Il y a parfois des échecs qui conduisent à de grands succès…c'est rare, mais ça peut arriver : c'est l'histoire du fameux "Jumbo Jet", le Boeing 747. Même si il arrive aujourd'hui à une période difficile, ses commandes devenant de plus en plus rare, le 747 n'en représente pas moins une des "success story" de l'aéronautique au XXème siècle.
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Une silhouette aujourd'hui bien connue |
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Dans les années 60, les rois du ciel s'appelaient Boeing 707, ou DC-8. C'étaient des avions formidables, mais bruyants et gourmands en carburant…une révolution allait se produire : le Boeing 747, plus silencieux, moins gourmands et qui allait inaugurer le transport de masse.
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La réponse de Boeing pour l'appel d'offre de l'USAF |
Boeing, au début des années 60, domine les cieux avec son Boeing 707, et se lance dans une compétition de l'US Air Force : le CX-HLS, une demande pour un avion de transport lourd et à long rayon d'action, capable de remplacer les vieux appareils comme le C-124 "Globemaster", où même de surclasser les tout récents comme le C-141 "Starlifter". Historiquement, Boeing fournissait les bombardiers et Douglas ou Lockheed-Martin fournissaient les avions de transport…mais Boeing était décidé à rafler la mise en remportant le contrat CX-HLS.
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Les deux projets du CX-HLS : version Boeing en haut...version C-5 Galaxy en bas |
En décembre 1965, le secrétaire d'état à la défense délivre la mauvaise nouvelle : Boeing n'est pas retenu, c'est Lockheed-Georgia qui est retenu. L'appareil dont on passe commande est le futur C-5 "Galaxy". C'est un coup dur pour les équipes de Boeing qui ont travaillé dur pour gagner ce projet, mais l'énergique Bill Allen veut que ce ne soit pas en vain : il garde l'équipe du CX-HLS, et demande à ce qu'ils travaillent à une version de transport de passagers, le tout sous l'appellation de "Model 747".
Ce nouvel appareil est un ovni : il n'existe aucun appareil à qui le comparer : transport de 400 passagers ou 100 tonnes de fret ! Cet appareil était rendu possible par l'apparition de réacteurs de grand diamètre double flux et fort taux de dilution (l'air ingéré à l'avant du moteur est séparé en deux flux : un flux "froid" qui contourne la chambre de combustion, et un flux "chaud" qui suit le cycle traditionnel.
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La bosse sur le dos reste la principale caractéristique |
Au niveau technique, Boeing ne pourra pas reprendre le concept des ailes hautes, exigé par l'US Air Force. A la place, ils vont mettre au point un appareil à ailes basses, présentant beaucoup de ressemblance avec le Boeing 707, mais beaucoup plus grand, avec un poste de pilotage en hauteur.
Le principal problème à résoudre était celui de la forme du fuselage : la meilleure forme est un fuselage circulaire, mais il fait perdre beaucoup de volume. Un fuselage bilobé fut envisagé, comme le Stratocruiser, ou une configuration novatrice avec les deux lobes placés côte à côte (comme joindre deux fuselages ensemble par le côté)…mais Boeing étant audacieux, mais pas fou, cette configuration fut jugée trop originale et rejetée (bizarrement, EADS proposera la même chose pour son A3XX, devenu aujourd'hui A380, et ce double lobe sera également rejeté…pour les mêmes raisons !
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Version avec porte cargo à l'avant...petit héritage de l'USAF |
Au final un fuselage classique fut retenu, la seule nouveauté résidant dans un double pont à l'avant, ce qui permettait de mettre plus de sièges à l'avant, et de placer le poste de pilotage en hauteur où les pilotes auraient une bonne visibilité. En revanche, la présence du radar météo dans le nez nous prive d'un grand salon panoramique à l'avant qui aurait été spectaculaire pour les décollages et atterrissages. Un grand salon était installé en arrière du poste de pilotage, espace pouvant faire lounge, bar…ou cabine avec la possibilité de rajouter une trentaine de sièges facilement.
Boeing pensait, à tord, que cet appareil serait utilisé principalement pour transporter du fret, et que quelques compagnies low-cost l'utiliseraient pour transporter des passagers, les "majors" transportant leur passagers à bord des nouveaux avions (Concorde, puis SST américain). Pour répondre à ce besoin, Les ingénieurs de Boeing installèrent une grande porte cargo basculante à l'avant.
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Roll-out du "City of Everett" |
Le projet Boeing Model 747 fut présenté au public pour la première fois le 13 avril 1966, annonçant également la première commande : 25 commandes fermes émanant d'une des plus prestigieuse compagnie de l'époque : la Pan-Am. Malgré d'autres options par Lufthansa et Japan Air lines, Boeing était encore en dessous du minimum de commandes pour le lancement de l'appareil…mais passa outre et lança quand même le programme, avec un prix de vente à 18,5 millions de dollars l'unité !
