiasme général, les problèmes commencent à arriver : toutes les souffleries d'Europe ne permettant pas de simuler le profil de vol d'Hermes, notamment la rentrée hypersonique et la difficile transition du vol spatial hypersonique au vol atmosphérique supersonique…et les données de la navette américaine ne sont pas d'une grande aide, vu sa taille et sa forme très différente. Le CNES souhaite donc pour lever les inconnus réaliser une maquette inhabitée d'Hermès à l'échelle 1/4. Cette maquette, baptisée "Maia", équipée comme un vrai vaisseau spatial aurait du être lancée au sommet d'une Ariane 4 dès 1989 pour valider le profil de rentrée….coût de l'opération : 1 milliard de francs ! Un surcoût qui n'avait pas été prévu...
Le planning est arrêté en 1986 : début de l'assemblage d'Hermès 01 en 1991, puis Hermès 02 en 1992. Comme pour la navette, des essais de largage depuis l'Airbus porteur seraient nécessaire pour valider l'atterissage, ce qui était prévu sur la base d'Istres vers 1994 avec l'avion 02, le 01 étant envoyé à Kourou pour les tests de compatibilité lanceur. Hermès serait lancé sur la troisième Ariane 5 en avril 1995, avant d'être suivi 6 mois plus tard par l'avion 02. La cadence prévue était de deux vols par an, chaque appareil étant conçu pour survivre 30 vols.
Le premier vol est prévu pour 1995...puis 1997...pour un poids de 17 tonnes.... |
Pendant ce temps, les tractations politiques continuent jusqu'en 1987, où l'ESA autorise le lancement d'un programme de recherche préliminaire, auquel participe l'Allemagne, et le programme s'engage sur une participation européenne. Hermès entre temps est partie dans un programme de redéfinition : l'Europe entend tirer les leçins de la catastrophe de Challenger survenue une année auparavant : Hermès va aquérir une capsule de sauvetage, capable de sauver l'équipage même pendant les premières minutes de vol, et ce jusqu'à Mach7 et 55km d'altitude, mais en contrepartie la navette est limitée à seulement 3 spationautes…et la charge utile se trouve réduite de 4,5 à 3 tonnes. Le premier vol est ainsi repoussé à 1997…et la facture commence à gonfler ! Hermès ne pourra plus ramener de satellite non plus avec cette nouvelle configuration.
Mai 1987 : le dossier programme est remis à l'ESA : la phase de développement doit commencer le 1 avril 1988 et se monte à 31 milliards de francs, soit plus de double de l'estimation initiale ! En juin 1987, la première maquette grandeur nature d'Hermès est dévoilée au public lors du salon du Bourget. Pour le public, c'est la première occasion de "voir" cette navette de près qui pourtant n'existe encore que sur le papier.
La maquette fera forte impression au Bourget |
Novembre 1987 : c'est le conseil interministériel des 13 pays membres de l'ESA. Beaucoup de décisions sont prises lors de cette réunion, dont le lancement officiel de la production de trois programmes majeurs : Hermès, Colombus et Ariane 5, effectif le 1er janvier 1988, mais les travaux ne démarrent pas tant qu'au moins 80% du financement ne soit réuni, ce qui arrive début février. Le premier vol d'Hermès est alors repoussé à 1998...
Le design va subir encore une fois des modifications : extensions de la base des ailes à l'avant du fuselage, donnant une forme triangulaire à l'appareil, ainsi qu'une extension des winglets. Mais la différence la plus remarquable est l'ajout d'un module de service à l'arrière de la navette permettant de diminuer la taille de la navette pour la rentrée dans l'atmosphère. Ce module de service emporte les moteurs et le collier amarrage, ce qui rend le système moins économique car du coup ils ne sont plus réutilisable.
écorché d'Hermès et de son module de service |
En juin 1988 a lieu la revue de design préliminaire d'Hermès, et l'ESA doute de la viabilité du design proposé : en effet il y a beaucoup trop d'éléments "jetables" attaché au module de service, ce qui risque de tuer la rentabilité économique du projet, et la capsule éjetable pénalise fortement le devis de masse, réduisant d'autant la charge utile : il va finalement être décidé de remplacer la capsule par des sièges éjectables du même type que ceux de la navette russe "Bourane"...même dans ces années de Guerre Froide, la coopération spatiale était bien meilleure avec les soviétiques qu'avec les américains…
Mais la situation empire encore à la fin de l'année 1988 : le CNES annonce officiellement que la réalisation d'Hermès coutera "significativement" plus que prévu…l'enveloppe budgétaire prévue n'est plus suffisante, le dépassement envisagé serait de 20 à 25%. Des tractations entre les pays membres vont ainsi faire glisser le planning dans le temps, histoire d'étaler les dépenses. Une nouvelle version d'Ariane 5, baptisée Mk2 est mise en chantier…vu qu'Hermès ne cesse de grossir tous les mois : on arrive à un avion de 24,4 tonnes en 1989…contrairement aux 10 tonnes envisagées quelques années auparavant !
