Pages

jeudi 6 décembre 2012

V comme "Victor"

J'ai eu l'occasion de rencontrer pour la première fois un "Victor" lors de ma visite à Bruntingthorpe. Je vous propose donc ici de découvrir un peu plus en détail ce bombardier exceptionnel.

En 1947, le gouvernement britannique émet la spécification B.35/46 pour un bombardier lourd à long rayon d'action capable de porter une bombe nucléaire. Suite à plusieurs péripéties, ce n'est pas un mais trois bombardiers qui seront conçues, connus sous le nom de série des "V". Ils s'agit des "Valiant", "Victor" et "Vulcan".

Un design "à la british" très soigné

Hanley Page, concepteur du "Halifax" répondra à cette demande avec le projet HP80 WB771. Il s'agissait d'un appareil révolutionnaire pour l'époque, motorisé par quatres moteurs "Saphire" implantés dans les ailes en flèche, avec une grande surface alaire (ailes "en croissant") et une queue en "T" encore nouvelle à l'époque.

La RAF avait demandé à ce que les appareils soient opérationnekls en 1951, ce qui était totalement surréaliste. Il faudra attendre 1952 pour que le premier prototype de ce qui allait devenir le "Victor" soit prêt à prendre l'air. Son premier vol eut lieu le jour de noël 1952.

Un aspect un peu sinistre lorsque l'on regarde l'avant de l'appareil
Comparé aux autres bombardiers de la série "V", le "Victor avait une soute à bombe plus large et un cockpit plus spacieux (encore que, pour être monté dedans, c'est tout relatif !). En revanche, l'imposant radar de bombardement situé dans le nez imposait un plancher très haut, qui mettait les deux pilotes et les trois autres membres d'équipage "contre le plafond".

Spécificité britannique : seuls les deux pilotes possédait un siège éjectable, les trois autres membres d'équipage étant assis sur des sièges simples, et prier de se débrouiller en cas de problème. J'ai toujours pensé qu'il fallait être britannique pour accepter un système pareil !

Vue avant du cockpit du "Victor"
Le programme d'essais en vol se déroula sans trop de soucis, avec toutefois un crash mortel, suite à la perte de la dérive. Des erreurs de calcul avait sous-estimé la force que subissait les trois boulons maintenant la queue au fuselage. Après des modifications, le "Victor" modèle "B1" pouvait être produit en série. Les premiers appareils furent assemblés en 1956, après une commande de 33 appareils passé par la RAF.

Vue de la table de travail du radariste à l'arrière
Le "Victor" fut déclaré opérationnel en 1958 au sein du Bomber Command de la RAF. Cela fait tout de même 6 années de retard sur un programme estimé de 5 ans, ce qui montre bien combien la RAF avait sous-estimé l'ampleur de la tâche à accomplir. Robuste et bien pensé dès le début, le "Victor" allait avoir une longue carrière. Une seconde version, le "B2" fut cependant mise en service au sein de la RAF, qui n'apportait que peu de modifications, si ce n'est le changement de motorisation, les "Saphire" étant remplacés par des "Conways" de chez Rolls royce, qui fournissait presque le double de la poussée pour une consommation similaire. Le premier "B2" prit l'air en 1959, le dernier B2 étant livré en 1963.

La production du "Victor" fut brutalement stoppée en 1963, et ce pour plusieurs raisons. De fortes pressions de la part du gouvernement anglais forcent les sociétés aéronautiques à fusionner entre-elles, et Hanley Page entre en discussion avec Hawker-Siddeley en vue d'une joint-venture. Malgré des discussions fructueuses, les dernières commandes sont annulés pour le "Victor".

Le Victor et ses concurrents : le "Valiant" et "Vulcan"


Au sein de la "V Force", c'est l'Avro "Vulcan" qui va prendre de plus en plus d'importance. Le "Victor" B2 continue son rôle, mais les B1 sont progressivement transformés en avion ravitailleur, par montage de trois points composés d'un câble rétractable et d'un panier. Cette conversion se fit un peu dans l'urgence, suite à l'interdiction de vol d'un autre bombardier "V", le "Valiant" sur lequel de nombreuses crique de fatigue avaient été découverte suite à son utilisation comme avion de pénétration à basse altitude. Une version de reconnaissance sera également mise au point un peu plus tard.

Pourtant, il apparu clairement un peu plus tard que l'annulation de la production du "victor" était une erreur : la RAF manquait à la fois de bombardiers et surtout de ravitailleurs. Il fallait trouver une solution, et Hanley Page proposa une ultime version du "Victor" en 1967, qui fut approuvée par la RAF, puis mise en attente jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Hanly Page fit faillite en 1970 et fut placé en liquidation judiciaire. La conversion des derniers "Victor" fut attribuée à Hawker Siddeley, aux anciennes équipes d'Avro, éternel rival de Hanley Page. Ces équipes qui ne connaissaient  pas le "Victor" eurent du mal à effectuer toutes les modifications demandées.

Le "nose art"
Le "Victor" servira avec distinction à deux reprises : d'abord aux Malouines en 1982, où il sera utilisé de manière intensive en tant qu'avion ravitailleur pour permettre aux Vulcan d'aller bombarder les îles. Il fallait pas moins de 12 Victors pour permettre à un seul Vulcan d'atteindre ses objectifs. A la fin du conflit, la force restante des "Victor" avait servi à un rythme 30 fois plus intensif qu'en temps de paix, et les cellules avaient beaucoup soufferts de cette utilisation intensive, et leur durée de vie sera réduite d'autant.

Le "Victor" sera de nouveau appelé une dernière fois à participer à une opération majeure, durant la première Guerre du golfe en 1991, toujours en temps qu'avion ravitailleur. Les "Victor" établiront un record à cet occasion : chargé d'accomplir 299 missions, les équipages en accompliront 299, soit 100% de disponibilité ! Rappelons que dans le même temps, les hélicoptères "Apache" de l'US Army auront une disponibilité de…35% ! Remplacés par des VC-10, le dernier vol opérationnel d'un "Victor" aura lieu en 1993

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire