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lundi 30 septembre 2013

Indispensable checklist

La checklist est un outil indispensable en aviation : la complexité des avions modernes fait qu'il est impensable de les faire voler "de mémoire". Trop de paramètre, trop de complexité : il faut un support papier pour vérifier tout ce que l'on fait, le cerveau humain n'étant pas assez fiable.

Le Boeing 299...qui va généraliser les checklists...

Les checklists sont apparues dès les premiers temps de l'aviation; souvent, chaque pilote écrivait sa petite liste de choses à ne pas oublier, ainsi que quelques paramètres de vol dont il fallait se souvenir. Chaque pilote avait son petit mémo…et beaucoup n'en avaient pas, s'estimant "au dessus de la paperasserie"

Puis tout changea le 30 octobre 1935.



Revenons un peu en arrière : le 18 juillet 1934, l'US Army Air Corps émet une spécification pour un "avion terrestre de quatre à six places à haute performance multi moteurs". Boeing va répondre à cet appel d'offre, avec un nouvel appareil de conception révolutionnaire : un quadrimoteurs de construction semi-monocoque et quadrimoteurs :  le model 299.

Boeing ne va pas fort à cette époque : la grande dépression à frappé très fort sur les programmes aéronautiques, et il y a peu de demandes au niveau civil, et les militaires sont assez frileux pour lancer de nouveaux programmes. Boeing va donc jouer son existence sur ce projet.

Le Boeing 299 ne vous dit sans doute rien, mais la photographie peut-être : il s'agit du prototype de ce qui allait devenir le B-17 "Flying Fortress" dont pas moins de 12 730 exemplaires seront construits…

Le Boeing 299 en vol...et si je vous dit B-17, ça fait tilt ?


Train rétractable, hélices à pas variable, quadrimoteurs : cet appareil d'une complexité encore rarement vue fait son premier vol le 28 juillet 1935. Quelques jours plus tard, il rallie Dayton en partant de Seattle en 9 heures, une prouesse pour l'époque. Bien que coûtant deux fois plus cher que ses compétiteurs, le Boeing 299 était gagnant d'avance dans la compétition de l'USAAC.

Il est 9h30 du matin le 30 octobre 1935 lorsque le Boeing 299 piloté par le major Ployer Hill et le lt Donald Putt, ainsi que trois observateurs. L'appareil s'élance sur la piste avant de grimper. Il quitte le sol assez lentement, et commence à s'élever, puis cabre encore et encore…l'appareil décroche, tourne à 180° avan de s'écraser dans un champ. L'aile gauche touche en première, ce qui a pour effet d'amortir le choc. Par miracle, 4 des 5 hommes d'équipage sortent indemnes du brasier. L'un deux retourne chercher le major Hill qui est resté coincé aux commandes. Ils le sort du brasier, mais le major décèdera quelques jours plus tard de ses blessures. Un deuxième membre de l'équipage décède également de ses blessures une semaine après le crash.

Les restes du Boeing 299 après le crash du 30 octobre


Le Lt colonel Lackland reçoit alors mission d'expliquer le crash : est-ce la faute des pilotes ou est ce que l'appareil prometteur de Boeing cache un défaut mortel ? L'enquête est rapide, et le témoignage des survivants est vital : il n'y a pas eu de soucis mécaniques, mais le plan fixe horizontal avait toutes ses surfaces mobiles bloquées. C'est donc une "faute du pilote"…mais le rapport ne l'écrit pas tout à fait comme ça : au contraire il reconnait la complexité de l'appareil et de ses équipements, et le fait qu'aucune vérification du manche n'avait été effectuée avant le vol.

Quelques jours plus tard, un autre verdict tombe : c'est Douglas qui remporte la compétition de l'US Army, avec un contrat pour 350 appareils : ce sera le DB-1 "Bolo"…totalement inconnu ! Malgré l'accident, l'Air Corps veut toujours le Boeing 299, et donne un contrat à Boeing pour 13 appareil YB-17. Mais une autre réflexion se fait au sein du corps : puisque le problème ne venait pas de la machine mais de l'opérateur, pourquoi ne pas aider l'opérateur dans sa tâche ?

Un exemple de checklist, extrait de celles du Super-Guppy

D'où une idée simple et efficace : la checklist. Déjà utilisée, mais de manière officieuse, de nouvelles checklists vont être mise au point pour le décollage, le vol et l'atterrissage, qui listent les étapes à ne pas oublier. Cette fois ce ne sont plus les pilotes, mais le constructeur qui va rédiger les checklists, qui deviennent un éléments de documentation, au même titre que le manuel d'entretien ou le manuel de vol. Leur usage devient obligatoire d'abord sur les avions multimoteurs, puis sur tous les appareils, du démarrage à l'arrêt des moteurs. Elles intègrent aussi des procédures d'urgence. La checklist pour mener à bien son vol. Cela n'enlève pas pour autant le besoin de bons pilotes : l'expérience n'est pas dans une checklist !

C'est une vraie révolution : désormais on ne place plus la confiance dans la mémoire du pilote, mais sur sa capacité à suivre des checklists. Ce n'est pas pour autant que le pilote ne pilote plus, mais il est aidé dans les tâches "mémoire". La politique de l'Air Corps consistant à dire que "un manche et une manette des gaz, besoin de rien de plus pour voler" à clairement montré ses limites en cette journée de 1935.

Un format de poche, adapté aux cockpits encombrés, ne reprenant que l'essentiel pour ne rien oublier...
Aujourd'hui, la checklist existe toujours, sous de très nombreuses formes, allant du traditionnel classeur à l'affichage numérique des derniers cockpits, jusqu'à la tablette tactile modèle déposé pomme. Mais c'est encore la version papier la plus répandue…peut-être parce que quand tout tombe en carafe dans le désert au fin fond du Moyen-Orient, le duo papier - crayon marche encore !

Les équipages "déroulent" la checklist, souvent à deux : l'un lit la checklist, l'autre vérifie et effectue les actions demandées, énonçant à voix haute ce qu'il fait, permettant au premier pilote de ne pas quitter le document des yeux.

La checklist électronique : présente dans l'ECAM (Eletronic Centralized Aircraft Monitor) sur l'A380

Malgré tout le soin apporté à leur conception, il existe encore des erreurs : inattention, mauvaise checklist etc…mais gardons en tête que aucun système n'est parfait : il subsistera toujours un risque d'accident. Il est cependant presque certain que le crash du Boeing 299 à permis de sauver un nombre incalculable de vies dans les décennies qui ont suivies. L'ergonomie des cockpits n'étant pas une considération très importante dans les années 30, la présence d'une checklist détaillée était un vrai plus pour un jeune pilote, ou un pilote plus expérimenté découvrant un nouvel avion.

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