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lundi 22 avril 2013

Voyage au cœur de l'EASA

Le 8 avril dernier, avait lieu une conférence fort intéressante au "siège" des gadzarts à Paris : l'hotel Iéna. Patrick Goudou, actuel patron de l'EASA nous racontait l'histoire de cette agence qu'il a monté à partir de presque rien il y a 10 ans, l'occasion de plonger au cœur de l'agence européenne de la sécurité aérienne, l'AESA (ou EASA en anglais).

Logo officiel de l'EASA




L'Union Européenne possède aujourd'hui environ une trentaine d'agences indépendante. Parmi elles, se trouve une agence dédiée à la sécurité aérienne : l'EASA. Le nom ne vous dit peut être rien, mais il s'agit de l'agence européenne pour la sécurité aérienne. C'est elle qui harmonise les différents règlements européens et qui délivre les certificats de navigabilité. C'est une agence assez jeune, qui vient de fêter ses dix ans.

Son directeur est un français, le même qu'à sa création : il s'agit de Patrick Goudou. Diplômé de l'école Polytechnique puis de Supaero, il rejoint la Direction générale de l'Armement à l'issue de ses études. Après 28 ans de carrière au sein de la DGA, il postule sur recommandation d'un collègue pour un poste à Bruxelles comme directeur de la toute jeune agence aéronautique qui vient de voir le jour.

Patrick Goudou, le directeur de l'EASA.


L'EASA est crée le 15 juillet 2002, par la commission européenne. Son noyau nur se compose de 28 membres, un représentant par pays membre et un représentant de la commission…mais pour lancer cette agence, il lui faut un directeur. Les premiers choix sont refusés par le comité début 2003. En deuxième choix, la France présente Patrick Goudou, dont la candidature est acceptée.

Il arrive a Bruxelles le 1er septembre 2003 dans un bureau du bâtiment du parlement. Pensant retrouver ses habitudes de haut cadre de la DGA, il s'attend à trouver PC portable avec adresse mail, téléphone mobile et tout ce qu'il faut pour travailler. Manque de chance, c'est l'Europe…et c'est là que commence le gag : il trouve une secrétaire, dont la seule richesse matérielle est un pot de crayon et quelques feuilles…"empruntées" dans l'imprimante du service d'en face. Il trouve également un vieux PC jauni par le temps laissé par la direction des transports…dont il ne sait que faire.

Patrick Goudou découvre alors qu'il est le seul employé technique d'une agence fantôme qui n'a presque aucun moyen. Il commence donc à se battre pour engager du personnel et trouver des moyens.

 Un grand chantier : la certification de l'A380

Il va devoir faire vite : la fin des agences nationales est programmée le 27 septembre à 23h59'59", ce qui signifie que à partir de minuit le 28 septembre, il est responsable de la certification de tous les appareils européens sans aucune exception ! Il ne peut déléguer de signature que à un autre membre de l'agence…mais vu qu'il est tout seul, ça lui fait une belle jambe. La DGAC ne peut désormais plus certifier d'appareil…tout repose désormais sur l'EASA.

Autre tracasserie : la cour des comptes européennes lui envoie un avertissement : il ne respecte pas…la parité homme-femme ! Mince son agence de 1 personne est composée de 100% d'hommes…bref : l'UE et ses petites tracasseries…toute une histoire !

C'est ainsi que Patrick Goudou possède le même pouvoir que les 900 agants de la FAA réunis, sur l'ensemble des 27 membres de l'Europe, plus la Suisse, l'Islande, la Norvège…et le Lichtenstein ! On peut s'interroger sur l'importance de l'aviation au Lichtenstein…mais bon, c'est comme ça !
C'est un avantage pour Airbus par exemple qui jusque là devait parlementer avec au minimum quatre agences différentes pour obtenir ses certificats, alors que maintenant il n'aura plus qu'un interlocuteur unique, lui facilitant bien la tâche !

Patric Goudou va quand même réussir à recruter du monde…4 directeurs en 3 mois ! Heureusement il reçoit un coup de main de la part de la DGAC française pour traiter les certifications pendant ce temps là. Cependant la DGAC ne peut plus certifier d'appareil.

La tour de l'EASA à Cologne


La toute jeune agence déménage ensuite à Cologne, au sein d'un bâtiment…encore en construction. L'agence déménage le 1er novembre 2004, et compte alors 60 collaborateurs, soit deux étages de la nouvelle tour en construction. Les choses étant bien faites, la tour se construit à peu près au même rythme que l'arrivée des nouveaux employés…

Aujourd'hui l'agence occupe 23 étages aujourd'hui, pour presque 600 personnes (contre 900 à la FAA américaine). l'EASA est aujourd'hui présente dans 5 pays : son siège à Cologne, mais aussi Bruxelles (quelques personnes pour la liaison avec le parlement et le conseil), Montréal (1 personne + 1 membre détaché auprès de l'OACI), Pékin (1 représentant) et Washington DC (1 représentant aussi !)

Alors maintenant, question : que fait l'EASA aujourd'hui ? Hé bien, elle est centrée principalement au tour de trois activités : la certification, les règlements et la standardisation, ainsi qu'une autre activité annexe, mais qui va être amenée à s'étendre : le SMS ou Safety Management System

Certification et navigabilité : l'EASA est responsable de la délivrance de tous les "type certificate" ou "supplemental type certificate" (certificat de modification d'un avion existant) qui sont délivrés à tous les modèles d'appareils en Europe. L'agence certifie également les appareils étrangers suivant les accords bilatéraux. Pour réaliser ce travail, l'agence dispose d'une direction de la certification, qui regroupe environ 200 personnes. De même, l'agence approuve les organisations chargées du design, de la construction et de la maintenance des aéronefs.  En revanche, les immatriculations d'appareils individuels sont toujours laissées aux DGAC locales pour le moment, même si les règles de navigabilité sont définies par l'EASA. Pour le moment, la délivrance des certificats de navigabilité peut-être soit nationale soit faite par l'agence.

Comme certification récente, on peut citer le cas de l'A380, dont la certification a commencée avant l'arrivée de l'EASA, mais dont Patrick Goudou à signé le "Type Certificate" à Toulouse en 2007. Par les accords Bilatéreaux, l'EASA a également signé la certification du Sukhoi SuperJet, ou encore du Boeing 787. Cette activité est la "raison d'être" de l'EASA.

Le "périmètre" de l'agence est défini dans ses statuts, modifiables par la commission. C'est ainsi que en 2002 à sa création, l'agence ne devait gérer que la navigabilité. En 2008, on lui a rajouté les opérations et les licences, et en 2009 tout ce qui est contrôle aérien et sureté des aérodromes.

L'organigramme de l'agence


Seconde activité : la législation. Une des particularité de l'EASA est d'avoir un "droit d'initiative législative", c'est-à-dire de pouvoir proposer des lois qui doivent ensuite être approuvée par le parlement. Le principe est plus compliqué qu'il n'y parait. L'EASA peut rédiger des textes, en concertation avec les utilisateurs. Il faut ensuite que le texte passe en "comitology", c'est-à-dire être discuté par la commission européenne, qui demande son avis à la planète entière deux ou trois fois pour "améliorer" le texte. Chacun peut y mettre son petit grand de sel pendant cette phase.

Ensuite, le texte passe au parlement européen, qui décide ou non de son adoption (mais qui ne peut pas le retoucher). Si le texte est adopté, il est alors publié. Coïncidence, il est souvent bien différent du texte proposé à l'origine par l'EASA. Cette manière de faire est commune à toutes les règlementations européennes.

On peut ajouter que la "liste de sécurité", la fameuse "liste noire" est proposée par l'EASA…mais adoptée par la commission, qui peut ajouter ou retrancher des noms à sa guise. L'EASA n'a donc pas la main sur cette liste, même si c'est elle qui la signe

Troisième activité : la standardisation. Une fois les règlements adoptés par les pays membres, charge à l'EASA de vérifier que ses directives sont bien appliqués, chose qui n'est jamais bien aisée ! Sans oublier que certains pays (la France par exemple) rajoutent une surcouche règlementaire par-dessus les règlements européens, rendant l'ensemble encore plus indéchiffrable que l'original.

Et l'avenir alors ? Patrick Goudou devrait quitter l'EASA d'ici quelques mois. Il laisse une agence qu'il a lui-même construit, qui sera encore amenée à évoluer. Citons le cas de l'harmonisation au niveau des espaces aériens militaires, encore nationale. Il y a aussi le cas de la future "académie de l'EASA" qui est très demandée par les autorités nationales et l'industrie, pour mieux former au règlements européens. C'est en cours de mise en place, mais la forme finale de cette académie reste encore à définir…

Voilà, j'espère avoir pu, en vous résumant cette conférence vous présenter un peu cette mystérieuse agence qui fait pourtant tant parler d'elle.

Bien que conçu pour le transport militaire, l'A400M est aussi certifié par l'EASA

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