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jeudi 18 septembre 2014

L'Avro "Vulcan"

L'Avro "Vulcan" sera le second bombardier V à entrer en service. Comme le Valiant ou le Victor, il se basait sur l'Operational Requirement OR.229 pour un bombardier moyen capable d'emporter une bombe de 4,5 tonnes à 2800km de sa base. Avro va mettre au point un grand bombardier sous la forme d'une aile volante avec un gouvernail vertical.

L'Avro "Vulcan"


Avro décide donc en 1947 de répondre à la fiche-programme de la RAF, et une équipe se forme autour de Roy Chadwick, directeur technique, l'avion prenant le nom d'Avro 698. L'équipe de Chadwick se rend compte qu'aucun appareil conventionnel ne pourra répondre aux exigences de l'état major, son équipa va donc aller puiser dans les cartons de concepts récupérés dans les archives allemandes à la fin de la Guerre. Ils vont rapidement découvrir les avantages de l'aile en flèche, mais aussi les mérites de l'aile delta. Avro fait ses propres études en soufflerie pour confirmer les découvertes allemandes. En poussant le concept de l'aile delta au maximum, ce qui demande de supprimer le plan fixe horizontal arrière et le fuselage qui va avec, et de faire une grande aile volante avec un gouvernail vertical. Avec cette configuration, l'équipe de Chadwick à une chance de respecter les exigences de la RAF.

Le "Vulcan" B1 avec ses ailes droites


Le nouvel appareil prend progressivement forme : 4 moteurs doivent être intégrés à la base des ailes, et deux soutes à bombes sont prévues pour être placées à l'extérieur des ailes. Malheureusement, en août 1947, Roy Chadwick est tué dans le crash du prototype de l'Avro "Tudor", et c'est William Farren qui doit reprendre le projet. Il apparait rapidement que le projet n'est pas viable : l'appareil est trop épais, il faut amincir les ailes pour pouvoir garder un aérodynamisme sain sur l'appareil. Le concept des deux soutes à bombe doit-être abandonné, remplacé par une unique grande soute à bombe située au centre du fuselage, les moteurs devant être placés de part et d'autres. Des essais en soufflerie au Royal Aircraft Establishment de Farnborough vont permettre d'affiner encore un peu plus le design de l'appareil.

La grande soute à bombe sera finalement installée en position centrale


C'est en janvier 1948 que la RAF ordonne la construction de deux prototypes de l'Avro 698. Mais avant, comme la société ne possède aucune expérience en matière d'aile delta, il lui faut dérisquer le programme au maximum : pour cela, il est décidé de construire une "version miniature" de l'Avro 698 : ce sera l'Avro 707 (échelle 1/3) et l'Avro 710 (échelle 1/2), des ailes volante à ailes delta qui vont pouvoir tester les commandes de vol prévues pour le futur Avro 698, de manière à défricher les problèmes techniques au maximum avant même le début d'assemblage du 698. In fine, l'Avro 710 sera annulé au vu de son coût et du temps nécessaire à sa réalisation, seul le 707 sera construit. Une version à haute vitesse dénommé 707A sera condtruite un peu plus tard. Le premier appareil, VX790, vole en septembre 1949. On notera cependant que les Avro 707 voleront un peu tard pour permettre la mise au point du 698 : les ingénieurs d'Avro sont pressés, et ne peuvent pas attendre le dépouillement de tous les résultats d'essais en vol du 707 pour mettre au point le 698.

Station Reference Diagram du Vulcan


Malgré la forme inhabituelle de l'appareil, sa construction est classique, avec un "fuselage" constitué de la partie centrale organisée autour de l'immense soute à bombe et des quatre moteurs, sur lequl viennent se greffer les deux ailes. Le tout est réalisé en aluminium tout ce qu'il y a de plus classique. Nouveauté : la gestion du centre de gravité est gérée automatiquement au niveau du carburant par des valves minutées qui permettent de mesurer la quantité de carburant déjà écoulée. Au niveau de l'avionique, le système de bombardement se compose d'un radar H2S Mk9, associé au Computer Mk1. Au niveau de la navigation, l'appareil sera équipé pour utiliser les balises ILS et TACAN existantes dans les pays de l'OTAN, les B2 seront également équipas pour utiliser le LORAN. Les B2 seront également équipés d'une centrale inertielle basé sur les gyroscopes des missiles "Blue Steel". La précision de l'ensemble avait tendance à beaucoup dériver au cours du temps, mais c'était mieux que rien ! Cette centrale inertielle permettait au bombardier de contrôler l'avion dans la phase finale du "Bomb run" via le pilote automatique avec une précision de près de 0,1° ! A partir de 1966, un radar de suivi de terrain fabriqué par General Dynamics sera rajouté.