Plus de date de premier vol de prévu...et le poids est grimpé à 22 tonnes... |
Malgré toutes les difficultés, des petites victoires se font jour : en juillet 1992, Aerospatiale livre le premier démonstrateur du nez d'Hermès, avec ses matériaux composites capables de résister à 1600°, une première en France ! Mais ces avancées sont de courtes durée : la fin du programme arrive…
C'est l'Allemagne qui jette le premier pavé dans la mare en octobre de cette même année : elle annonce que devant le dérapage budgétaire du programme, elle n'a plkus confiance et souhaite en sortir. La France se retrouve alors seule ou presque, sans avoir les moyens de fiancer le programme. On tente en urgence de revoir le programme à la baisse : une navette seulement au lieu de deux, qui effectuera uniquement des vols inhabités dans un premier temps et pas de vol habités avant 2001 au mieux…
Une autre piste est étudiée : une collaboration franco-russe pour relancer la navette "Bourane"…mais les deux pays veulent des choses différentes, et la coopération tourne court avant même de commencer…et c'est ainsi que l'Europe s'est fermée la porte aux vols habités. Malgré des promesses et un projet de démonstrateur de navette (sorte de mini-Hermès, baptisé X2000).
Une autre tentative de programme habité viendra avec le CTV ou Crew Transfer Vehicule, une capsule de type Apollo conçue comme véhicule de sauvetage et de transfert pour l'ISS, mais lui non plus ne verra jamais le jour…annulé avant même que des études sérieuses aient pu commencer, il sera sacrifié au profit de la dépendance américaine et russe pour l'accès à l'espace.
L'hypothétique CTV qui ne verra jamais le jour non plus...on est déjà bien loin d'Hermès... |
Que reste-t-il aujourd'hui de la navette européenne ? Les plus pessimistes diront rien, mais ce n'est pas aussi simple que cela. Il n'y a pas eu de navette, nous sommes d'accord, il reste cependant une maquette à l'échelle 1 qui traine quelque part dans les réserves du Bourget. C'est la maquette qui avait été présentée au salon du Bourget, qui fut oubliée pendant quelques temps dans la cour de l'ENSICA à Toulouse, où elle fut dégradée, exposée aux éléments, et la tempête de 1999 fera même tomber son nez ! Suite à cela elle sera rapatriée au Bourget, où elle se trouve toujours, en attente d'une très hypothétique restauration…
Au niveau technologique cependant, il existe des retombées, de nombreuses avancées technologiques devenues orphelines suite à l'arrêt du programme, notamment les céramiques réfractaires. Même si l'Europe ne construira pas de navette, il y aura quand même une retombée : l'ARD : Atmospheric Rentry Demonstrator : lancée par Ariane 5, cette mini-capsule permettra de valider certaines technologies développées pour Hermès et le véhicule de retour qui ne verra finalement pas le jour. Le vol sera un succès complet…mais sans lendemain
l'ARD est assemblé sur Ariane 5 pour son unique vol. |
Mais un autre projet se fait jour : l'IXV ou "Intermediate eXperimental Vehicule", qui est un "lifting body" inhabité destiné à tester les techniques de rentrées dans l’atmosphère. La mise au point de ce véhicule à d'abord été faite par le CNES, puis le programme a été repris par l'ESA. La protection thermique de ce véhicule ainsi que son guidage son directement issus du programme Hermès, et du programme ARD. Son lancement est prévu à bord d'une fusée Vega à la fin de l'année 2014.
Peut-être qu'il finira par sortir quelque chose de concret de ce démonstrateur IXV…et peut-être que l'on pourra dire que l'héritage d'Hermès n'a pas été complètement perdu….je le souhaite en tout cas, mais il n'y a à l'heure actuelle aucune volonté politique d'aller plus loin, et avec des financements de plus en plus retreints, il est à craindre que le IXV reste comme l'ARD une expérimentation sans lendemain...
c'est très intéressant et bonne chance.
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