Décision audacieuse et qui aurait pu être lourde de conséquence si l'avion n'avait pas été à la hauteur ! D'autres avionneurs comme Douglas ou McDonnell exprimèrent de sérieux doute sur la capacité des aéroports à accueillir ce monstre, que presse et public avaient surnommés "Jumbo Jet".
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Un train principal pour le moins complexe... |
Une foule de problèmes de conception vont se poser aux ingénieurs de Boeing : le train d'atterrissage est d'une dimension encore jamais vue, avec un train principal équipé de quate jambes, chacune équipée de quatre roues (soit 18 roues au total si on ajoute le train avant !) : deux bogies sur l'arrière du caisson de chaque aile, et deux sous la fuselage. Les réacteurs à fort taux de dilution conçus par Pratt & Whitney étaient les JT-9D, dont la mise au point fut compliqué techniquement et financièrement, suite aux déboires de Pratt avec ses programmes militaires qui avaient amputés une bonne partie de la trésorerie disponible. Techniquement, Pratt dut trouver un moyen d'augmenter la poussée par rapport aux spécifications initiales, le 747 accusant un surpoids de 15% sur la balance, avec une masse maxi au décollage de 322 000 kg, le tout pour une envergure de 60 mètres ! D'autre problèmes, plus graves encore furent trouvés : par exemple, le moteur JT9D posé sur son bâti avait un carénage bien circulaire…mais qui se déformait de manière ovale une fois suspendu sur l'avion, menaçant de faire rentrer en contact la soufflante sur la structure externe…acceptable pour les vols d'essais moyennant quelques précautions, mais inacceptable sur un avion commercial : un redesign complet de la structure porteuse du moteur devra être fait, avec un bâti en Y ! Pan Am attendait ainsi ses 17 avions, qui attendaient à Everett, en attende d'une nouvelle version des JT9D...
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Coupe du JT9D |
Dans le même temps, Boeing se rend compte qu'il n'a pas la place de produire le 747 dans ses usines…mêmes les gigantesques usines de Wichita sont trop petites (et appartiennent à l'armée, ce qui pose d'autres soucis…). Il faut donc construire une nouvelle usine, à 50 km au nord de Seattle, au beau milieu d'une forêt. c'est la naissance du site d'Everett, aujourd'hui mondialement célèbre. Boeing va créer une des plus grande usine au monde, qui nécessita pas moins de 6 millions de mètres cube de béton rien que pour les fondations du hall d'assemblage final, dont la toiture sera terminée en même temps que le début d'assemblage du prototype.
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L'usine d'Everett dans les premiers temps de la production des Boeing 747 |
Le gros soucis du pilote d'essai, Jack Waddell, était de rouler au sol à bord d'un avion aussi gigantesque, tout en étant perché à la même hauteur que le troisième étage d'un immeuble, avec une roue avant situé près de 10 mètres en arrière du cockpit…pour se familiariser avec les procédures de taxi, les équipes de Boeing vont bricoler un camion équiper d'une cabine de conduite perchée au dessus et en avant de la cabine de conduite, répliquant la position du cockpit. Waddell et les autres pilotes de Boeing feront ainsi des heures et des heures de "ballade" le long des taxiway pour se familiariser avec l'environnement.
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Le "Waddell's wagon" |
Le premier appareil sort d'Everett le 30 septembre 1968, baptisé le "City of Everett" et immatriculé N7470. Après une longue période d'essais statiques, il fit son premier vol le 9 février 1969 aux mains de Jack Waddell. Cette période fut suivi d'une période d'essais en vol remarquablement courte pour un appareil aussi novateur : le tampon de la FAA est obtenu le 30 décembre 1969. Pan Am peut alors ouvrir la première ligne "747" entre New York et Londres, avec un premier vol le 21 janvier 1970. Le monde venait d'entrer dans une nouvelle ère du transport aérien (certains l'appelleront méchamment "l'ère du bétail"). Côté vitesse en revanche, rien n'a changé, le Boeing 707 ayant une vitesse maximum de Mach 0,86 contre Mach 0,9 pour le 747.
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Le City of Everett en vol |
Une fois opérationnel, le 747 va se révéler un pari gagnant pour Boeing : avion sans rival, il va se révéler l'avion du futur ! Je prrécise cela, car le pari était loin d'être gagné. n'oublions pas que en 1969, il y a eu deux avions (entre autre) qui ont fait leur premier vol : le Boeing 747…et Concorde : deux paris sur l'avenir : transport de masse ou transport rapide : le 747 pariait sur le transport de masse, et Concorde sur la vitesse. L'avenir a donné raison au 747, Boeing détenant alors le monopole du transport aérien de masse avec son "Jumbo".
Le Boeing 747 n'était pourtant que le
premier avion d'une longue famille....
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