Disposition générale du cockpit


L'équipage est assis dans un cockpit pressurisé à l'avant, et se compose de conq hommes : un pilote et un copilote, un radariste, un bombardier et un AEO, officier de guerre electronique. Les deux pilotes sont assis sur des sièges éjectables Martin-Baker à l'avant et les trois autres membres d'équipage sont assis sur des sièges fixes à l'arrière, un niveau en dessous. Un sixième siège rudimentaire était prévu pour un observateur si besoin. Une station était aménagée sous l'appareil, avec un viseur de bombardement, ou une caméra pour mesurer la précision des bombardements après la mission.

Le prototype fait son premier vol le 30 Août 1952, avec Roly Flak tout seul aux commandes. L'appareil est déjà peint tout en blanc, et immatriculé VX770, et est propulsé par des moteurs "Avon". Le problème suivant sera de nommer l'appareil : Avro propose "Ottawa" en lien avec sa filiale au Canada, alors que d'autres en interne proposent "Albion"…mais c'est finalement l'état major de la RAF qui va trancher : l'appareil s'appelera le "Vulcan". Le deuxième prototype, plus proche des exemplaires de série, vole en septembre 1953. A la demande du pilote d'essai, le volant de direction est remplacé par un manche de chasseur, donnant ainsi une particularité unique au Vulcan. Ce deuxième appareil est équipé de Rolls Royce "Olympus 101"

Planche avant du "Vulcan" avec son manche de chasseur


Le RAE va ensuite découvrir plusieurs caractéristiques de vol alarmantes : buffeting à haute altitude et haute vitesse, risque d'entrer dans un piqué à haute vitesse lors de certaines manœuvres : Avro va devoir reprendre sa copie, et plus particulièrement le design des ailes. Les nouvelles ailes aurnt un bord moins franc, et des générateurs de vortex sur les ailes pour corriger tout cela. Entre temps, le premier Vulcan de série à déjà pris l'air en février 1955, mais avec l'aile d'origine. Au niveau des commandes, les pilotes d'essais demanderont à ce que le volant d'origine soit remplacé par un manche de chasseur : le Vulcan sera le seul bombardier "V" avec un pilotage de chasseur. Les commandes sont de type hydraulique et irréversibles, avec un retour d'effort artificiel. On notera que les pompes hydrauliques étant électriques, la perte d'alimentation électrique rendait l'appareil incontrôlable. Pour éviter ce cas de figure, Avro placera des batteries de secours devant assurer 20 minutes de vol en panne éléctrique, mais en réalité, l'autonomie était beaucoup plus faible et deux Vulcan s'écraseront à la suite de cela. Des atténuations sont nécessaires en roulis et lacet pour le vol à haute vitesse. Les commandes de vol se composaient de 4 ailerons et 4 elevator, remplavés par 8 elevons sur le B2, sans oublier des aérofreins sur les ailes.

La grande voilure caractéristique du "Vulcan"


Le prototype du Vulcan sera présenté au salon de Farnborough pour la première fois en 1955, où sa manœuvrabilité sera démontré au cours de démonstrations "musclés".  Grâce à sa large voilure, le Vulcan affiche une manœuvrabilité incomparable. Second bombardier "V" à rentrer en service, les prototypes sont couleurs métal, alors que les appareils opérationnels seront peints en livrée anti-radiation blanche. Après une courte période en OCU, c'est-à-dire les unités pour la formation à partir de juillet 1956, le Vulcan entre en service opérationnel au sein du Squadron 83, basé à Waddington le 11 juillet 1957. Les premiers appareils sont des Vulcan B Mk1 propulsés par des "Olympus 101".

