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lundi 24 juin 2013

Aux origines de Concorde (1/2)

Concorde est sans doute l'un des appareils les plus célèbres de toute l'aviation. J'ai déjà eu l'occasion de le constater à la boutique des Ailes Anciennes Toulouse : les gens "veulent voir le Concorde"…et certains sont même repartis sans visiter la collection une fois qu'on leur annonce que ce Concorde ne nous appartient pas et n'est pas visitable, estiment que la visite "ne vaut pas le coup si on ne peut pas visiter le Concorde"…

Fox Charlie, Concorde toulousain


Bref Concorde fascine…échec commercial monumental ou réussite technique admirable, les gens sont divisés, mais chacun à sa propre opinion. Il faut dire qu'il existe pas moins d'une trentaine de livres dans le commerce qui ne traitent que du supersonique…

Parler du Concorde sur Hist'Aero relève donc du défi : que dire qui n'a pas déjà été dit mille fois ? Peut-être en repartant aux origines du programme, sujet vaste, mais qui nous éclaire beaucoup pour comprendre qui a voulu cet avion et pourquoi. Retour il y a soixante ans pour mieux comprendre. 


Le concept d'un avion de transport supersonique commence à voir le jour dès le milieu des années 50. A cette époque, il s'agit encore d'un projet utopique, mais les nombreuses retombées des avions de combat supersoniques vont permettre d'envisager la mise au point d'un tel appareil. En Europe, les anglais et les français commencent à réfléchir à quoi pourrait ressembler un tel appareil.

Sud-Aviation se penche sur la "Super-Caravelle"


Le 5 novembre 1956, les anglais forment un comité chargé d'étudier le projet : le STAC (Supersonic Transport Aircraft Committee), qui va faire deux propositions : un capable de voler à Mach 1,2 en moyen courrier et un autre à Mach 2, à grand rayon d'action.

En 1961, au salon du Bourget, Bristol et Sud-Aviation vont présenter chacun un projet d'avion supersonique…très similaires, les deux projets visent sensiblement le même marché. Des discussions vont commencer entre les deux sociétés lors du salon. D'un côté les britanniques envisagent le Bristol 223 alors que Sud se consacre à la "Super-Caravelle"

Comparaison entre la Caravelle et  le BAC 223...une ressemblance frappante


Les discussions n'échappent pas au pouvoir en place, et le général de Gaulle, soucieux d'économies et de coopération demande qu'une collaboration puisse s'effectuer entre la France et la Grande Bretagne pour construire cet appareil. Un projet commun est d'ailleurs rédigé, pour un appareil de transport de 100 personnes volant à Mach 2,2. Nous sommes alors en octobre 1962. Les deux gouvernements acceptent ce projet, et lancent donc un projet commun, appelé Concorde, synonyme d'entente entre ces deux pays qui se sont tant opposés.

29 novembre 1962 : c'est le traité de naissance du Concorde : Geoffroy de Courcel (ambassadeur de France) et Julian Amery (Minister of Aviation) signe un traité de collaboration pour la construction d'un avion de transport de passager supersonique. Le traité stipule que "les deux pays doivent veiller à répartir équitablement les coûts et les profits de la vente de ces appareils". Cet arrangement à 50/50 entre deux pays chacun capable de réaliser tout l'appareil ne sera pas sans soucis…quand au profit, il n'y en aura malheureusement aucun...

29 novembre 1962 : signature de l'acte de naissance du Concorde


Quatre sociétés se voient attribuer le marché : deux  pour la structure (Sud-aviation et la British Aircraft Corporation, ou BAC) et deux pour les moteurs (SNECMA et Bristol Siddeley)

Au cours de l'année 1963, les études démarrent…structure, moteurs, commandes de vol : tout est passé au peigne fin. Les différences de travail entre français et britanniques ne sont pas sans poser problème entre les ingénieurs. Pourtant le plus grand débat porte sur…le nom de l'appareil ! S'appelle-t-il "Concorde" ou "Concord" ?

Dès 1963, le nom "Concorde" est évoqué par les responsables de BAC. Sud-aviation n'y voit aucun inconvénient, mais attend une approbation du pouvoir. Le général de Gaulle sera le premier à parler de "l'avion de transport supersonique Concorde"…par contre le gouvernement britannique ne l'entendait pas de cette oreille, et va décider d'appeler l'appareil le "Concord". Le sujet restera une pomme de discorde sur le projet, jusqu'en 1967...

Hall d'assemblage final Concorde à BAC Filton


Après plusieurs hésitations, il est décidé de ne pas fonder une compagnie unique pour fabriquer l'appareil, mais bien de prendre des équipes des deux côtés en les faisant travailler de concert. Des ingénieurs toulousains vont ainsi partir à Filton chez BAC, pendant que d'autres vont faire le trajet inverse, partant de Filton vers Toulouse.

Il est décidé, principalement pour des raisons politiques, que non pas une mais deux chaînes d'assemblage finale seront construites : une à Filton et une autre à Toulouse. En revanche, les sous-ensemble sont conçus et assemblés sur un unique site : il n'y a donc pas de doublons pour la fabrication…mais tout est doublé au niveau de la chaine d'assemblage finale (ce qui coûte très cher…) 

La répartition au niveau de la cellule sera finalement 60/40 : 60% de la cellule pour Sud-Aviation et 40% pour BAC, alors que niveau moteurs, c'est le ratio inverse : SNECMA gagne 40% du développement et Rolls Royce 60%.

Le schéma industriel pour Concorde...et ses deux chaines d'assemblage finales

Comme la mise au point d'un tel appareil ne va pas de soi et que l'informatique à encore besoin de maturité avant de gérer un projet complet, il faut faire des essais pour valider la configuration aérodynamique de Concorde. Plusieurs démonstrateurs vont devoir être mis au point : on peut ainsi identifier au moins trois appareils qui ont été mis au point spécialement pour tester les choix techniques du concorde : le BAC 221, le HP 115 et le Bristol 188

Le BAC 221 reprend une voilure delta en ogive, identique (à l'échelle près) à celle de Concorde ainsi qu'un nez basculant. Il sera utilisé pour valider les caractéristiques de vol en croisière et à l'atterrissage. Avion made in UK, il sera cependant testé à Bordeaux pour cause de mauvaise météo en Angleterre.

nez basculant et aile ogivale : le BAC type 221


Le HP 115 est un appareil surprenant : un cockpit proéminent avec une voilure toute fine : c'est un appareil anglais…moche donc…Son but était de tester le comportement de la voilure delta à l'approche et au décollage à faible vitesse.

le HP 115 : approche à basse vitesses


Le plus cher et le plus complexe : le Bristol 188, aussi surnommé le "crayon volant", un fuselage flanqué de deux ailes accueillant deux énormes moteurs Rolls Royce "Gyron". Le but de cet appareil était de mesurer les conséquences de l'échauffement prolongé d'un fuselage à Mach 2…il ne sera pas très utilisé : sa structure étant principalement réalisée en acier inoxydable, il était très lourd…Concorde bénéficiera d'un fuselage en aluminium, plus conventionnel et surtout plus léger.

Le "crayon" de Bristol : le type 188


Côté français, Sud-Aviation ne va pas construire de prototype dédié, mais va réutiliser les résultats d'essais de plusieurs prototypes comme le "Griffon" (N1500), le "Trident" (SO-9000) ou encore le "Durandal" (SE-212). Tous les résultats d'essais en vol de ces appareils fournira de précieux renseignements sur ce qu'il était possible de faire pour Concorde.

Concorde prend forme : pose des harnais de câblage.
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