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lundi 2 septembre 2013

C-133 "Cargomaster" (1/2)

Cheville ouvrière de toute l'armée américaine, l'Air Transport Command, branche de transport militaire de l'US Army Air Force avait presque tout transporté un peu partout au cours de la Guerre, grâce à une flotte de plus de 3200 d'appareils de transport de toute taille. Jugés obsolète, la plupart de ces appareils furent vendus à la fin de la Guerre, et le potentiel de l'ATC commença à décroitre. Le reste des forces de transport de l'USAF et de l'US Navy fut mergé au sein du MATS, Military Air Transport Service, quelques semaines avant le début du pont aérien de Berlin, qui servira de piqure de rappel sur les besoins de transport militaire. Malgré des investissements massifs dans de nouveaux appareils comme les C-124 "Globemaster II", il fallait plus, et surtout de meilleurs moteurs, les moteurs à pistons montrant clairement leurs limites. Il y avait le choix entre le turbopropulseur ou le turboréacteur, l'USAF préféra la voie du turbopropulseur, qui promettait d'être plus économique.

L'avion au nez de clown, c'est le "Cargomaster"


C'est ainsi qu'est né le programme "USAF Logistic Carrier Support System" en 1950, qui comprenait trois volets : un avion tactique, ou SS-400L (qui deviendra le C-130 "Hercules", un avion lourd pouvant devenir ravitailleur, SS-401L…qui ne donnera aucun  appareil, et le SS-402L, une sorte d'intermédiaire entre les deux…ce projet allait donner le C-133 "Cargomaster"

Projet du C-132, en réponse au SS401L, un appareil un peu trop gros pour l'époque...

Répondant à cette appel d'offre, la firme Douglas se contenta de reprendre le C-124, et d'en proposer une nouvelle version, le "type 1324", avec une envergure allongée et des trains principaux à bogies, mais ce projet va rapidement évoluer vers le projet "1324P", avec la voilure posée sur le fuselage, et un train principal logé dans des carénages sur le côté du fuselage, permettant en outre de baisser le fuselage à hauteur de plateforme de camion. Nommé C-124X, ce projet intéresse l'Air Force mais n'est suivi d'aucune commande…et le projet continue d'évoluer : turbopropulseur, envergure allongée, fuselage très effilé…ce sera le "type 1333". Douglas présente les caractéristiques de ce nouveau projet en février 1953, et l'USAF donne la dénomination C-133 le 10 août 1953, passant une première commande le mois suivant. Contrairement à ses prédécesseurs, le C-133 ne se destine pas à au transport de troupe, car les accords avec les compagnies aériennes prévoient une réquisition des appareils civils en cas de besoin…par contre pour le matériel, l'USAF doit se débrouiller !

Le contrat est officiellement signé en mai 1954, ouvrant la voie à la production en série de l'avion. C'est Charles Davies, un ancien du C-124 qui dirige les études. Le "roll-out" du premier C-133A a lieu le 2 février 1956. Le premier appareil est le 54-0135 et il effectue son 1er vol le 23 avril 1956 avec "Jack" Armstrong et Franck Boyer aux commandes, pour un convoyage de l'usine de Long Beach jusqu'à la base d'Edwards pour ses essais en vol. Développé suivant la méthode Cook and Craigie, le premier appareil est un exemplaire de série, aucun prototype ne sera construit…ce qui ne sera pas sans poser quelques retards, mais rien de sérieux comparé à d'autres programmes comme le F-100 et ses instabilités...


écorché du C-133 "Cargomaster"

Les premiers vols furent décevants, car les nouveaux turbopropulseurs T-34 de donnaient pas la puissance espérée, ne délivrant que l'équivalent de 6083ch au lieu des7500ch visés !

Douglas mena donc une "guerre aux kilos en trop" pour garantir les performances au décollage de l'avion malgré les moteurs plus faibles. C'est ainsi que l'épaisseur du revêtement fut diminué en réduisant sa robustesse…selon les calculs, ça devait passer…on verra plus tard que ce fut limite.

Les essais en vol se passent bien malgré plusieurs problèmes : les freins qui chauffent trop qu'il faut redessiner, l'antigivrage pas assez puissant, et le cône de queue pas assez aérodynamique qu'il faudra modifier. Il y a malheureusement deux défauts sur lesquels Douglas ne pourra rien faire : le niveau de vibration élevé dans l'appareil…et l'absence d'avertissement avant décrochage (pas de buffeting classique, les ailes de l'appareil ayant tendance à décrocher de manière soudaine). Les moteurs seront également remplacé par une nouvelle version plus puissante du T-34, donnant 1000cv en plus !