Le "Blue Steel" donnera de l'allonge au Vulcan

Fin 1957, le premier batch de 25 appareils est opérationnel, et le Vulcan est en service au sein de 3 escadrilles dès 1958. Les appareils assurent l'alerte nucléaire permanente au Royaume-Uni. En plus de ces tâches, certaines unités vont même participer à des exercices grandeurs natures aux côtés des B-47 et B-52 américains à Barksdale AFB pour les compétitions annuelles de bombardement du SAC. Le dernier B Mk1 est pris en compte en mars 959 avec le 45ème exemplaire. Dans le cade des exercices "Skyshield", les Vulcan vont également simuler les bombardiers stratégiques soviétiques, avec pour mission d'aller bombarder New-York, Washington et Chicago. Les résultats de ces essais, classifiés pendant des décennies, ont montré que le Vulcan pouvait pénétrer l'espace aérien américain sans être détecté, malgré son "obsolescence" !

Malgré ces succès, les britanniques se rendent compte que la protection de leurs bombardiers est trop faible, notamment en ce qui concerne les moyens de guerre électronique. Tous les vulcan Mk1 seront transformés en Mk1A avec l'ajout d'un détecteur d'alerte radar (Red Steer) et d'un système de brouillage (Blue Diver), ainsi qu'un lance leurre. Parallèlement, l'ajonction de la perche de ravitaillement sur le Vulcan va lui permettre d'augmenter son autonomie…mais selon un des pilote, le ravitaillement en vol sur Vulcan était "si dangereux qu'il a rapidement fallut apprendre à s'en passer" ! Le système ne sera plus tellement utilisé à partir des années 60, et sera même partiellement démonté.

Le "Vulcan" et sa panoplie de guerrelec


A la fin des années 50, le Vulcan, comme le Victor avant lui, sera modernisé pour améliorer ses capacités : ce sera la naissance du Mk2. Le premier appareil de ce type fait son premier vol le 31 Août 1957. Il se caractérisait par une voilure plus grande, des moteurs Olympus 200 plus puissants. Le Mk2 était également caractérisé par un cône de queue allongé contenant les équipements de contre-mesures électroniques. Le premier appareil de série fera son premier vol le 26 mars 1958 avant d'entrer en service le 1er juillet 1960. Avro pourra ainsi produire 88 nouveaux appareils pour la RAF, le dernier étant livré en janvier 1965, ce qui portait la production totale du Vulcan à 135 exemplaires, dont deux prototypes. 44 de ces nouveaux appareils seront même remotorisés par des Olympus 301 atteignant 9 tonnes de poussée. La décision de reconstruire les appareils B1 au standard B2 sera abandonnée  au vu du cout associé. Néanmoins 28 B1 seront modernisés au standard B1A, avec des moteurs plus puissants que les B1 d'origine. La RAF réceptione son premier B2, le XH558 en juillet 1960, et le dernier sera livré en 1965.

L'apparition de nouveaux systèmes de défense sophistiqués au sein du Pacte de Varsovie vont également forcés à moderniser l'armement des bombardiers, ainsi que les méthodes de bombardement. C'est ainsi que dès 1963, les équipages de Vulcan vont devoir apprendre le vol à basse altitude en vue de passer sous la couverture radar du pacte de Varsovie. Pour permettre aux appareils de voler de nuit, un avertisseur radar sera monté dans le nez des Vulcan, alors même que tout le mécanisme de ravitaillement en vol sera démonté. Cependant, l'idée d'installer un radar de navigation qui faisait cruellement défaut sur l'appareil ne fut pas retenue. Les Vulcan perdirent également leur livrée anti-radiation blanche qui sera remplacée par un camouflage vert et gris, plus adapté aux vols à basse altitude.

Le camouflage sera progressivement introduit à toute la flotte


D'autres modifications auront lieu tout au long des années 60. Les bombes nucléaires "Blue Danube" qui devaient être larguées directement au dessus de l'objectif à moyenne altitude seront remplacés par la WE177 "Red Beard", une autre bombe nucléaire, plus légère et pouvant être larguée depuis une altitude plus importante. Peu de temps après, ce sera au tour de la bombe thermonucléaire "Yellow sun" d'entrer en service, puis du missile "Blue Steel", utilisable à distance de sécurité, qui permettait d'allonger encore l'allonge des Vulcan.