Une soute gigantesque...

La soute cargo, gigantesque pour l'époque, permettait d'accueillir presque tout ce que l'inventaire US possédait grâce à une immense porte cargo située à l'arrière de l'appareil. De la jeep aux missiles balistiques à moyenne portée comme le "Thor" ou le "Jupiter"…ne manquait que les missiles intercontinentaux "Atlas" et "Titan" ou "Minutemen". Pourtant la soute avait presque la dimension requise pour ces missiles..le problème venant en fait de la porte cargo arrière, en deux parties : une partie basse qui servait de rampe, et une partie haute qui remontait vers le plafond, mais qu'on ne pouvait plus redescendre une fois un missile "Atlas" chargé à bord. Pour remédier à ce défaut, les 3 derniers C-133A et surtout les 15 C-133B se différencieront par la porte arrière, dont la partie basse servait toujours de rampe de chargement, mais le haut s'ouvrait sur les côtés en pétales. Une augmentation de la longueur de la cabine de 91cm (obtenu par raccourcissement du volume du cockpit) permettait de charger les missiles balistiques les plus lourds sans aucun problème.

Arrière d'un C-133B avec l'ouverture en pétales, à comparer avec la photo suivante


Le 1er Cargomaster livré à l'USAF, le 54-0143, arrivera à Dover le 28 août 1957. Le 50° et dernier Cargomaster sera le C-133B no 59-0536, livré à Travis AFB le 22 mars 1961..il y restera à peine 10 ans. Affecté au transport lourd pour le MATS, les C-133 vont desservir l'Europe et l'Asie de façon régulière (ils seront des habitués de la base de Chateauroux, entre autre). La capacité de transporter autant de cargo d'un seul coup sera une grande nouveauté pour l'USAF, et les "loadmasters", responsable du chargement, devront apprendre le métier sur le tas…ce n'est pas la même chose que de déplacer des jeeps que des missiles ! Que pouvait transporter le C-133 ? Un ancien loadmaster répondra "tout…du moment que ça rentre dans le trou de la soute !".

Chargement d'un missile balistique...easy ! C-133A avec l'ouverture vers le haut


Sur un avion de cet taille, le centrage est essentiel pour que l'appareil puisse décoller. Les Loadmasters devront calculer le centrage de l'appareil de manière très précise…et sans calculatrice ! Heureusement l'USAF mettait au point des abaques, sorte de règle à calculer, permettant de vérifier un chargement en fonction de son poids et de sa position. Les membres d'équipage avait cependant une méthode artisanale pour savoir si l'appareil était bien chargé : la déflection du train avant devait correspondre à la hauteur…d'un paquet de "Lucky Strike"… C'est ainsi qu'un paquet de cigarette posé sur le train avant permettait de vérifier les calculs…au moins de manière approximative !

Profil de l'appareil


Grande nouveauté : l'ensemble de l'appareil est pressurisé…et le poste de pilotage est même climatisé ! De ce fait les hommes d'équipage peuvent voler en combinaison de vol toute l'année, sans avoir besoin de mettre 10 couches de vêtements supplémentaires en hiver pour se protéger du froid intense régnant à haute altitude. Cela permet aussi au "Cargomaster" de voler à 10 000 mètres au dessus des nuages, et non plus à 3 000 mètres au beau milieu des turbulences comme le "Old Shaky" !

Vue du cockpit du C-133 de Travis AFB

Douglas va également chercher à rentabiliser son appareil, en proposant de nombreuses versions dérivées : dans un rôle de Guppy transportant des étages du fusées sur son dos dans un "coffre de toit" assez impressionnant. Une autre proposition pour en faire un ravitailleur sera rejeté par l'USAF ou encore la transformation en avioon commercial à deux ponts, capable d'emmener 264 passagers. Aucun de ces projets ne quitta la planche à dessins.

Vue d'artiste d'un C-133 transporteur de fusées...on ose pas imaginer la consommation...

Malgré tout le soin apporté à sa conception, le "Cargomaster" aura une carrière courte et endeuillé de nombreux crashs. Suite au prochain épisode !

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