L'étape suivante aurait du être le missile Blue Steel II, mais celui-ci sera annulé, remplacé par le "Skybolt" américain de chez Douglas…qui sera également annulé. Dommage, beaucoup de Vulcan avaient déjà été modifiés pour accueillir le nouveau missile qui ne sera jamais mis en service. Au moins 28 B.2 avaient reçus des pylônes sous les ailes en prévision. Le "Blue Steel" restera donc en service plus longtemps, en attendant que les missiles "Polaris" de la royal Navy deviennent opérationnels. Les Vulcan adopteront un nouveau profil de vol, alternant vol à haute altitude et haute vitesse puis pénétration à basse altitude pour pénétrer les défenses soviétiques, avant de grimper pour lancer le "Blue steel". Le Vulcan n'étant d'ailleurs pas conçu pour opérer à basse altitude, il était limité à 350 nœuds au plancher, le tout avec un niveau de vibration très fatigant pour l'équipage. Le "Blue steel" était également compléme,té par la bombe nucléaire tactique commune WE177, larguée par parachute.

La WE177, bombe nucléaire commune anglaise


En janvier 1968, les derniers Vulcan B Mk1A seront envoyés à la ferraille, ne laissant que des B Mk2 en service,  qui sont continuellement modernisés : équipements de Guerre Electronique, radar de suivi de terrain, arme nucléaire commune WE177 etc... 

Mais en1969, c'est le retrait du "Blue Steel" qui va le dépouiller de sa mission nucléaire, ne lui laissant que la mission de bombardement classique. Les Vulcan sont ainsi reversés à des missions de bombardement classiques, et aussi à des missions de patrouille maritime et de ravitaillement en vol. Le Vulcan pouvait emporter jusqu'à 21 bombes de 1000 livres (454kg) en mode bombardement classique, capacité que la RAF démontrait mensuellement via des exercices de bombardement.

En novembre 1973, le Vulcan reçoit une nouvelle mission : la patrouille maritime : il va recevoir un nouveau radar, ainsi qu'un Loran et une nouvelle peinture anti-corrosion pour se protéger de l'air salin. Ces appareils seront mis en œuvre par le 27 Squadron à Scampton.

L'immense soute à bombe du "Vulcan"


En 1982, alors que la fin semble proche pour le "Vulcan", il va être appelé à la rescousse une dernière fois : la guerre des Malouines va demander à la Royal Navy de fournir l'appui aérien car il n'y a aucune base à portée pour la RAF…mais le chef de la RAF, sir Michael Beetham, propose à Margaret Thatcher une idée audacieuse : aller bombarder les Malouines depuis l'île d'ascension grâce à un Vulcan et une flotte de "Victor" de ravitaillement : c'est le départ des opérations "Black Buck". Tout au long de la campagne, le Vulcan effectuera trois missions de bombardement et deux missions de destruction de site radar grâce aux missiles anti-radar "Shrike". 5 Vulcans seront modifiés pour ces missions : centrale inertielle, système de ravitaillement en vol réinstallé, installation du "Shrike" etc…

Le système de ravitaillement en vol sera remis en service pour les Malouines


A la fin de la guerre des Malouines, les appareils ne vont pas pouvoir prendre leur retraite tout de suite : beaucoup de Victor ont terminé la campagne usé et fatigué, et en attendant l'arrivée des VC-10, six Vulcan sont convertis en citerne volante pour dépanner : ce sera la naissance du Vulcan "K2", mmais cette mission sera de courte durée : le 31 mars 1984, c'est le dernier vol d'un Vulcan pour la RAF. Après une production de 134 appareils, le dernier part à la retraite pour ferraillage. Ainsi se terminait la carrière de l'aile volante d'Avro.

L'heure du musée sonne pour le "Vulcan"


Pourtant ce n'était pas la toute fin : quelques années plus tard, un Vulcan sera sauvé des griffes des ferrailleurs, et sera remis en état de vol. Cet appareil est le XH558, et il vole encore aujourd'hui grâce aux efforts d'une association qui arrive à réunir le financement nécessaire pour faire voler un tel appareil, et c'est une vedette dans les meetings. Je pense d'ailleurs qu'il doit être le seul "jet" de cette taille à appartenir à une société privée qui soit encore en état de vol. Il fera sans doute son dernier vol en 2015, et lorsqu'il prendra sa retraite, la page des "V bombers" sera alors définitivement tournée.

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